Les Sénégalais n’en peuvent plus du spectacle qu’offrent les élus censés les représenter honorablement. Mais d’où sortent ces drôles de zozos qui déambulent dans l’hémicycle, sapés comme jamais, jurant comme des charretiers et se battant comme des chiffonniers. À tous les niveaux, l’éducation s’effrite, se disloque, disparaît. Les intellectuels, on s’en moque. Les livres, on les a jetés par-dessus bord et la pirogue de notre cher Sénégal vogue dans une mer sans poissons. Il n’y aura pas de pêche miraculeuse. La négligence se paye. L’esprit a sombré dans les abysses de ventres creux, la parole s’est perdue dans les borborygmes des boyaux. Et ça gesticule et ça hurle, ça n’a plus rien de féminin. Et ça griffe et ça frappe, ça n’a plus rien d’humain. C’est œil pour œil, dent pour dent. L’involution assumée. Les habits se déchirent, les chaises s’envolent, les perruques aussi. Les ors de la République sont ridicules dans la poussière des bagarres. Une marée d’insultes emporte ce qui restait de la décence. Le roi est nu sous la clameur des zoonorables députés. Quelle tragédie !
À l’instar de Diogène qui, se promenant dans Athènes avec une lanterne allumée en plein jour, disait chercher un homme, on serait tenté de chercher nit dans la densité des ténèbres qui ont envahi l’Assemblée nationale. Où sont donc passés la pudeur, la dignité et ce sens de l’honneur répétés à satiété dans les discours sur les vertus cardinales des Sénégalais ? Qu’avons-nous fait de la valeur du travail ? L’image que nos zoonorables députés renvoient à nos enfants dit ceci : Pour occuper de hauts postes, nul besoin d’instruction, de culture générale et autres… Ne vous encombrez pas avec de la classe, c’est un fardeau inutile. Aiguisez votre langue, soyez grande-gueule et sans scrupules. Allez-y au culot. N’ayez pas peur du ridicule, ne craignez pas de descendre dans la fosse. Dotez-vous de la force du lion. Croyez au règne du corps.
Député, vous avez dit député, comme je suis dépitée !
Triste spectacle de corps à corps dans l’arène de l’Assemblée nationale devenue le miroir de tout un État. J’ai mal à mon Sénégal gagné par l’obscurantisme. Nos zoonorables députés sont-ils en train de transformer le pays de la Téranga en réserve d’insanités ?
Mariama Samba Baldé est administratrice de Paroles Tissées Éditions : https://www.parolestissees.com/, fondatrice de Vibramonde : https://www.vibramonde.com/