La montée en puissance du « socialisme à la chinoise » fait de plus en plus peur au capitalisme impérialiste et à ses grandes fortunes mais dérange aussi les forces politiques qui cherchent à travers le monde une alternative à l’idéologie et aux politiques libérales et néocoloniales du capitalisme mondial. Les impérialistes étasuniens et européens s’évertuent à camoufler les différences entre leur système d’exploitation de l’homme par l’homme fondé sur la propriété privée des moyens de production et d’échange, la plus-value, le profit maximum et le « socialisme à la chinoise ».
Dans les pays impérialistes (USA/UE/Japon) décadents et en crise, ainsi que dans les pays dépendants et néocoloniaux, les forces sociales et politiques qui recherchent une alternative aux effets dévastateurs du capitalisme ignorent les différences entre l’Occident capitaliste impérialiste et le « socialisme de marché » chinois. Ce faisant, ces forces alternatives antilibérales, y compris celles qui se réclament du communisme, regardent ailleurs à la recherche d’une hypothétique troisième voie en lieu et place d’une étude sérieuse et scientifique de l’expérience chinoise dans les conditions actuelles du rapport des forces évolutif né de la défaite temporaire du camp socialiste.
Les expériences de la Chine, de la Corée du Nord, du Vietnam et de Cuba, ces rescapés du camp socialiste défait, sont purement considérées à tort comme sans aucun intérêt. Certains parlent ainsi du « socialisme du XXIème siècle » en faisant l’autruche devant ces expériences et sans en définir le contenu de classe, ni le fond, ni la forme. Ce slogan creux fait ainsi le tour du monde. Y compris dans les néo-colonies et pays dépendants, on assiste à une attitude identique aiguillée par la propagande impérialiste Occidentale présentant la Chine comme un « nouvel impérialisme concurrent » prédateur.
Ceci est particulièrement vrai en Afrique où se terrent dans le silence certains « ex-prosoviétiques » pendant que certains « ex-maoïstes prochinois », tout comme les bourgeoisies néocoloniales, répètent à l’envi le mensonge propagé par leurs maîtres impérialistes Occidentaux du « nouveau colonialisme chinois ». Il devient donc nécessaire d’analyser l’évolution de la Chine au regard des enjeux de la lutte de classes entre capital et travail, de la lutte de libération nationale des peuples contre l’oppression impérialiste et de l’affrontement inévitable entre impérialisme et rescapés du camp socialiste dont on voit déjà certaines manifestations avec le blocus de Cuba, de la Corée du Nord et la guerre économique contre la Chine et le nouveau cycle des guerres impérialistes.
L’Afrique, l’Amérique du Sud et la Chine sous domination
La Chine est l’une des plus anciennes civilisations de l’humanité. Elle a été une puissance féodale sous les différents Empereurs qui l’ont gouvernée durant des siècles. Elle est considérée par certains économistes comme la première économie mondiale jusqu’au début du XVIIIème siècle. Bien avant l’ère capitaliste inaugurée par l’expédition de Christophe Colomb vers les Amériques, la Chine féodale était aussi une puissance scientifique et technologique qu’illustrent les expéditions maritimes du navigateur Chinois Zheng He, amiral de la flotte impériale de l’empereur Zhu Di (Yong Le) de la dynastie des Ming : « La préparation des expéditions est méticuleuse, avec par exemple la fondation d’un institut des langues étrangères à Nankin. Les échanges commerciaux sont nombreux. D’un de ces voyages, il ramène une girafe de Malindi, un bourg swahili (actuel Kenya), qui est considérée en Chine comme un exemplaire du qilin, un animal légendaire. De l’or, de l’argent, de la porcelaine et de la soie sont échangés contre de l’ivoire et des animaux exotiques, tels le zèbre, le dromadaire ou l’autruche. Zheng He explore, durant toutes ces années de voyage : les côtes de l’Asie du Sud-Est (notamment Java et Sumatra dans l’actuelle Indonésie); de nombreuses îles de l’océan Indien (notamment l’actuel Sri Lanka). Il remonte la mer Rouge jusqu’en Égypte et descend les côtes africaines jusqu’au Mozambique. C’est à la suite d’une de ces expéditions qu’en 1414, le sultan de Malindi (dans l’actuel Kenya) inaugure des relations diplomatiques avec la Chine… ces explorations, la seule autre expédition chinoise lointaine documentée est celle du moine Xuanzang pour rapporter d’Inde des textes bouddhiques, expédition romancée par la suite dans l’ouvrage célèbre La Pérégrination vers l’Ouest, bien que certains témoignages fassent état de voyages jusqu’à la péninsule Arabique dès la dynastie Han, au début du premier millénaire. Des cartes marines chinoises circulent dans le golfe Persique parmi les marins arabes, suivis de Vénitiens » (Wikipédia). Mais « à la différence des Portugais, les voyages d’exploration entrepris par les Chinois ne débouchèrent pas sur une entreprise d’expansion outre-mer » (idem).
En effet, c’est le capitalisme européen qui allait ouvrir à partir de 1492 une période de conquêtes territoriales et de commerce triangulaire par la traite des Noirs d’Afrique suite au génocide des Amérindiens. C’est lors des guerres de l’opium au XIXème siècle que les puissances capitalistes d’Europe ont asservi la Chine restée féodale. Toute la partie maritime de la Chine a été soumise par la violence au commerce des puissances capitalistes d’Europe qui entamèrent le dépeçage de la Chine en s’appropriant Hong Kong et Macao, lesquels n’ont été restitués qu’en 1997.
