Un mal ronge le secteur immobilier au Sénégal : la hausse vertigineuse des coûts et des prix. Sous cet angle, bien des Sénégalais souffrent. Ils sont locataires et toujours hantés par des lendemains incertains. La perspective de devenir propriétaire s’éloigne pour eux. Il ne leur reste plus qu’un mince espoir : l’abaissement des prix locatifs qui crèvent les yeux et grèvent les maigres budgets consacrés. Se nourrir, se loger et se vêtir, voilà le triptyque de l’humanité depuis l’aube des temps ! Tel qu’il fonctionne de nos jours, l’immobilier condense en lui le mal du pays, une absence de règles, la loi du plus fort et l’indifférence vis-à-vis des plus faibles dont le sort est très peu enviable.
L’envolée des coûts de constructions explique sans le justifier l’augmentation permanente des loyers devenus un casse-tête chinois dans les foyers sénégalais. Après s’être installée, l’inquiétude grandit en s’amplifiant et provoque de ce fait des drames familiaux.
Du seul fait des excès, des locataires ne supportent plus les pressions qu’ils subissent et le harcèlement dont ils sont l’objet les pousse à des conduites irrationnelles. Presque. Pas de jour sans expulsion. Pas de jour sans dislocation des familles. Pas de jour sans de déchirantes scènes d’impudeur, de manque de discrétion, pourtant une des valeurs cardinales de notre société où l’absence de retenue gagne du terrain.
Dans cet univers clos d’apparence règne une atmosphère délétère rythmée par des menaces, des coups de gueules, des insanités, des litiges, des contentieux, l’arrogance, la cupidité, la couardise, des lâchetés et la médisance. Chaque jour apporte son lot de malheur à des gens démunis, vivant dans une angoisse permanente parce qu’exposés au regard des autres et à l’humiliation sociale.
A force de déménagement, les locataires se dépersonnalisent. Les enfants perdent des repères et n’ont plus d’attache, der socle ou d’enracinement. Aucun souvenir ne les habite parce que ballotés entre quartiers où ils ne restent pas longtemps pour se construire dans la durée un monde moyennant une réelle unité de cohérence et de pertinence. Quid de l’école ? De la mosquée ? Des lieux de loisirs ? Des « chemins de gamins » ? Tout est fugace pour les progénitures issues de ces milieux frappés d’instabilité.
Pourquoi tarde-t-on à agir pour écourter ces malheurs ? N’est-il pas urgent de trouver au plus vite des solutions de bon sens ! Oublie-t-on que ces locataires sont des citoyens capables d’exprimer des colères légitimes ! Dans ces moments de cafouillage, seuls les bailleurs en tirent avantage. Ils construisent des maisons et des appartements. Ils se donnent le beau rôle de fixer les prix et de déterminer les modalités de paiement. Ils privilégient la rentabilité immédiate au mépris des lois édictées et promulguées.
Le gain facile s’apprécie à l’aune de l’empressement qui s’empare de tous ces investisseurs motivés uniquement par l’appât. Le silence des autorités ne s’explique pas devant tant d’arrogance et d’outrecuidance. Un tel laxisme couvre des pratiques répréhensibles que bien du monde ne dénonce pas. Au même moment, prolifèrent des chantiers immobiliers dans une suspecte frénésie qui en dit long sur l’origine des capitaux ainsi mobilisés. Que cache cette opulence soudaine ?
Le boom immobilier des ces dernières décennies provient-il de politiques dérogatoires ? Qui en est bénéficiaire ? Et comment ? Les gouvernements successifs ont eu, à maintes reprises, l’occasion de régenter ce secteur à l’expansion sulfureuse pour donner des gages de gouvernance efficiente et surtout rassurer sur la traçabilité des circuits financiers licite ou pas.
Il y a à édifier les Sénégalais sur le non respect des règles (de droit) différent d’une violation de la loi. Dans les deux cas, les actes qu’ils subordonnent s’écartent d’un système normatif en vigueur dans notre pays. Lequel s’expose de plus en plus à des comportements et à des usages en porte-à-faux avec ses propres règles de vie.
Or cette ambiguïté est à lever au plus vite en raison justement de l’entrée du Sénégal dans le cercle restreint des pays producteurs de pétrole et de gaz. Ce changement d’échelle, s’il n’est pas anticipé, préparé ou codifié, ouvre une période d’incertitudes ponctuées de confusions et de perturbations qui ne profitent qu’aux orfèvres de la dissimulation.
Ils agissent en sourdine et recrutent des gens à leur solde « sans foi ni loi ». L’immobilier qui prospère n’est qu’un indice de cette perméabilité voire de cette vulnérabilité imperceptible à l’œil nu. Pourtant elle vide de leurs substances les propositions issues des récentes concertations sur la cherté de vie engagées par l’Etat et les divers acteurs socio-économiques.
S’ils ne s’entendent pas sur tout, il s’accordent néanmoins sur l’appréciation de la conjoncture. Le renchérissement du coût de la vie expose de larges couches sociales à de lourdes dépenses auxquelles elles ne peuvent faire face faute de pouvoir d’achat conséquent. Si en plus de ces aléas, vient s’ajouter une surenchère immobilière, la situation risque de se transformer en coup de canif du fait de l’irrespect des obligations des accords convenus entre parties.
Pourtant, de plus en plus les désaccords s’étalent au grand jour. Les bailleurs, tirant de substantiels profits de leurs biens immobiliers, réinvestissent dans la pierre et entretiennent la tension spéculative au détriment des locataires. Les uns raisonnent logique d’accumulation quand les autres brandissent la politique sociale.
Bien que présent dans ces « bras de fer », l’Etat se montre impuissant à s’imposer et à imposer son autorité. Une telle faiblesse est susceptible de précipiter tout le monde dans une sévère crise de l’immobilier. Les signes avant-coureurs se mettent déjà en place. Les immeubles poussent comme des champignons dans divers quartiers de Dakar et environs. Mais leur taux d’occupations ne grimpe pas. Conséquence : les acquéreurs d’appartements et les locataires désertent les lieux et se réfugient dans les zones pavillonnaires des banlieues proches ou lointaines.
Grâce à la mobilité accrue, de plus en plus de personnes se déportent désormais vers de nouvelles aires d’habitations comprises dans le triangle Diamniadio-Thiès-Mbour notamment. Par effet d’entraînement, la terre, donc le foncier, retrouve de la valeur dans ces zones désormais prisées par des urbains en quête d’aisance.
Face à de telles dynamiques sociales, il est urgent de réinventer l’espace pour corriger les aberrations constatées dans les premières formules de constructions sous l’empire des SICAP (standing moyen) ou des HLM (modérés). Les dites sociétés, qui ont eu des heures de gloires, intègrent-elles les « dynamiques plurielles » dans leurs projets immobiliers du moment ? Ce travail est nécessaire. Sera-t-il salutaire ?
Les temps ont changé. Certes la demande croît et, avec elle l’offre s’affine. Mais les nouveaux acquéreurs de toit sont plus exigeants en termes de coûts et de goûts, voire de fantaisie que les clients des années antérieures. La sobriété cède le pas à l’ostentation. On existe parce qu’on a une belle maison, visible de la rue. Avec la multiplication des promoteurs immobiliers, le marché se réapprécie grâce au niveau compétitif atteint désormais pour mériter la confiance des acquéreurs potentiels. Ils s’informent mieux et établissent des comparaisons avant d’acter toute décision d’achat ou de bail.