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Sikilo Ou L’indigence Des Esprits

38, 39, 40, 41… Ce n’est pas la taille d’une chemise ou la pointure d’une chaussure. Il s’agit de tout à fait autre chose. Le décompte macabre de l’accident routier de Sikilo ne s’arrête pas. L’annonce quasi quotidienne d’un nouveau mort depuis dimanche 8 janvier 2023, jour du drame, sonne comme un rappel à l’ordre pour nos mémoires oublieuses et nos consciences insoucieuses. Ce qui s’est passé à Kaffrine est une vraie tragédie. Un bilan si lourd qu’il ressemblerait à un bombardement de la Russie contre l’Ukraine.

Ce carnage routier figurera pendant longtemps encore dans le Guinness des records. Faut-il espérer que nous allons changer cette fois-ci et définitivement ? Difficile de répondre par oui. Dans ce pays qui se nomme le Sénégal, il y a 20 ans à peine, 2000 âmes ont été perdues en une seule nuit et rien ne s’est passé après ! Juste des résolutions sans lendemain et chacun est retourné à ses mauvaises habitudes d’indiscipline et d’incivisme. Un citoyen sous le choc livre le résultat de sa réflexion : « 40 morts c’est déjà trop. A plus forte raison 2000 ! ». Deux mille, faites le calcul, c’est 50 fois 40 représentant le bilan du naufrage du Joola. En sommes-nous vraiment conscients ? Malheureusement non. Pour preuve, nous n’avons pas séché nos larmes qu’au troisième jour de deuil national un camion ivre est allé s’encastrer dans un bâtiment en construction à Yoff. L’irréparable a été évité. Néanmoins on se demande ce qui serait arrivé s’il y avait des personnes sur le chantier.

Les 22 mesures issues du Conseil interministériel du 10 janvier 2023 ajoutées aux 10 du Conseil interministériel de 2017 – soit un total de 32 mesures, ne doivent pas se limiter à un effet d’annonce. La rapidité avec laquelle l’Etat produit des mesures, et à une échelle industrielle, le trahit paradoxalement. Rapide dans l’annonce de mesures… mais lent dans l’exécution. La vérité est que les mesures gouvernementales contre les accidents de la route sont si nombreuses qu’on s’y perd. Une mesure n’a de sens que si elle aide à se passer de la mesure. La gestion axée sur les résultats, GAR, revêt ici tout son sens. Gare à la fuite en avant en lieu et place d’une réelle volonté de combattre la calamité humaine que sont les accidents de la circulation.

Le Sénégal serait passé d’un « état d’indigence à un état d’émergence ». Nous paraphrasons ainsi le chef de l’Etat dans son message de Nouvel an du 31 décembre 2022. Tant mieux que le pays vive la situation décrite par le président de la République ! Force est cependant de constater que l’indigence des esprits a encore de beaux jours devant elle. Pour l’émergence, il faudra repasser. Passer le cap de l’émergence tant désirée suppose d’agir efficacement sur cette indigence des esprits. C’est ce que révèle, comme un bruyant rappel à la réalité, le télescopage de bus survenu au petit matin de dimanche, aussi bien dans ses causes directes et indirectes que dans ses causes lointaines et immédiates. Rendons-nous à l’évidence. Notre pays est en train de passer à côté de quelque chose d’essentiel dans une société qui aspire au progrès : l’ÉDUCATION, celle-là même qui force l’individu-citoyen à l’autodiscipline et au respect de la vie humaine. Le reconnaître ne signifie pas être fataliste. Bien au contraire ! C’est une invite pressante à l’action.







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