La Chine est devenue ainsi une semi-colonie dans laquelle s’est opérée une révolution anti-féodale qui a instauré, en 1912, la République, avant qu’en 1949 le Parti Communiste à la tête des ouvriers, des paysans et de la bourgeoisie nationaliste réalise la Révolution qui va libérer définitivement le pays de l’oppression impérialiste fasciste du Japon impérial, des féodaux et du semi-colonialisme pour rejoindre comme Démocratie Populaire le camp socialiste.
L’Afrique a aussi connu ses heures de gloire avec l’Égypte Pharaonique qui est la plus vieille civilisation du bassin méditerranéen et du monde comme l’explique l’historien Cheikh Anta Diop. Des historiens Africains révèlent même que « Aboubakri II (ou Abubakar II, surnommé l’« empereur explorateur ») serait un empereur du Mali qui aurait régné de 1310 à 1312. Dans la tradition des souverains navigateurs, il serait parti vers l’ouest jusqu’à la côte de l’Océan Atlantique, d’où il aurait lancé deux expéditions maritimes pour aller voir « ce qu’il y avait de l’autre côté de la grande mare ». Ayant pris la tête de la seconde, il n’en serait jamais revenu. Certains ont affirmé qu’il serait arrivé en Amérique (avant Christophe Colomb) où des « noirs » auraient été aperçus par certains des premiers Européens parvenus sur le continent, comme le rapportent Lopez de Gomara ou Pierre Martyr d’Anghiera. La source de cette histoire se trouve dans l’encyclopédie Masalik AlAbsar de Shihab al-Din al-Umari (1300-1349), historien d’origine syrienne actif en Égypte. Ce dernier avait 24 ans quand l’empereur malien Mansa Musa défraya la chronique égyptienne par sa richesse en or à l’occasion de son pèlerinage à la Mecque en 1324. Selon Al-Umari, au gouverneur du Caire qui lui demande comment il a obtenu son trône, Musa Ibn Amīr Hājib répond qu’il a tout d’abord assuré la régence de l’empire lorsque son prédécesseur est parti vers l’océan Atlantique » (Wikipédia). L’empire Soninké, du Mali et Songhaï pour rester dans l’ouest africain et la Charte du Mandé sous l’Empereur Soundjata Keita que l’on peut considérer comme l’un des plus vieux textes sur les droits humains, sont aussi les preuves historiques que l’Afrique a connu un processus d’évolution endogène que seule la naissance du capitalisme en Europe va stopper avec la traite des Noirs, la colonisation et le semi-colonialisme.
Il en est de même de l’Amérique avec les civilisations Inca, Aztèque, sans oublier les civilisations du bassin méditerranéen, arabes, perses et turques, dont les apports scientifiques et technologiques seront aussi importés et exploités par l’Europe où naîtra le capitalisme.
C’est ainsi que l’Asie, l’Amérique et l’Afrique vont être intégrées par la violence et la domination dans le processus de « mondialisation capitaliste » dont le stade suprême est l’impérialisme avec sa fusion du capital bancaire et industriel, ses firmes monopolistiques, ses guerres et son partage colonial de la planète. Le cours historique du développement endogène des modes de production pré-coloniaux vers le capitalisme y sera interrompu par l’annexion coloniale et le néocolonialisme.
L’Asie redécolle, en particulier la Chine
Au XIXème congrès du Parti Communiste Chinois, le rapport de son Secrétaire Général, Xi Jinping, fait le bilan suivant: « l’édification économique a remporté des succès importants… Une croissance moyennement élevée de l’économie a été maintenue, de sorte que notre pays se trouve au premier rang des principaux pays du monde. Passant de 54.000 milliards de yuans à 80.000 milliards, le PIB de notre pays occupe la deuxième place du monde avec une contribution supérieure à 30% à la croissance de l’économie mondiale. La réforme structurelle du côté de l’offre s’est poursuivie en profondeur, permettant une optimisation continue de notre structure économique; l’économie numérique et d’autres industries nouvelles ont connu un développement fulgurant; la construction d’infrastructures telles les lignes ferroviaires à grande vitesse, les routes, les ponts, les ports et les aéroports s’est accélérée. La modernisation de l’agriculture a progressé à pas assurés, portant la capacité de production céréalière à 600 millions de tonnes. Le taux d’urbanisation a augmenté en moyenne de 1,2 point de pourcentage par an, tandis que 80 millions de ruraux se sont installés pour devenir urbains… La stratégie de développement par l’innovation a été appliquée de façon énergique… de grandes réalisations scientifiques et technologiques ont été accomplies, comme le module spatial Tiangong, le submersible Jiaolong, le radiotélescope sphérique à ouverture unique Tianyan, l’explorateur de particules de matière noire Wukong, le satellite de communication quantique Mozi et l’avion gros porteur… les travaux de construction sur les îlots et les récifs en mer de Chine méridionale. Un nouveau système d’économie ouverte s’est perfectionné peu à peu, tandis que notre commerce extérieur, nos investissements à l’étranger et nos réserves de devises se sont classés solidement aux premiers rangs dans le monde ».
