L’arrestation du journaliste Pape Alé Niang est l’énième agression du pouvoir politique et de ses relais répressifs contre les libertés publiques en général, contre la liberté de presse au Sénégal en particulier. En dépit du caractère martial des mots par lesquels le procureur de la république entend incriminer notre confrère, la réalité de cette forfaiture politico-judiciaire est beaucoup plus simple et accessible. Il est juste question – comme un autre confrère l’a remarquablement noté – d’un document dont le contenu fait état de falsifications d’une enquête préliminaire par un commandant de la gendarmerie sur ordre d’un procureur de la république. C’est cette information de taille livrée à l’opinion publique comme partie intégrante d’un dossier judiciaire fortement politisé qui est à l’origine de l’arrestation de Pape Alé Niang.
Fondamentalement, le régime règle ses comptes avec Pape Alé Niang, une bête noire qu’il entend faire taire par tous les moyens, même non conventionnels. Les motifs d’appel à la subversion et de publication de documents militaires qui lui sont collés sont simplement ridicules : des prétextes revanchards d’une bande de politiciens décidés à neutraliser des journalistes libres et indépendants qui exercent leur métier dans le cadre des libertés garanties par la Constitution du Sénégal, en toute responsabilité.
On aurait souhaité que la hiérarchie de la gendarmerie apporte les réponses nécessaires aux accusations publiques graves dont font l’objet de hauts gradés au sujet de l’enquête préliminaire sur l’affaire « Sweet Beauté ». Mais en jetant son courroux sur Pape Alé Niang, l’Etat valide à la fois l’existence du « Rapport » et les manipulations dont il a fait l’objet, dans le but évident de liquider ou de salir un opposant politique. Par la même, le « complot » dont Ousmane Sonko se dit victime fait sens au dessus du silence synchronisé de tous ces protagonistes adossés aux basques du régime, incapables de répliquer à l’infâmante accusation de « comploteurs », attendant sagement la décision politique qui sortirait de la machinerie judiciaire.
La place du journaliste Pape Alé Niang n’est ni dans un commissariat de police ni en prison, ce purgatoire où l’Etat incarcère allègrement ceux qui font grincer les rouages de sa mécanique corrompue. Aujourd’hui, ce qui est plutôt mis en évidence par le Rapport de la gendarmerie relative à l’enquête préliminaire sur l’affaire « Sweet Beauté », c’est l’existence au sein de cette institution militaire d’un noyau de résistance qui veut perpétuer un prestige et un respect vieux de plusieurs décennies. D’où l’urgence que les autorités politiques du Sénégal reviennent à la raison en libérant Pape Alé Niang.