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Une Plaisanterie

La politique serait devenue une plaisanterie qu’une parole n’est presque plus sincère. Des acteurs ayant imprimé sur sa face une marque d’une irrévocable hideur. Dans son Dictionnaire amoureux de l’éloquence, Mathilde Lévesque écrit : « La parole politique permet de gouverner autant que de s’opposer. L’enjeu pour les orateurs est de taille, car les mêmes procédés qui rendent un discours efficace sont ceux qui le rendent suspect : l’ornement agace autant qu’il séduit. » Selon Mathilde, malgré toute prohibition du mensonge, la parole politique ne cherche pas à établir une vérité. Seul « l’ethos de la sincérité est indispensable ». En effet, un politicien doit pouvoir emporter l’auditoire, « donner un sens : une direction à suivre, mais aussi une valeur aux propos ». Toutefois, « en contexte démocratique, l’éloquence politique doit tour à tour savoir apaiser les passions et savoir entraîner le peuple lorsque des décisions s’imposent ».

Dans un essai sur le mal politique (Ce que l’homme fait à l’homme) Myriam Revault d’Allonnes explique : « Même si la politique se dit dans ce langage qui n’est pas (et ne sera jamais) la « prose du vrai », même si elle ne maîtrise pas le sens qui advient, même si elle vacille, erre et se fraye un chemin dans la fureur et la désolation, elle parle (elle nous parle) tant qu’elle peut encore s’adresser « à ceux qui naîtront après nous ». Mais, « à mauvaise cause, forces paroles », dit un proverbe. Et un autre de poursuivre qu’« on connaît l’oiseau par son nid ; et par les paroles, l’esprit ». Aujourd’hui que la parole continue de parler, la parole du politicien ne parle plus. Elle n’est plus dite selon des codes de la parole et de l’éloquence. Aussi, des pensées sont de moins en moins à condition de paroles. « Parole n’est pas flèche et n’en perce que mieux ». L’espace politico-médiatique en souffre comme hier encore, car rien de bien nouveau.

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Personne n’ignore ces banalités

« Que la politique soit maléfique, qu’elle charrie avec elle tout un défilé de pratiques malfaisantes, implacables ou perverses, c’est là une plainte aussi vieille que la politique elle-même, une plainte aussi vieille que le monde. La politique est le champ des rapports de force. La passion du pouvoir corrompt. L’art de gouverner est celui de tromper les hommes. L’art d’être gouverné est celui d’apprendre la soumission, laquelle va de l’obéissance forcée à l’enchantement de la servitude volontaire. Personne n’ignore ces banalités, et pourtant elles n’en existent pas moins » (dixit d’Allonnes dans son ouvrage sus-cité). Et une plaisanterie politique de continuer à faire la Une. De nouveaux acteurs émergent des flots dans lesquels d’autres avaient sombré. Sans ce talent qui faisait leurs devanciers. Sauf qu’on continue à s’émouvoir… à frémir des mots qui ont perdu du sens.

Ému de colère, d’indignation, de compassion, de pitié… d’admiration, une vague se met en mouvement. Un branle-bas, une agitation… Tout qui ondule et transporte vers des frustrations comme seuls des politiciens savent en créer. Parce que le carcan mensonger dans lequel s’enferme leur discours n’a pas tué l’autorité de la parole. Celle qui passionne, incite à une confrontation, accuse sans jamais chercher de causes réelles… « En se construisant, le discours détruit aussi ceux qui font qu’il existe : Chaque mot devient une bombe à fragmentation », d’après Mathilde Lévesque. Seulement, quand tout devient conflit, sous ce masque d’une polémique propre au combat, la cité en perd sa fille qu’est la raison lucide. Et le chancellement, le vacillement scrutés et redoutés seraient à chercher dans une altération d’une relation avec le réel. Alors, des lamentations qui n’arrêtent pas d’être proférées… Des populations qui ont du mal à se libérer du joug des politiciens. La liberté s’exerce quand elle se libère de la politique, selon d’Allonnes pour qui « le règne de la liberté commence là où s’achève celui de la politique ».

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Au demeurant, en rapport avec la situation politique actuelle du Sénégal, relisons ces mots de Myriam Revault d’Allonnes dans La scène et le miroir : « (…) parler de « crise » suppose que nous vivons un moment pathologique, l’altération d’une situation normale et saine, d’une représentation originelle qui n’aurait pas été en proie au malaise et au trouble. Il y aurait donc, en filigrane, une « bonne » représentation qui traduirait la coïncidence du représentant et du représenté et serait le révélateur d’un être-en-commun entièrement accordé à lui-même. Mais a-t-elle jamais existé ? Y a-t-il jamais eu une représentation parfaite, adéquate, sans tension ni discordance entre représentants et représentés ? » Peut-être qu’on s’y perd dans une démocratie de jets de mots et de pierres. Des matériaux qui devraient servir à construire un pays où le cousinage à plaisanteries autoriserait une parole politique à charge oh combien plaisante.







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