Les performances du socialisme-communiste chinois ne s’arrêtent pas là, elles réparent en même temps les injustices de la domination impérialiste : « Le travail concernant Hong Kong, Macao, Taïwan a enregistré de nouveaux progrès. En appliquant intégralement et avec précision le principe « un pays, deux systèmes », nous avons exercé fermement le pouvoir de gouvernance globale attribué à l’autorité centrale par la Constitution et les lois fondamentales sur les régions administratives spéciales de Hong Kong et de Macao, approfondi les échanges et la coopération entre la partie continentale et ses deux régions, et assuré la prospérité et la stabilité de ces dernières. En maintenant le principe d’une seule Chine et le ‘consensus de 1992’, nous avons promu le développement pacifique des relations entre les deux rives du détroit de Taïwan,… Nous avons su réagir judicieusement aux changements de la situation politique à Taïwan et combattu fermement les forces sécessionnistes… » (idem).
La Chine socialiste a « par ailleurs… pris l’initiative de construire une communauté de destin pour l’humanité et promu la réforme du système de la coopération soviétique qui a permis dans les années cinquante d’amorcer une réelle industrialisation en Chine Populaire. Tout cela a permis à la Chine de jouir d’une influence accrue sur le plan mondial, de susciter une adhésion croissante autour d’elle et de jouer un rôle chaque jour plus actif dans le remodelage des relations internationales. C’est ainsi que nous avons pu apporter de nouvelles et importantes contributions à la paix et au développement dans le monde » (idem). Les communistes chinois considèrent qu’« avec l’entrée du socialisme à la chinoise dans la nouvelle ère, la principale contradiction dans la société chinoise s’est transformée en celle entre l’aspiration croissante de la population à une vie meilleure et le développement déséquilibré et insuffisant de la Chine. Notre pays est déjà parvenu à assurer la satisfaction des besoins élémentaires et quotidiens de plus d’un milliard de personnes, à réaliser pour l’essentiel une prospérité moyenne, et à accomplir bientôt l’édification intégrale de la société de moyenne aisance; les besoins de la population pour une vie meilleure exigeante non seulement à l’égard de la vie matérielle et culturelle, mais aussi de la démocratie, de la légalité, de la justice, de la sécurité et de l’environnement… Alors que les forces productives sociales en Chine se trouvent dans leur ensemble à un niveau beaucoup plus élevé et que notre pays est au premier rang mondial dans de nombreux domaines en termes de capacités de production, le problème du développement déséquilibré et insuffisant se pose avec acuité et est considéré de surcroît comme le principal handicap pour satisfaire l’aspiration croissante de la population à une vie meilleure… Le parti et l’Etat doivent donc agir… en poursuivant nos efforts en faveur du développement, tout mettre en œuvre pour résoudre le problème lié à un développement déséquilibré et insuffisant, et améliorer sensiblement sa qualité et ses performances, de manière à satisfaire au mieux les besoins croissants de la population dans les domaines économique, politique, culturel, social et écologique » (idem).
Les Communistes Chinois définissent « cette transformation de la principale contradiction sociale en Chine (comme) un changement historique (qui) revêt une importance capitale aussi bien pour l’histoire du développement de la République populaire de Chine et de la Nation chinoise, que pour l’histoire du socialisme à l’échelle mondiale et de l’histoire de la société humaine » parce que « face à ce grand défi de l’époque, notre Parti s’est guidé sur le marxisme-léninisme, la pensée de Mao Zedong, la théorie de Deng Xiaoping, la pensée importante de la ‘Triple Représentation’ et le concept de développement scientifique… Fidèle au matérialisme dialectique et au matérialisme historique, et en fonction des nouvelles conditions de l’époque et des exigences de la pratique, le Parti a adopté une vision toute neuve pour approfondir ses connaissances sur les lois régissant l’exercice du pouvoir par les partis communistes, l’édification socialiste et l’évolution de la société humaine et a continuellement effectué des recherches théoriques… la pensée du socialisme à la chinoise de la nouvelle ère représente le dernier acquis de la sinisation du marxisme ainsi que la cristallisation de l’expérience et de la sagesse collective du Parti et du peuple » (idem).
Les Communistes Chinois projettent que « la période qui sépare le XIXème du XXème Congrès national du Parti constitue la charnière des objectifs des ‘deux centenaires’… La première phase va de 2020 à 2035; phase pendant laquelle, partant de l’établissement de la société de moyenne aisance, nous poursuivrons nos efforts pour réaliser l’essentiel de la transformation socialiste. La Chine verra alors sa puissance économique, scientifique et technologique s’accroître considérablement, et se hissera au premier rang des pays novateurs… La deuxième phase va de 2035 au milieu du siècle; phase pendant laquelle nous allons, partant de la modernisation réalisée pour l’essentiel, poursuivre nos efforts pendant encore 15 ans pour transformer notre pays en un grand pays socialiste, beau, moderne, prospère, puissant, démocratique, harmonieux et hautement civilisé… La Chine se hissera au premier rang du monde » (idem).
Étudier scientifiquement l’expérience chinoise
Au vu de ce rapport, il apparaît que le Parti Communiste Chinois (PCC) continue à s’affirmer comme parti marxiste-léniniste ayant pour objectif la poursuite de l’édification du socialisme.
Les communistes sceptiques ou qui se questionnent sur l’expérience chinoise sont confrontés aux faits, à la réalité objective d’une stratégie de « socialisme de marché » qu’on peut encore appeler « capitalisme d’État », ce qui ne change rien au fond, dont la barre du développement économique, social et culturel de ce pays continent de plus d’un milliard d’habitants est tenue par le Parti Communiste, c’est-à-dire l’avant-garde du prolétariat Chinois.
