Une immense cohue qui devrait apprendre à naître aux autres. Arrêter de susciter des ressentiments sur lesquels surfer. Un projet politique vaut mieux et nulle honte ou humilité impossible pour l’accepter. « On est fait pour s’entendre. Aussi bêtes et brutes que nous, mais le même sang d’homme » (dixit Albert Camus). Alors devons-nous encore continuer à nous invectiver, nous insulter, peut-être nous torturer, nous entretuer… « Et puis on recommencera à vivre entre les hommes ». Non, ce n’est pas ce que veut le pays.
La fraternité de destin oblige à se tourner vers un même ailleurs où ce n’est pas une certaine passion qui fait un génie. Car, cette nourriture passionnelle qui ballonne le ventre du Sénégal ne saurait être légitimement raisonnable. Ici n’est pas ce tout autre ou rien de commun n’existe pas entre des populations qui doivent être une finalité de toute politique qui se donne un sens. L’intelligence devrait s’arrêter de s’éloigner et prendre conscience. Une politique d’orgueil, d’états d’âme et d’émotions effaçables ne fait que désaccorder davantage les volontés des acteurs du jeu politicien de celles des populations au nom desquelles ils prétendent agir. Des vents de l’alternance ont déjà soufflé dans ce pays sans catastrophe.
Une méthode de lutte non violente peut prospérer là où « il existe une constitution, qu’on la respecte ou non », expliquait Vusumzi Make, représentant du Pac (Congrès panafricain) sud-africain. Selon lui, alors qu’il était avec Olivier Tambo en tournée aux États-Unis pour rencontrer des militants de la cause des noirs américains, l’existence de lois qui prescrivent une justice et une liberté pour tous permet de promouvoir une non-violence. Aussi à quoi sert-il de s’essayer à des formes d’action qui ont fini de révéler leurs limites partout ailleurs et face auxquelles des forces de défense et de sécurité s’entraînent quotidiennement pour y faire face. Que sont devenus les printemps arabes ? Qu’est-ce que des révoltes à la Trump ou à la Bolsonaro ont donné ?
Des limites des savants politiques
Faute de cette pudeur d’une bouche qui ne dit que ce qu’elle sait, des indignations vengeresses qui fusent font rire des spécialistes du maintien d’ordre. Ils découvrent un étalage de limites des savants politiques qui n’arrêtent pas d’appeler à des manifs de rue, voire à une insurrection et qui ignorent tout de la panoplie dont disposent des unités spéciales pour vaincre tout refus d’obtempérer à leurs injonctions après des sommations comme dans d’autres pays dits de démocratie avancée. Ne devons-nous pas cesser de nous leurrer sur un Sénégal pays vitrine de nos lubies qui nous font gronder sur tout.
Relisons ces mots d’André Malraux prononcés face à des jeunes le 11 décembre 1969. « (…) Plus un pays commence à être pris dans ses propres problèmes, moins il est attiré par la solution étrangère à ces problèmes. (…) Il y a quelque chose qui, chez les jeunes révolutionnaires, reste très puissant. Mais, en même temps, nous trouvons la difficulté, la contradiction, parce que le jeune Sénégalais qui admire Castro est sur la voie de découvrir Castro. Le président Senghor, qui a admiré Castro, commence à ne plus l’admirer beaucoup. Tout simplement parce que les problèmes de Castro ne signifient plus rien pour lui. Il est là avec son Sénégal : il s’agit de savoir si on va maintenir un pays qui vit… ».
Que faire pour qu’une tête reste à l’endroit et qu’un cerveau ne cède pas sa place à un c…l ? Dans une démocratie de jets de pierres et de fausses barricades, quand des forces de défense et de sécurité en ont assez, elles usent de moyens modernes qui anéantissent des plus téméraires. Ces derniers recourent à leurs téléphones portables pour filmer et vilipender, ignorant que ces mêmes outils pourraient se retourner contre eux pour être traqués et punis par une justice. Et des juges qui oseraient les condamner ne seraient pourtant pas leurs ennemis. Nul n’étant censé ignorer la loi que pourtant nul ne sait. Aussi, dans un pays qui sait organiser des élections, avec des électeurs qui savent choisir, pourquoi pas plus honnêtes que d’autres, considérant qu’ils devraient être aimés, adulés, cajolés… crient-ils à des tortuosités, jettent l’anathème sur d’autres et sur tout. Veulent que tout se mesure à leur baromètre ? Bref, quand des laudateurs, louangeurs et autres thuriféraires d’un jour sont des détracteurs ou dénigreurs du lendemain… au nom d’un vagabondage politique qui n’arrête pas, ne faut-il pas savoir raison garder ? Mais, quand tout devient une affaire enrôlée sur des réseaux sociaux, une sentence prononcée avant jugement et même instruction ou enquête préliminaire, tous ceux qui s’y adonnent soldent leur crédibilité. Attraits à la barre, ils chercheront partout un radeau de survie.