Il y a quelques années de cela, dans une région de France, dont je ne me souviens pas du nom, une banale promenade de jeunes filles et garçons, qui y passaient une joyeuse colonie de vacances, s’était transformée en tragédie nationale, après la noyade de quelques-uns d’entre eux dans une rivière subitement en crue, du fait d’un soudain et tout aussi violent orage. L’enquête détermina un manquement du moniteur de colo, qui, bien qu’ayant consulté la météo du jour, n’en n’avait pas pour autant tenu compte dans la programmation de cette activité de vacances. Ce jeune homme, dévasté par la mort de ses colons, fut inculpé et condamné à une peine d’emprisonnement, parce que son travail est adossé à ce qu’on appelle la responsabilité. Mais encore mieux que ça, le maire de ce village, dont les services sociaux avaient organisé cette colonie de vacances, fut lui aussi, condamné à une peine avec sursis et une amende. Pourquoi, me direz-vous. Parce que tout simplement l’acte d’engagement de ce moniteur de colo avait été au final paraphé par sa signature et son cachet. Une fonction qui n’est pas assortie aux responsabilités qu’elle induit, est vide de sens et n’a pour contenu que l’encre qui orne prétentieusement les cartes de visite des hommes qu’elles servent à identifier.
Cette triste histoire illustre, en creux tout le sens que revêt chez nous, au Sénégal la notion de responsabilité. Nos responsables politiques ne sont en fait responsables de rien, ni de quoi que ce soit. Ils sont donc de fait, « irresponsables » de tout. Ayant souvent atterris dans l’exercice de leurs fonctions, grâce au seul concours qu’ils ont passé avec succès, le « concours de circonstances », pourquoi seraient-ils responsables des errances de leurs subordonnés, n’ayant pas été biberonnés à l’aune de l’exemplarité, ne comprenant nullement en quoi, parfois leurs démissions face à certaines tragédies où la responsabilité de leur service est établie, aurait pu justement servir de catharsis. Au pire, sous la pression d’une opinion publique dont il faut apaiser et le courroux et le dégoût, le « responsable » politique est « déplacé », mais pas viré. Mais même là, l’inégalité est assumée. Abdoulaye Diouf Sarr limogé du ministère de la Santé à cause des 11 morts de Tivavouane, et « monsieur frère » Mansour Faye, pas le moins du monde inquiété, malgré le provisoire bilan de 54 trucidés par des autobus transformés en cercueils par des transporteurs, qui ont de surcroit le culot de faire grève pour protester contre les mesures prises à leur encontre.
Lesquelles sont d’ailleurs surréalistes, puisque la première d’entre elles concerne l’interdiction de rouler la nuit, cette mesure sonnant de fait comme un aveu de l’état délabré du parc des moyens de transports en commun, puisqu’il est évident qu’un bon véhicule en bon état de marche et qui est paré de tous les atours requis pour l’utilisation qui lui est conférée, doit pouvoir rouler de jour comme…de nuit. Non ?
Pourquoi n’y-a-t-il aucune sanction contre ceux qui ont procédé aux visites techniques des véhicules responsables de ces catastrophes ? Pourquoi lorsqu’un immeuble construit à la « va-je-m ’en-fous », s’effondre, cause des morts et ruine la vie de centaines de gens qui ont pourtant payé pour être en sécurité, une fois l’émotion passée, les larmes de crocodiles séchées, aucun architecte, aucun pseudo-entrepreneur, aucun responsable des services de l’urbanisme, qui ont délivré les autorisations de construire, ne sont jamais, ne serait-ce que convoqués et questionnés sur les garanties qui ont validé les accords et les autorisations qu’ils ont couverts du manteau de leur désinvolture ?
Nous avons été informés dans les pages d’un grand quotidien, hier, qu’en contravention totale avec toutes les règles de l’urbanisme, un promoteur libanais défie impunément les autorités compétentes et érige un immeuble R+13 dans une étroite impasse du Point E, qui insécurise un collectif organisé par des riverains.
Ceux-ci s’interrogent et demandent comment a-t-on pu délivrer une autorisation de construire un immeuble d’une telle hauteur, dans une impasse où aucun véhicule de secours n’aura accès, avec un dossier où l’adresse réelle de la parcelle, a été dissimulée à l’autorité compétente et où l’attestation de conformité de l’implantation à l’alignement, n’était pas réalisée.
Pourquoi la Direction de l’Urbanisme ne décide-t-elle pas de revoir les conditions dans lesquelles cette autorisation de construire a été accordée, pour revenir à des normes de droit, empêchant ainsi une future catastrophe et un déni de droit et de justice.
Il y a des attitudes de certains de nos responsables où l’irresponsabilité s’exerce en toute désinvolture… Comme si de fait, on s’en foutait. Responsabilité diluée dans l’imparable « Inch’Allah ».
Puisque « le chat est là » !