L’État en Chine dirigé par le Parti Communiste détient ainsi la propriété de l’écrasante majorité des entreprises stratégiques, innovantes et des banques. La planification centrale y existe, fixant des objectifs macroéconomiques à atteindre et le cadre dans lequel s’inscrit le secteur privé grand, moyen et petit. Même les zones spéciales ouvertes aux délocalisations d’antan ont été conçues selon une stratégie de transfert des technologies et de rattrapage technologique dans lesquels le niveau de vie, des salaires ont été radicalement changés au fur et à mesures des objectifs atteints.
A la base de l’existence de la bourgeoisie dans le pays et même y compris dans le parti, il y a la différenciation théorique et pratique entre bourgeoisie nationaliste et compradore, c’est-à-dire l’opposition entre la fraction de la bourgeoisie qui combat pour l’indépendance nationale et celle qui se vend à l’impérialisme. En Chine, la bourgeoisie compradore est historiquement essentiellement réfugiée à Taïwan, Hong Kong et Macao. Celle qui était restée dans la Chine continentale s’est alliée au Parti Communiste et y est même adhérente. Dans le Parti et dans l’État cohabitent prolétariat, paysannerie, intelligentsia et bourgeoisie nationaliste. Ces classes sociales qui ont fait ensemble la révolution de libération nationale anti-impérialiste acceptent la direction du Parti Communiste qui pilote le processus du développement national base de l’édification de la société socialiste.
Ne sont-ce pas là des éléments que l’on retrouve dans la stratégie diplomatique défensive pour la paix de la Corée du Nord qui rallie en partie des secteurs de la bourgeoisie sud-coréenne contre l’agressivité des impérialistes US et a pour objectif « un pays, une nation, un peuple et deux systèmes » ? N’est-ce pas là un aspect du « socialisme de marché » vietnamien ? N’est-ce pas la voie prise à Cuba avec les « travailleurs indépendants » ?
On peut signaler la contradiction permanente entre les intérêts de classe du prolétariat, de la paysannerie pauvre et de la bourgeoisie. Mais on ne peut ignorer que le facteur NATIONAL, c’est-à-dire la libération nationale et la sortie du sous-développement imposé par l’impérialisme peut faire prévaloir l’unité des contraires. Lutte des contraires et unité des contraires sont dans une liaison dialectique qui fait que la lutte des contraires peut temporairement (et dépendamment de la situation objective pendant une relative longue période historique) céder sa place stratégique de contradiction principale à l’unité des contraires. Il s’agit ici d’un compromis entre classes sociales patriotiques. C’est manifestement ce qui se passe en Chine.
Il faut regarder cette équation non seulement du point du prolétariat, de la paysannerie longtemps majoritaire en Chine, mais aussi du point de vue de la bourgeoisie nationale. Un des facteurs clefs ici est l’intérêt commun à toutes les classes de la société chinoise (à l’exception de la bourgeoisie compradore) d’en finir avec la famine, le semi-colonialisme et le semi-féodalisme et ensuite, après les deux révolutions de 1912 puis 1949, d’édifier un pays et une société développés en s’opposant à l’impérialisme. C’est là où les dirigeants du PCC ont su, à partir de l’analyse concrète des conditions de leur pays, proposer aux classes sociales une alliance les regroupant toutes (prolétariat, paysannerie, intelligentsia et bourgeoisie nationaliste) sous la direction des Communistes pour libérer et développer le pays.
Mao Zedong est le premier à avoir théorisé une telle alliance stratégique qui met en mouvement la dialectique de « la lutte et de l’unité des contraires » à partir de la différence entre « contradictions principale et secondaire ». L’expérience chinoise montre que dans certaines conditions, la bourgeoisie nationaliste peut momentanément accepter le rôle dirigeant du Parti Communiste, lequel favorise un compromis qui permet le profit capitaliste tout en élevant le niveau de vie général de l’ensemble des travailleurs. Il peut y avoir une lecture correcte ou opportuniste d’une telle différenciation entre « contradictions principale et secondaire » comme l’a montré la « théorie des trois mondes » qui a, historiquement, conduit la Chine et Mao Zedong à s’allier avec l’impérialisme US contre la soi-disant « superpuissance fasciste soviétique ».
Les révisionnistes soviétiques ayant les premiers théorisé l’abandon de la lutte des classes et le passage pacifique par l’alliance électorale avec la social-démocratie avant que les eurocommunistes ne s’y engouffrent par anti-soviétisme et rejet de l’expérience de la Révolution d’Octobre 1917. Rappelons ici que seuls les Partis Communistes de Cuba et du Vietnam ont essayé en vain d’éviter la division du Mouvement Communiste International (MCI) dans les années 70.
Ériger une barrière infranchissable entre les expériences soviétique, chinoise, coréenne, vietnamienne et cubaine, etc., est une déviation de gauche anti-marxiste-léniniste qui consiste à confondre l’essence, le contenu de classe et les formes et particularités nationales tout en ignorant le rapport des forces de classes à l’échelle nationale et internationale qui influe nécessairement sur le processus révolutionnaire. Absolutiser ou surestimer les particularités nationales au point de dévoyer le fond, l’essence de classe du processus révolutionnaire, c’est tomber dans la déviation de droite et capituler dans la lutte de classe et la lutte nationale révolutionnaire pour s’émanciper de la domination impérialiste. Ignorer ou sous-estimer les particularités nationales au point de n’envisager aucun compromis, de ne tenir aucun compte de la réalité des rapports de forces comme le font les groupes trotskistes sectaires qui opposent systématiquement tactique du front populaire et classe contre classe, c’est devenir un révolutionnaire hors sol qui ne mérite que le mépris des classes opprimées.
