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Le Capital Humain Et La Relocalisation Industrielle En Afrique

Le Capital Humain Et La Relocalisation Industrielle En Afrique

Alors que la pandémie a souligné l’importance de relocaliser les industries stratégiques, la question posée est celle de savoir si l’Europe centrale et celle de l’Est seront les bénéficiaires du retour des usines sur le Vieux continent. Il s’agit du rapatriement des opérations de manufacture et de services d’Asie principalement, sur le sol européen.

Les raisons de ce rapatriement se rapportent aux risques qui pèsent sur la chaîne d’approvisionnement depuis le COVID. En effet, l’augmentation des salaires en Asie et celle des coûts de transport sont autant de facteurs qui poussent les sociétés à ramener leur production de services et leurs manufactures en Europe.

La question qui vient à l’esprit est : pourquoi l’Europe, la France en particulier, ne « délocalise » pas dans le continent africain ses industries technologiques que l’on retrouve en Asie et ailleurs ?

Ce constat sonne comme une sorte de distorsion dans les rapports « Colonisateur/Colonisé » que nos pays respectifs ont entretenus un siècle et demi durant. Au lendemain des indépendances, nos Etats ont entamé des politiques de promotion des PME industrielles et de grosses entreprises à vocation exportatrice.

Du fait d’une gestion hasardeuse des finances publiques et de la détérioration des revenus d’exportation de leurs matières premières, nos pays ont été, pour la plupart, mis sous ajustement structurel.

Cette politique imposée par les partenaires multilatéraux a eu des conséquences économiques et humaines coûteuses pour les pays concernés, le nôtre compris. Le décrochage qualitatif du capital humain date de cette période avec des fermetures d’entreprises publiques, de banques avec les pertes d’emplois consécutives, des réductions drastiques de budgets relatifs à la santé, l’éducation et la formation.

Les budgets des Etats et des entreprises publiques non liquidées ont alors subi des coupes sombres effectuées sur la base d’un tri implacable entre « dépenses productives et dépenses improductives ».

 L’ouverture économique sur l’extérieur recommandée par les institutions multilatérales a livré les PME de l’époque à la concurrence asiatique provoquant leur brutale disparition avec comme conséquences la suppression d’effectifs dotés de savoirfaire étendu à de nombreux secteurs de l’industrie manufacturière de l’époque (bonneterie, électricité, agroalimentaire, visserie, boulonnerie, etc.).

Considérées comme « improductives », des dépenses relatives à l’éducation nationale, à l’enseignement supérieur et la santé ont été drastiquement réduites. Les réductions des budgets de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur ont grandement fait baisser la qualité du capital humain de cette période, avec des classes surchargées dans les cycles primaires et secondaires prises en charge par des enseignants de moindre formation, et des effectifs d’étudiants plus que pléthoriques à l’université. Les données n’ont pas fondamentalement changé depuis lors.

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Bien que consacrant près de 40 % du budget national à l’éducation, l’Etat du Sénégal peine à couvrir les besoins en universalité de l’école, et en formation des enseignants.

Les salaires sont pourtant le poste principal du budget national du département, et suivent derrière les dépenses en infrastructures scolaires et universitaires sans pour autant changer fondamentalement l’état de l’école sénégalaise.

Plus que jamais, il s’agit de revisiter le système éducatif dans son financement et aussi dans son articulation aux objectifs économiques de croissance et de développement.

Le maître mot d’une formation économiquement performante pour nos pays est la maîtrise de la technologie, qui passe entre autres par la maîtrise des mathématiques par le plus grand nombre. L’exemple de la Corée du Sud est éloquent à cet égard.

La Corée du Sud est aujourd’hui l’une des principales économies mondiales. Privée de ressources naturelles, lesquelles sont concentrées en Corée du nord, et important son énergie, la stratégie de développement de la Corée du sud a été basée sur le développement du capital humain.

La priorité est donnée à l’éducation et au travail. En la matière, les Coréens arrivent en tête, avec les Finlandais, dans l’enquête internationale PISA (Program for International Student Assessment) qui est menée par l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Economique).

En Europe, la Finlande se distingue des autres pays européens, en particulier dans le domaine scolaire.

L’école finlandaise est considérée comme le meilleur modèle en Europe, voire au monde, avec un souci d’équité entre les apprenants sans pareil quant à l’origine sociale.

Les caractéristiques les plus marquantes sont : l’absence d’écoles privées (il n’y a que des écoles publiques), la gratuité de l’école, la valorisation du métier d’enseignant, l’adaptation des cours aux niveaux des élèves (pas de redoublement) grâce à un système de rattrapage automatique.

S’inspirer des exemples finlandais et sud-coréen !

