« C’est dans le cadre du projet de Wade de maintenir les libéraux au pouvoir pendant 50 ans pour dépasser le temps que les concurrents socialistes ont passé au pouvoir, que Wade lui-même a planifié le programme comme suit : 2007-2012 à lui ; 2012-2022 à moi ; et au-delà les jeunes pousses de l’époque…», dixit Idrissa Seck (Walf 27 février 2023).
Mon Dieu ! Le Pape (du Sopi) se prenait pour Dieu et ses ouailles pour ses prophètes. Et nous autres, le peuple, des hordes de mécréants qu’on mène au paradis libéral que serait son royaume. Cette idée réactionnaire d’un Pape-dieu, guide d’un peuple d’ignares, pauvres gueux sans conscience politique ni sociale. Cette conception de prise et de conservation du pouvoir est au coeur des délires de l’héritier élu, Macky Sall, du rêve successoral du père Wade de faire de son fils (à marche forcée) son successeur désigné et béni des dieux. Dieu. Lui.
Mais voilà, il arrive que les dieux eux-mêmes perdent leurs sciences et leurs boussoles de direction. C’est Idrissa Seck qui le dit : « les perturbations qu’il a amenées ont dérangé ce programme ». Les perturbations en question, c’est le forcing pour le fameux troisième mandat et la déculottée électorale devant une des « jeunes pousses » programmée pourtant pour l’après 2012-2022 qui « revenait » au confident bavard, qui ne sait pas garder les secrets des princes.
Tout porte à croire que le scénario successoral divin du Pape 1er Wade est toujours d’actualité pour les héritiers, même si il a subi une réécriture : la «jeune pousse » Macky a sauté une classe en déposant le père et en mettant en résidence surveillée les héritiers putatifs programmés : Karim et Idy. Le premier manœuvre pour revenir dans le jeu politique via une hypothétique révision de son procès qu’il réclame urbi et orbi pour se soustraire du paiement de sa condamnation pécuniaire (145 milliards) ; Idy, grand manœuvrier devant l’éternel, a semble-t-il dealé avec le président Macky Sall pour candidater à sa place s’il retrouve la raison et accepte qu’il ne puisse pas faire un troisième mandat. Seulement, le grand manœuvrier découvre à son corps défendant que la jeune pousse a grandi trop vite et a appris les ficelles qui font les monarques : le reniement.
Reniement des engagements programmatiques, reniements de la parole donnée, reniements des deals noués avec des éclopés politiques en quête de rédemption. Mais voilà, même les dieux, surtout autoproclamés, peuvent voir leurs desseins contrariés par des mécréants surgis des enfers. Des humbles mortels qui s’en foutent des rêves des programmations successorales de faux papes. Les hordes sans culottes (chômeurs, laveurs de voitures, vendeurs à la sauvette et autres goor goor lou) de nos banlieues oubliées ; les étudiants futurs chômeurs certifiés, nos cadres encastrés dans des amphis-dépotoirs, « nos bonnes » que nos épouses piétinent parce que soupçonnant des infidélités avec leurs époux lubriques, et nos gardiens de nuit payés au lance-pierre. Toute cette faune interlope, pourtant force vive de nos sociétés oublieuses, croient avoir trouvé en un inspecteur d’impôts, un justicier, un Messie pour les mener vers la vie dont ils rêvent.
Mais la royauté qui n’aime pas les hérétiques ne connaît qu’une solution contre ces empêcheurs de régner en paix : la décapitation. Au propre si les autres supplices ne suffisent pas. Et c’est dans ce contexte que surgit une surprenante initiative qui ambitionne de « construire une nouvelle gauche plurielle, unie, démocratique, laïque et panafricaniste, ouverte et inclusive, autour des conclusions des Assises nationales… ».
Pourquoi une telle démarche ? Maintenant qu’ils ne pèsent pas (plus) grand-chose pour influer sur la marche du pays, il faut additionner leur « faible poids » d’une gauche défroquée par plus de dix ans de renoncement, de reniement, de fagocitage dans les différents attelages de différents régimes libéraux qui les ont fait imploser, les réduisant à leur « plus simple expression ». La droite, qu’elle soit libérale ou réactionnaire, n’a jamais comme objectif que de « tuer » les partis de gauche en les les divisant, en absorbant certaines factions, ou plus soft, en les intégrant dans leurs gouvernements, réseaux, pour qu’ils soient comptables devant leurs bases traditionnelles et plus généralement l’opinion publique, des politiques menées. C’est ce qui est arrivé à notre ex-gauche, aujourd’hui pute usée et délaissée par des macs impitoyables à la recherche d’autres chairs plus fraîches, donc plus rentables.
On a presque envie de pleurer (pas question de rire) quand on voit la liste des signataires iniateurs de ce projet de gauche plurielle. Cela va de ce qui reste de la gauche historique, avant-gardiste, combative que furent AJ, PIT, LD et les « socialistes historiques » issus du flanc du PS de Senghor, dont AFP, UDF Mbollo Mi, URD…
Aucune de ces formations politiques n’a échappé aux sirènes des délices des différents régimes libéraux de Wade et de Macky. Ils ont été à Canossa, se sont repus des bamboulas des nouveaux maîtres. Et aujourd’hui, toute honte bue, en lieu et place d’une repentance pour leur trahison, ils tentent désespérément de ressusciter la vieille idée d’une gauche plurielle et démocratique, attractive et alternative aux nouvelles variantes politiques du capitalisme : le libéralisme « social », voire populaire, sur les décombres des « gauches » sénégalaises, victimes de leurs rivalités infantiles et enfantines.
Le débat aujourd’hui est de savoir quel mouvement politique, quel parti, peut représenter les valeurs de gauche. Comment se situer par rapport à ces nouvelles donnes politiques. Moins de garder les œillères et le sectarisme du passé qui ont conduit à la débâcle actuelle de l’ancienne gauche, tout projet politique de construction d’une gauche de combat, d’une gauche avec les valeurs d’hier et qui sont toujours actuelles (la démocratie, la lutte contre la pauvreté et les inégalités, la corruption économique, financière et politique, ne peut ignorer le nouveau phénomène qu’est le Pastef…Aujourd’hui, la seule alternative crédible aux libéraux en place, au pillage des ressources, à l’inféodation de la justice, bref au projet de troisième mandat porteur de violences. C’est cette formation politique, avec ses forces, ses faiblesses.
Et curieusement, les initiateurs de ce projet de « gauche plurielle » ne disent mot sur le troisième mandat, encore moins que leur allié et bienfaiteur n’en a pas le droit. Alors, qui espèrent-ils bluffer ? Pour qui roulent-ils ?