Il y en a qui passent leur temps à bâtir des murailles de chine entre la matrice des Révolutions qu’est Octobre 17 et les révolutions chinoise, coréenne, vietnamienne, cubaine. Or si aucune n’est la copie de l’autre, elles ont par la place et le rôle des Partis Communistes respectifs à la fois de grandes différences liées aux conditions nationales propres, aux conditions du moment et de grandes similitudes liées aux classes sociales qu’elles représentent, bien qu’à ce niveau elles gardent aussi des particularités, notamment sur la question des alliances avec la bourgeoisie nationale. L’URSS a liquidé la bourgeoisie en tant que classe sociale en l’expropriant quasi-intégralement entre 1928 et 1936, ce qui n’est pas le cas de la Chine. A Cuba, l’essentiel de la bourgeoisie s’est expatrié chez le grand frère de classe et en même temps maître à Miami aux USA. En Corée, la bourgeoisie s’est dotée de son État de classe au Sud sous la protection de l’impérialisme US. Au Vietnam, les bourgeois ont été court-circuités dans leur projet d’État au sud et beaucoup sont devenus des boat-peoples récupérés par les impérialistes d’Europe et Yankee.
Il n’y a aucun fondement scientifique à porter aux nues les différences existantes au point d’être aveugles sur le contenu de classe et l’objectif de classe des expériences révolutionnaires communistes. On ne peut pas non plus, sauf à insulter le matérialisme dialectique et le matérialisme historique, faire de toutes erreurs commises par les uns et les autres, et il y en a eu parfois même d’une importance majeure comme celle de la division du Mouvement Communiste International et des alliances avec l’impérialisme, comme ayant la portée irrémédiable de la trahison criminelle de la social-démocratie lors de la guerre impérialiste 14 et 18 qui soutenait et appelait les ouvriers de chaque pays à se tirer dessus pour les intérêts des capitalistes ou de la trahison de la direction du PCUS qui a, entre 1985 et 1991, organisé la défaite du camp socialiste, la contre-révolution bourgeoise et la restauration du capitalisme dans la patrie de Lénine.
Il faut le dire clairement: les expériences socialistes-communistes en cours en Chine, en Corée du Nord, au Vietnam et à Cuba mettent à l’épreuve de la vie les pompeuses prétentions des opportunistes de droite et des gauchistes sectaires dans le Mouvement Communiste dans chaque pays et à l’échelle internationale. Celles et ceux qui prennent conscience de cela doivent réétudier ces expériences à la lumière des faits et de la pratique pour réapprendre, sur la base du matérialisme dialectique et du matérialisme historique, les vraies leçons d’Octobre 17 et le Marxisme-Léninisme comme guide pour l’action révolutionnaire du prolétariat et des peuples opprimés.
Ceci dit : toutes ces expériences posent la question fondamentale de Lénine à l’époque de la NEP à chaque étape de leur développement : Qui l’emportera ? C’est là où la vigilance doit être de rigueur sans jamais capituler face à l’ennemi de classe intérieur et extérieur. L’URSS qui s’était débarrassée de la classe bourgeoise a subi la défaite et le retour au capitalisme, alors c’est encore plus vrai pour les pays où coexistent le prolétariat à la tête de l’État et les bourgeoisies dans l’économie. Mais au vu des succès des rescapés du camp socialiste, il n’est point besoin de s’affoler à chaque tournant de la lutte des classes dans ces pays résistants qui font actuellement honneur au Communisme mondial.
La Chine est-elle impérialiste ?
Le terme impérialisme est aujourd’hui passablement galvaudé et souvent confondu avec d’autres concepts plus anciens tels qu’expansionnisme ou tout simplement « empire ». L’empire romain, par exemple, était effectivement un territoire sous contrôle politique composé de régions vassalisées au sein du mode de production esclavagiste. De même les empires féodaux comme le Saint Empire Romain Germanique ou l’Empire Ottoman, ont opprimé les peuples européens ou africains pendant tout le moyen-âge avant de disparaître sous les coups de forces nationales contemporaines du développement de la classe bourgeoise. Ces formes politiques de domination ont pu exister sur tous les continents et sous de nombreux modes de production différents. Il y a cependant une forme tout à fait spécifique au développement capitaliste, qui en représente, pour les marxistes-léninistes le « stade suprême », et qu’on appelle impérialisme. Celui-ci suppose effectivement, comme les formes précédentes, des guerres inter-impérialistes pour le repartage des territoires colonisés ou néo-colonisés dépendants, mais elle représente aussi un stade de développement que seuls ont atteint historiquement les capitalismes européens, nord-américains et japonais, par un long processus d’accumulation du capital national montrant des signes de plus en plus grave de limites d’absorption du marché intérieur et la nécessité d’exporter les capitaux hors des frontières sur des territoires à la fois consommateurs et exploitables en main d’œuvre et en ressources.
Il existe une définition simple du concept marxiste-léniniste d’impérialisme, résumé sous la plume de Lénine : « L’impérialisme est le capitalisme arrivé à un stade de développement où s’est affirmé la domination des monopôles et du capital financier, où l’exportation des capitaux a acquis une importance de premier plan, où le partage du monde a commencé entre les trusts internationaux et où s’est achevée le partage de tout le territoire du globe entre les plus grands pays capitalistes. » (L’Impérialisme, stade suprême du capitalisme).
