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A Propos De La Partie Economique De La Declaration De Politique Generale

La Déclaration de politique générale fut un grand moment de politique politicienne pour la représentation nationale focalisée sur le décodage de la pensée « primatorale » sur le 3ème mandat et à l’affût du moindre dérapage verbal du Premier ministre Amadou BA. Les propos furent lénifiants sans le ton guerrier auquel on nous avait habitués en ce début de 14ème législature.

S’agit-il d’un signal du président de la République pour l’apaisement du climat politique et social enfumé par les procès, les emprisonnements tous azimuts et autres menaces, ou alors le propre d’un homme politique comme Amadou Ba, connu pour être peu enclin à hausser le ton ? L’avenir nous édifiera.

En toutes hypothèses, les visages quasi hilares des députés de l’opposition créèrent un moment de détente, de respiration pacifique dont le pays a grandement besoin après une mise en avant de la force et du passage en force à un niveau jusque-là inconnu dans notre pays.

Le « ni oui ni non » du Premier ministre, renvoyant la question à la seule décision du principal concerné, le candidat Macky Sall, tout en ayant la prudence de jeter le trouble sur la nature du mandat en cours(premier ou 2ème ) a ressemblé aux fameux propos d’un Senghor soutenant que « les Arabes ont raison mais Israël n’a pas tort » évitant de se mettre à dos les deux parties en conflit.

On a vu des députés de l’opposition très souriants, sans doute à l’idée d’avoir joué un mauvais tour au camp présidentiel, pour avoir réussi à focaliser le débat sur le 3ème mandat alors que la Déclaration de Politique Générale était centrée sur l’économie et le social. On a également vu des députés de la majorité, habituellement adeptes du « passage en force », arborer des mines peu enthousiastes, par rapport à ce qu’ils doivent considérer comme de la mollesse, au point de demander que leur candidat soit investi séance tenante debout et par acclamation.

La partie économique du discours de politique générale aura davantage retenu notre attention. Le Premier ministre a insisté sur la prévalence du consensus concernant les orientations économiques du pays qui seront désormais portées à l’appréciation des parlementaires. Nous lui suggérons alors d’inclure les questions de la Zlecaf (Zone de libre-échange continentale africaine), lente au démarrage, de la faible intégration des économies de la CEDEAO (10%à 15% d’échanges intra régionaux), de l’identification des complémentarités économiques dans cette zone, et enfin celle de la réforme du FCFA, essentielle au dynamisme d’une économie sous-régionale peu participative au commerce mondial (environ 3 % pour toute l’Afrique en 2021).

La question de la monnaie est importante.

Les résultats économiques des pays du monde, en particulier des pays émergents, se distinguent de parleur capacité à vendre sur le marché international des biens agricoles et industriels qu’ils produisent et transforment en y intégrant un maximum de valeur ajoutée. On ne peut parler d’exportation sans parler de devises et, par conséquent, du rapport d’échange entre elles (Monnaie nationale/ Devises étrangères), soit le taux de change entre le FCFA et la monnaie des pays importateurs ou potentiellement importateurs de nos produits. L’omerta sur cette question ne règle pas le problème.

Comme nous l’avons rappelé dans une précédente contribution, le taux de change est un élément essentiel de la compétitivité d’un pays et c’est pourquoi il est complètement dépassé de faire l’impasse sur cette question. La problématique du FCFA pour les pays de la zone ne repose pas sur le libre placement des réserves de change excédentaires ni sur le libre rapatriement des capitaux. Elle se rapporte à la fixité du taux de change euro/CFA qui fait endosser aux pays africains de la zone les pertes de compétitivité dues à la politique de l’euro fort. Les exportations de matières premières brutes sur le marché international sont une « arnaque »

Le cas du cacao ivoirien est édifiant. Cette graine représente 10 % à 15 % du PIB et près de 40% des recettes d’exportation de la Côte d’Ivoire mais la valeur ajoutée de la transformation est réalisée à l’extérieur au grand dam des « cacaoculteurs » et de l’Etat éburnéen.

La transformation agro-industrielle est stagnante au Sénégal, voire en régression, au regard des importations de produits comme la tomate concentrée.

