Site icon Senexalaat

Le Prix De Nos Vies

Je lisais l’autre jour qu’en France, la valeur « statistique » d’une vie était évaluée à 3 millions d’euros, alors que celle d’un Américain tournait autour de 9 millions de dollars et celle d’un Bangladeshi était estimée à environ 5 000 dollars. Et qu’en est-il de la nôtre, la même somme en francs CFA peut-être ? Quand je dis de la nôtre, je parle de la population noire dans le monde. Selon un rapport récent, aux Etats-Unis, les Noirs continuent à mourir cinq ans plus tôt que les Blancs parce qu’ils reçoivent des soins de moins bonne qualité que le reste de la population.

Bien sûr l’espérance de vie chute radicalement quand un jeune afro-américain, Donovan Lewis, est abattu par un policier alors qu’il se trouvait dans un lit où qu’un enseignant noir, Keenan Anderson, meurt après six décharges de Taser.

« Je ne peux pas respirer », protestait George Floyd à Minneapolis, alors qu’un policier l’immobilisait avec un genou sur le cou. Mais moi non plus je ne peux pas respirer dans ce monde où nos êtres chers sont victimes de la violence d’État !

Mais je veux revenir à notre vie à nous, c’est à dire ici au Sénégal et je suis bien obligée de considérer que dans notre pays, aussi « modèle » soit-il, la vie est plus fragile qu’ailleurs.

J’en veux pour preuve ces routes meurtrières et l’absence systématique de principe de précaution. Trop peu d’infrastructures, trop peu d’anticipation, même s’il faut croire de toutes nos forces dans les 23 mesures urgentes du gouvernement pour améliorer la sécurité routière après le drame tragique de Sikilo qui a causé 42 décès à ce jour et plus de 100 blessés, soit l’un des bilans les plus lourds de l’histoire de notre circulation routière.

Le mauvais état des routes, la vétusté des véhicules, la conduite désinvolte ou en état d’ébriété, nous devons en finir « quoi qu’il en coûte » avec ces images d’enfants accrochés aux car-rapides, des bus qui roulent à 100, en surcharge de personnes et de bagages, avec des pneus usés et des chauffeurs non professionnels, ça suffit…

Mais voilà que les transporteurs ont décidé de muscler leur bras de fer contre le gouvernement après les mesures prises lors du Conseil interministériel contre l’insécurité routière. Ainsi, ils ont décrété une grève illimitée à partir du mardi 17 janvier. Un peu de mesure et de respect messieurs !

De son côté, pour le Premier ministre, “ces mesures ne doivent faire l’objet ni de report ni de compromis. Nous serons sans concession avec ceux qui contreviennent aux règles édictées pour garantir l’intégrité physique de nos concitoyens », a-t-il déclaré. Et il a parfaitement raison notre PM !

Visiblement les transporteurs ne l’entendent pas de cette oreille. Mais n’est-il pas temps sur le sujet, d’un vrai débat démocratique sans menace, ni violence, ni insulte ?

Je ne sais pas pour vous mais moi j’en ai marre de voir ces durs à cuire de la politique, des syndicats et des lobbys, tous ces mâles colt à la ceinture, surgir pour régler leurs comptes à la façon d’un gang des cow-boys sans foi ni loi. Le message politique au Sénégal témoigne d’une ère archaïque où l’homme est un loup pour l’homme.

Car enfin, que font-ils, pour la plupart, à part se traiter de tous les noms d’oiseaux sur les plateaux de TV, de radios et sur les réseaux sociaux ? Ils parlent fort, convaincus de détenir la vérité en tout. Je crois sincèrement que la politique des cowboys, où qu’elle se pratique dans le monde, est une politique dangereuse.

Alors que la crise économique frappe durement et que beaucoup de nos jeunes ne trouvent pas de boulot, n’est-il pas temps de renouer le dialogue ?

Même nos religieux appellent à l’apaisement de la tension politique. Selon eux, le pouvoir et l’opposition doivent « dialoguer autour de débats constructifs ».

C’est de nos vies qu’il s’agit ! Si ces mesures gouvernementales ne sont pas fermement soutenues par tous les Sénégalais, de quelque croyance ou bord politique qu’ils soient, l’échec sera collectif et les chauffards continueront à faucher nos pauvres destins fragiles.

Le mal est profond et l’absence de dialogue nous condamne dans tous les compartiments du jeu démocratique !

Alors je veux avoir une pieuse pensée pour nos compatriotes victimes à Sikilo, à toutes ces âmes errantes et pour leurs familles, les assurer du soutien de tous les Sénégalais que nous sommes et leur dire que le prix de leur vie à un sens pour chacun d’entre nous, que rien ne devrait plus jamais être comme avant sur nos routes et que des leçons ont été tirées de leur tragédie afin qu’elle ne se reproduise pas.

Oumou Wane est présidente d’Africa7.







Quitter la version mobile