Il faut ici faire une première remarque : La Chine, toute « ouverte au développement du capitalisme privé » qu’elle soit, continue de posséder dans son secteur étatique les plus grandes banques nationales. La Banque Populaire de Chine reste la « banque centrale » du pays, contrôlée directement par l’État (contrairement à la BCE par exemple, totalement privée), et les quatre autres grandes banques, qui continuent à être consacrées au financement spécifique et orienté vers des secteurs déterminés selon les plans gouvernementaux, sont cotées en bourse mais toujours contrôlées par l’État (qui en possède la majorité des parts). Nous sommes donc bien loin de l’hypertrophie vertigineuse du capital financier sauvage des USA ou de l’UE par exemple, en termes de stade de développement. Il faut d’ailleurs noter qu’en Chine, le secteur public lui-même, le secteur d’État, continue de représenter 25% de l’économie nationale (bien que « déficitaire » pour le FMI c’est-à-dire « coûteuse », cette partie publique est volontairement financée par l’État grâce au développement en parallèle du capital privé très « rentable »).
Deuxième remarque : La citation de Lénine précise habilement qu’exporter des capitaux (et c’est bien sûr le cas de la Chine vers les autres continents) ne « suffit » pas à faire du pays un pays impérialiste. Il faut encore que cette exportation de capitaux devienne dominante dans l’économie nationale, or nous sommes encore loin des exportations gigantesques de capitaux qui déterminent les guerres de rapines impérialistes actuels sur les territoires les plus juteux en ressources énergétiques, etc. D’abord, le marché intérieur chinois s’est tellement développé, en grande partie par la résorption accélérée de la pauvreté chinoise, que la production nationale n’atteint pas encore sur son territoire les limites nationales qui ont obligé les rapaces US et UE à se « partager le gâteau mondial ». De plus, les accords économiques entre les pays africains, par exemple, et la Chine n’ont pas les formes prises historiquement par les impérialistes colonisateurs. En effet, la frontière est notoirement ténue dans ces accords de type nouveau, entre exportation de capitaux et aide au développement. Des décennies d’occupation coloniale des pays africains par la France ou l’Angleterre notamment, ont alimenté les grandes entreprises métropolitaines sans jamais procurer aux pays asservis les infrastructures nécessaires à leur propre développement. On rencontrera par exemple aujourd’hui des jungles africaines sans aucune route bétonnée, mais qui sont jalonnées de poteaux relais pour alimenter le réseau des « recharges téléphoniques » Orange ! Or les chantiers chinois, dans ces mêmes pays, développent directement l’économie nationale (routes et autoroutes, grands complexes hospitaliers, building et structures urbaines, infrastructures permettant l’exploitation des ressources énergétiques), et prévoit avec la main d’œuvre locale un transfert technologique et de compétence progressif qui intéresse évidemment les pays néo-colonisés et bloqués dans leur développement par le néocolonialisme et la dette vis-à-vis des USA ou des pays impérialistes de l’UE. Enfin il ne faut pas oublier qu’une partie importante du PIB chinois est réalisée par des entreprises privées étrangères. Sur le raisonnement mécaniste selon lequel la Chine serait dans le peloton de tête des pays impérialistes, elle est alors aussi dans le peloton de tête des pays les plus pénétrés par l’impérialisme étranger ! Or sur ce point encore, les chantiers étrangers qui se sont installés en Chine recrutent progressivement de plus en plus d‘ingénieurs et de techniciens chinois, ce qui permet au pays de se développer rapidement par un transfert de technologie planifié par l’État. La Chine est donc économiquement tirée en avant, avec des taux de croissance très importants (en comparaison des taux de croissance des pays impérialistes en crise structurelle depuis tant de décennies), par le développement d’un capitalisme privé encore dominé par l’État (capitalisme d’État) sous la forme de coentreprises, mais ceci ne veut pas dire qu’elle soit devenue impérialiste. Il ne faut pas confondre exportation de marchandises et exportation de capitaux : La Chine est l’un des pays les plus industrialisés du monde, et donc les plus exportateurs en termes de balance commerciale, mais de plus en plus tournée vers son marché intérieur.
Capitalisme d’État sous le capitalisme et sous le socialisme
La constitution chinoise considère le système économique national comme une imbrication de secteurs socialiste, capitaliste d’État et capitaliste privé. Mais le terme capitalisme d’État est depuis le XIXème siècle sujet à controverse : Le père de l’anarchisme Bakounine considérait déjà le socialisme proposé par Marx comme une forme de capitalisme d’État. « L’opposition ouvrière », cabale gauchiste des premières années du pouvoir soviétique animée en particulier par Trotski, accusait la Russie d’adopter un tournant capitaliste d’État. Et on trouve aujourd’hui beaucoup de commentateurs occidentaux pour accuser l’État chinois de se substituer à la bourgeoisie pour devenir capitaliste « comme les autres puissances impérialistes ».