Au Sénégal, le chef de l’Etat a présidé, il y a quelques jours, le lancement officiel avec pose de la première pierre des Classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) devant servir de « réceptacles appropriés pour ouvrir à nos meilleurs élèves des filières Mathématiques, Physique, Sciences de l’ingénieur, des filières techniques ».

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Rappelons qu’en sens inverse, en France, l’ENA, considérée jusque-là comme la voie toute tracée pour accéder aux postes les plus importants de ce pays, vient d’être supprimée et remplacée par l’Institut national du Service public (INSP). Cette réforme française qui peut être considérée comme une sorte de « délitisation » de l’école veut certainement s’inspirer des exemples européens dont celui de la Finlande.

Dans le cas du Sénégal, avec les CPGE, on a le sentiment de construire une pyramide par le haut pour après attaquer la base. Car, ces classes préparatoires, parviendront des élèves déjà sélectionnés dans leur parcours avec comme objectif d’être parmi les tout premiers à accéder aux écoles d’ingénieurs.

A notre sens, la priorité devrait être de reconstruire une école accessible à tous et tendue vers les performances en matière de technologie, ce qui présuppose un enseignement des matières scientifiques au profit de tous, y compris les « moins ou peu doués ». Cela pourrait assurer un accès massif et démocratique aux écoles d’ingénieurs et favoriser les avancées technologiques dans notre pays.

Les besoins en effectifs technologiquement armés sont liés à la nécessaire valorisation de nos ressources naturelles, minières en particulier. Les éléments indispensables sont la mise en œuvre des investissements et l’optimisation de l’exploitation grâce à une main d’œuvre formée.

Les dragons asiatiques et la Chine ont pu émerger grâce aux flux d’investissement orientés vers la manufacture délocalisée d’Amérique et d’Europe vers eux.

 En effet, aucune épargne nationale ne peut totalement couvrir les besoins en investissements nécessaires à la transformation industrielle des pays en émergence.

 C’est le lieu de déplorer que l’Afrique soit la grande oubliée de la « délocalisation » par le fait de pays qui l’ont colonisée et insérée dans leur espace économique et monétaire à titre de pourvoyeuse de matières premières et de réceptacle des produits finis.

Les motifs avancés du peu d’intérêt accordé au continent sont la faiblesse et le coût de la main d’œuvre ainsi que le « risque pays » élevé en matière d’investissement. De fait, c’est vrai que, pour la qualité des ressources humaines, d’énormes progrès restent à faire en Afrique comparativement aux pays d’Asie qui ont très tôt misé sur le facteur humain.

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Au regard de l’évolution économique mondiale, et des progrès scientifiques, techniques et numériques, il est urgent de revoir tous les maillons de la chaîne du système éducatif.

En zone francophone, il faut dire qu’il n’est plus besoin d’un système d’enseignement centré pour une large part sur les « lettres » au détriment des sciences et de la technologie, plus en rapport avec les urgences de développement économique.

La Recherche et le Développement doivent occuper une part plus importante dans les budgets nationaux et ceux des entreprises publiques à haute valeur ajoutée comme celles du secteur numérique.

Les dépenses s’y rapportant peuvent être « syndiquées » au niveau de l’espace sous régional c’est-à-dire prises en charge par les Etats sous régionaux à travers des quotesparts à déterminer, et avec comme maître d’oeuvre une banque de développement.

La floraison actuelle d’écoles supérieures africaines privées, mues par le retour sur capital investi, doit s’accompagner de la création d’écoles techniques sous régionales en parfaite cohérence avec les stratégies de développement respectives.

Au niveau des Etats, la structure des budgets locaux et nationaux devrait être revue.

Le constat est que les ressources budgétaires locales et nationales sont consacrées au « fonctionnement », et que l’investissement est, quant à lui, couvert par des fonds d’équipement insignifiants et des ressources issues du marché financier.

Avec des ressources humaines formées aux technologies de pointe, il devient plus aisé d’exiger de partenaires comme la Chine ou l’Inde davantage de transfert de technologie pour déboucher in fine sur la maîtrise des « know how » manufacturiers.

Sans aucune ressource naturelle, la Corée du sud est devenue l’une des toutes premières puissances économiques mondiales grâce aux investissements étrangers et au développement de son capital humain. Elle exporte principalement des équipements électriques et électroniques, des machines, des chaudières, des véhicules, des tramways, des combustibles minéraux, des huiles, des produits de distillation et même des réacteurs nucléaires !

C’est pour dire en définitive que la souveraineté économique indispensable au développement de l’Afrique passe par la constitution prioritaire d’un capital humain en rapport avec les exigences de qualité requises dans les échanges de biens et de services au niveau du commerce mondial.







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