L’importation de textile chinois a éliminé les unités industrielles de textile du Sénégal comme les fabricants de tissus (Sotiba, ICOTAF), les filatures, les entreprises de confection comme la bonneterie. Au-delà du savoir-faire chinois, l’avantage compétitif résidait essentiellement dans le rapport de change.

Toujours au plan économique, le Premier ministre a informé l’Assemblée de deux importantes décisions à venir, à savoir celle portant sur la création d’une banque nationale et celle de la réactualisation du Plan Sénégal Emergent (PSE) pour la prise en compte de l’arrivée du pétrole et du gaz.

Concernant la holding bancaire, il en a défini les ressources et les emplois ainsi qu’il suit : « Dans la perspective du financement du programme des 100 mille logements sociaux et de la constitution progressive des fonds de bonification et intergénérationnel issus des recettes pétrolières, l’État du Sénégal a une occasion historique de se doter d’une grande banque publique pour une meilleure inclusion financière. Le Gouvernement va donc vous proposer la création d’une grande holding bancaire pour appuyer le développement de nos entreprises ».

Il s’agit d’une annonce attendue des milieux d’affaires sénégalais, en particulier les PME sevrées de financement bancaire. Cette holding bancaire, selon Amadou Ba, « va intégrer l’ensemble du portefeuille bancaire de l’État et consolider ses actifs. Il sera assez robuste pour contribuer de façon substantielle au financement des champions locaux ainsi que des PME/PMI » précise le Premier Ministre.

Pour l’instant, n’ayant pas d’éclaircissement sur la Holding et les différentes structures qui en seront les filiales, il est plus prudent d’attendre d’en savoir davantage.

Le PSE « nouvelle version », également programmé pour tenir compte des découvertes pétrolières, nous pousse à formuler quelques interrogations préliminaires. Quel besoin y a-t-il de partager ce plan avec l’opposition si l’on sait que sa formulation finale s’est faite avec les cadres de l’administration via la SNCDS et les apports de cabinets extérieurs et a engagé le pays dans un endettement « limite » ?

Les découvertes pétrolières et gazières constituent-elles des éléments à ce point fondamentaux, si l’on sait que les projections de recettes attendues de l’exploitation des hydrocarbures provenant des projets GTA et Sangomar, sont de 51,6 milliards FCFA en 2023, 196,8 milliards FCFA en 2024 et 322,5 milliards FCFA en 2025 (Prévisions des recettes et risques pour l’année 2024 du Document de Programmation budgétaire et économique pluriannuelle (DPBEP) 2023-2025),soient des montant faiblement significatifs par rapport, pour ne prendre que cet exemple, aux transferts de fonds des émigrés sénégalais dont le total avoisine 1 500 milliards de FCFA en 2019 ?

Nous conclurons en invoquant la Banque Mondiale qui affirme dans son dernier rapport sur la pauvreté qu’«en 2030, l’Afrique concentrera 90 % des pauvres de la planète », faute de ressources fiscales suffisantes et à cause d’une croissance économique reposant sur l’endettement et dont les moteurs sont trop faibles.

Pour conjurer ce mauvais sort, il faut faire face. Les incantations sur le développement de l’industrie ne peuvent se réaliser que sur l’impulsion du développement de l’agriculture, la transformation industrielle de ses produits, la promotion d’entrepreneurs sénégalais grâce à un accès ouvert au financement, avec un soutien sans faille de l’Etat fait de protection, de disponibilité des facteurs de production à des coûts compétitifs, et le tout dans un cadre sous-régional gérant la ou les monnaies et facilitant les échanges commerciaux.

La question du Franc CFA soulevée par l’opposition parlementaire répond au besoin de rompre dans un premier temps le couplage Euro/FCFA qui génère une faiblesse de compétitivité internationale.

C’est une question évoquée par le Sénat français en 2020 et dont la pertinence et l’urgence sont indiscutables. Il appartient aux chefs d’Etat d’impulser la réflexion sur la politique monétaire commune au regard des disparités économiques des pays concernés, de la faisabilité de la monnaie nationale et la solidarité à l’intérieur de la CEDEAO en matière de mise en commun des réserves de changes pour le règlement des importations.

Selon notre conviction, l’émergence économique envisagée sans ces prérequis mène à la désillusion et par conséquent à l’impasse.







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