Or le capitalisme d’État est une forme économique qui n’est jamais « pure » dans un système économique et correspond concrètement à la nationalisation des principales entreprises du pays. L’existence d’un secteur public, qui est en soi un manque à gagner pour les spéculateurs avides de privatisation pour augmenter les prix et détruire les droits des travailleurs, est une option qui en soi n’a pas de signification hors du contexte historique : Les USA de Roosevelt ont été forcé d’adopter temporairement un tel système (le New Deal) après la crise catastrophique des années trente. Le troisième Reich lui-même a nationalisé des secteurs de l’économie allemande pour préparer le pays à la guerre lors de laquelle le capitalisme sauvage a pu s’épanouir sur ces bases. L’URSS de Lénine a laissé se développer un système mixte (sous contrôle politique ouvrier) lors de la NEP pour permettre de rompre définitivement avec le féodalisme et d’accumuler les richesses suffisantes à jeter les bases du socialisme, ce qui était alors considéré comme un « recul tactique » indispensable. Après-guerre, on connaît également les nombreuses nationalisations en France, fruits d’une nécessité de reconstruction du pays (dont le capitalisme libéral est incapable par définition) et d’un rapport de force favorable dans la lutte de classe.
Ainsi le capitalisme d’État est une option complexe, de nature antilibérale (dont un aspect peut être dit Keynésien dans les pays capitalistes), et dont l’orientation politique dépend du rapport de force dans la lutte de classe, des nécessités historiques et matérielles, de la classe au pouvoir, ainsi que de l’état de la crise capitaliste mondiale massivement destructrice de forces productives. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre la part capitaliste d’État du système économique chinois, qui correspond, en l’absence de camp socialiste de ces dernières décennies, à un « recul nécessaire » (comme la NEP de Lénine avec des variantes évidentes, de forme, d’ampleur et de durée) permettant à la Chine de poursuivre sur le plan économique sa sortie définitive de l’état initial féodal et colonial à l’intérieur, tout en développant des accords dans les pays du sud permettant à ces derniers d’échapper jusqu’à un certain point au monde unipolaire imposé par les vieilles puissances impérialistes en crise. Les exportations de capitaux chinois vers l’Afrique restent assez marginales face à ceux réalisés ailleurs et notamment en UE, donc potentiellement l’un des moins contraints à exporter ses capitaux en dominant ses voisins.
L’exportation violente de capitaux par l’impérialisme s’est toujours accompagnée d’une « sécurisation » militaire des voies commerciales concernées, et ce depuis les premières transnationales hollandaises au 17e siècle (donc sous un capitalisme encore très loin d’atteindre le stade impérialiste du point de vue marxiste). On peut pointer là encore l’extrême « timidité » de cette sécurisation géostratégique chinoise (qui n’a qu’une seule base militaire, à Djibouti) face à la constellation hallucinante des bases militaires US, françaises et autres sur tous les continents de la planète ! Même l’Inde est en train de construire une base militaire aux Seychelles : Parlera -t-on bientôt d’impérialisme indien gênant « nos » intérêts ? Il existe une différence très nette entre un état anti-impérialiste, sortant du féodalisme, qui se développe et s’enrichit pour sortir, et c’est incontestable, un peuple extrêmement nombreux et divers de la pauvreté, et un état impérialiste qui, pour accroître les dividendes de la finance sauvage, est capable de tout pour parvenir à ses fins y compris de mener des guerres de soumission ou d’annexion sur tous les continents. Pour l’un les droits sociaux et les conquêtes sociales, acquises avec la phase de consolidation socialiste avant la disparition soviétique, sont garantis constitutionnellement, et l’impact du capitalisme privé est minimisé sans cesse par le rôle prépondérant de l’État dans le domaine social. Pour l’autre ces mêmes droits, concédés par le patronat apeuré un temps par la solidité du camp soviétique après-guerre, se réduisent sans cesse à mesure que la finance toute puissante s’acharne dans sa fuite en avant à maximiser le taux de profit par la guerre, le recul des droits démocratiques et l’exploitation économique.
Il suffit donc d’examiner la place et le rôle de l’État sous la direction du Parti Communiste Chinois dans l’économie, son contrôle sur le commerce extérieur, ses efforts pour réformer les institutions de Bretton Woods (FMI, Banque Mondiale, OMC), sa stratégie du « panier de monnaies dont le Yuan » contre le dollars et la planche à billets US pour réduire la dépendance monétaire et son travail pour mettre en place des alliances et coopérations économiques alternatives à la « mondialisation capitaliste » sous hégémonie US (BRICS, Consensus de Shanghai contre le Consensus de Washington, etc) pour conclure que la Chine est la cheville ouvrière d’une alternative anti-impérialiste qui consiste à retourner les armes des impérialistes contre eux-mêmes. Cette tactique de la Chine doit être étudiée et comprise comme la résultante d’une lecture du rapport des forces née de la défaite du camp socialiste qui a réduit les rescapés à définir une politique et une stratégie d’érosion progressive de la domination séculaire de l’impérialisme sur le monde tout en préparant les combats défensifs ultimes qui demeurent inévitables.
Le leader mondial de la transition écologique peut-il être réellement capitaliste ?
La Chine est sans doute le pays le plus industrialisé du monde, et se trouve par conséquent parmi les pays les plus polluants potentiellement, face à des pays impérialistes en crise et fortement désindustrialisés (pour cause de délocalisation de son industrie pour des lieux où le coût de la main d’œuvre est plus bas). Pourtant elle reste encore bien moins productrice de gaz carbonique par habitant que les USA ou l’Union Européenne (59ème place mondiale avec 6,2 tonnes de dioxyde de carbone par habitant, contre 9,4 par exemple pour l’Allemagne ou 16,5 pour les USA !).
Il y a évidemment une explication rationnelle à cette contradiction : La Chine s’est engagée dans une politique environnementale extrêmement volontariste et de grande échelle, que seule une infrastructure au moins partiellement socialiste peut impulser par le financement nécessaire. 630 milliards de dollars sont investis dans ce domaine, sous l’impulsion de Xi Jinping qui déclarait par exemple solennellement en 2017 : « Vantez le développement écologique ! Développez l’énergie renouvelable ! ». Un exemple récent : Le pays qui est le principal importateur de déchets en provenance de toute la planète, pour le retraitement et la production de matières premières recyclées à destination de son industrie en pleine croissance, décide cette année de cesser l’importation des déchets les plus polluants. Pour justifier cette décision, le Ministère de l’environnement chinois expliquait à l’OMC : « Nous avons constaté que de grandes quantités de déchets de mauvaise qualité, et même des déchets dangereux, sont mélangés avec les déchets solides… Ce qui pollue sérieusement l’environnement de la Chine ».
Un tel choix, totalement contraire aux intérêts mêmes de l’industrie chinoise et de sa rentabilité, rappelle une évidence, ici appliquée à l’exemple environnemental : Seul un État aux commandes de son appareil industriel et non dirigé par la finance assoiffée de profit maximum et immédiat, peut mettre en œuvre une telle planification rationnelle, même coûteuse. La Chine est précisément devenue le leader incontestable des énergies renouvelables et de ce qu’on appelle la « transition écologique ».
Il faut lui reconnaître cet immense mérite, après une période d’industrialisation indispensable quoiqu’impliquant des effets négatifs pour l’environnement. Le puissant développement industriel du pays, à travers une volonté politique forte de restaurer la vitalité et la biodiversité des environnements chinois, l’a conduit aux succès que l’on sait sur la question des énergies solaires (les plus grandes centrales solaires au monde sont chinoises), hydroélectriques (la Chine est le premier producteur mondial d’électricité d’origine hydraulique), des « villes-forêts » bientôt énergétiquement autosuffisantes, etc.
La Chine est également réputée pour sa campagne sans précédent de reboisement : l’État a planté plus de 6 milliards d’arbres depuis 1978. Une « muraille de Chine » verte est de plus en capacité de barrer la route au menaçant désert de Gobi. Il rivalise sur ce terrain avec les exploits soviétiques de l’immédiat après-guerre, avant le grand tournant révisionniste khrouchtchévien de 1956.
Pourtant, les tentatives de transition agroécologique tardent à venir, malgré les résolutions des derniers congrès du PCC. En réalité, contrairement à Cuba leader incontesté en matière d’agroécologie, la Chine est bien plus avancée sur le plan industriel que sur le plan agricole, du point de vue socialiste, et ceci pour deux raisons historiques : – D’abord les tentatives de collectivisation lors du « grand bond en avant » dans la Chine maoïste se sont globalement soldées par des échecs. Ce grand pays semi-féodal se refusait à appliquer le modèle soviétique de collectivisation, mais revendiquait d’une certaine façon une marche forcée plus rapide qu’elle ne l’avait été en URSS, après des années de « NEP » (re-développement provisoire d’un marché agricole privé pour accroître les forces productives, quitte à laisser se développer transitoirement une couche de paysans riches et exploiteurs). On imposa une alternative aux kolkhozes et aux sovkhozes soviétiques (modèle qu’ont repris les cubains) ; les « communes populaires ». Celles-ci se destinaient à l’autosuffisance matérielle à l’échelle du village, sur un mode autogestionnaire et dans un pays encore insuffisamment industrialisé, encore incapable de développer dans les champs une mécanisation et une aide matérielle suffisante. Chaque village devait avoir son petit haut fourneau pour produire ses outils, etc. Mais cette politique volontariste et non-pragmatique s’est vite soldée par un échec et il fallut rebrousser chemin. – Les reculs ont sans doute été eux-mêmes exagérés puisque sous Deng Xiao Ping on décida de « dé-collectiviser » les campagnes. L’agriculture redevint familiale plutôt que coopérative et tout fut pensé pour le court-terme, suivant l’adage de Deng « Si elle augmente la production, l’agriculture privée est tolérable ». Ce double échec tranche avec l’expérience soviétique : les kolkhozes et sovkhozes y ont duré jusqu’aux années 90 et nombreux sont encore les paysans qui refusent de sortir de leurs kolkhozes, tant les conditions y étaient meilleures que dans les exploitations privées. Ainsi, l’absence d’une réelle collectivisation des campagnes explique au moins en partie la difficulté rencontrée par la Chine, à développer rapidement et correctement une planification agroécologique d’ampleur nationale. Certes les progrès existent de ce côté, mais ils restent limités à certaines régions, et reposent sur des politiques incitatives, par subventions, et sans le soutien direct des masses paysannes organisées, habituées aux intrants. L’État a les moyens, au niveau de la superstructure, de financer l’agronomie scientifique et la formation de nombreux agronomes, de légiférer pour interdire ceci ou favoriser cela, mais cette politique rencontre des masses paysannes encore imprégnées de l’économie familiale privée, de féodalisme dans certaines régions, et souvent impréparées à d’aussi difficiles transitions techniques. La Chine a sans doute plus de marge de manœuvre que d’autres pays du Sud, puisque le parti communiste gouverne l’État tout entier, mais également moins que Cuba (ou que l’URSS pré-Khrouchtchévienne), faute d’une collectivisation suffisante après la phase indispensable de réforme agraire.
Août 2018
Diagne Fodé Rolland