« Dans le scandale hoirs norme du PRODAC (un carnage de deniers publics), la diffamation relève d’une fiction. »
Aux termes des dispositions de l’article 258 du Code Pénal de la Loi 2016-29 du 8 novembre 2016 modifiant la Loi 65-60 du 21 juillet 1965 portant Code Pénal de la République du Sénégal, la diffamation est définie comme : « Toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation ». Dans le carnage du PRODAC, évoquer une quelconque diffamation relève d’une fiction, car l’existence du rapport de l’IGF (Inspection générale des Finances) ne fait l’ombre d’un doute et est attestée par de nombreux supports (matériel, audio, vidéo…) et par de nombreuses déclarations publiques y compris de Mame M’Baye NIANG, le « supposé diffamé » et d’une autorité officielle de 1er plan (le 1er ministre actuel).
I – Il existe bel et bien un rapport authentique du PRODAC qui a fait l’objet d’une large publication
A la page 4 du rapport du PRODAC, il est clairement mentionné que les vérificateurs, en vertu du principe du contradictoire, ont réalisé une série d’auditions qui ont permis d’entendre :
Le 20 février 2018 : M. Ibrahima Cissé, Gérant de la société TIDA, et Mme Maimouna N’Dour FAYE, Directrice Générale, du Cabinet de Conseil et de communication 3M Universel,
Le 23 février 2018 : M. Mamadou Lamine CAMARA, Directeur Général de la société de transit, ITAA (International Transit Al Amine),
Le 07 mars 2018, M. Mamina DAFFE, Coordonnateur national du PRODAC,
Le 13 mars 2018, M. Jean Pierre SENGHOR, ancien Coordonnateur national du PRODAC,
Le 15 mars 2018, M. Daniel PINHASSI, ancien Coordonnateur général du Projet GREEN 2000.
Les dates des auditions et la qualité (fonction) des personnes entendues suffisent à établir l’existence du rapport. Aucune personne, parmi la liste précitée, n’a nié avoir été auditionnée. Au demeurant, une lecture approfondie des 63 pages du rapport, apporte un éclairage édifiant sur le carnage du PRODAC. Les informations fournies dans le rapport sont claires, précises et extrêmement détaillées. Tout y est ou presque. Les failles juridiques (une énorme faillite contractuelle du fait de l’inexistence d’un cahier des charges et de la signature d’un marché de gré à gré qui ne se justifiait pas), le dévoiement total du projet (création de cœur de DAC au lieu de DAC complets), et les surfacturations opérées via LOCAFRIQUE (pages 14 et 15). Les dates, les lieux et les montants sont d’une telle précision qu’elles écartent de manière définitive et certaine toutes les déclarations loufoques niant l’inexistence de ce rapport. Il n’y a aucun juge au monde qui, après avoir lu les 63 pages de ce rapport, oserait nier son existence. La question consistant à dire que le rapport du PRODAC n’existe pas parce qu’il n’a pas été signé ou parce qu’il ne comporte pas de tampon officiel, relève de la tartufferie (pure diversion). Le débat est ailleurs : tous les éléments figurant dans le rapport de 63 pages sont rigoureusement exacts (les faits sont constants).
C’est à Mame M’BAYE NIANG d’apporter la preuve que le rapport de 63 pages est un faux, que toutes les personnes citées sont fictives et que les auditions d’Ibrahima Cissé, Maimouna N’Dour, Mamadou Lamine CAMARA, Mamina Daffé, Jean-Pierre Senghor, et Daniel PINHASSI n’ont jamais eu lieu. C’est lui demander l’impossible.
Les avocats de SONKO pourront demander que les personnes précitées soient auditionnées par le tribunal. La question qui leur sera posée est simple : ont-elles été auditionnées dans le cadre de l’affaire PRODAC, comme mentionné dans le rapport du PRODAC ? Si la réponse est oui, et elle ne peut en être autrement, alors cela prouve de manière définitive l’existence et la véracité des éléments contenus dans le rapport du PRODAC. Au même titre, l’actuel 1er Ministre Amadou BA qui a confirmé l’existence du rapport devant les députés le 30 juin 2018, lors du débat d’orientation budgétaire qui marquait la clôture de la session ordinaire unique de l’Assemblée nationale, devra être entendu en qualité de témoin (sa qualité de 1er ministre ne l’exonère en rien surtout lorsque son nom est cité dans une affaire de malversations et de détournements de deniers publics et qu’il a eu à se prononcer publiquement sur cette affaire, à plusieurs reprises, pour écarter la responsabilité du Ministère qu’il dirigeait à l’époque).
II– Le rapport PRODAC incrimine nommément, et clairement Mame M’Baye NIANG
Dans le scandale hors norme du PRODAC, Mame M’Baye NIANG affirme avec une incroyable audace et un culot qui défie le bon sens qu’il « n’existerait aucun rapport de l’IGF l’incriminant ». La page 23 du rapport du PRODAC vient mettre à nu ses élucubrations. Les conclusions des auteurs du rapport sont sans appel : « en raison du principe de la chronologie des actes de procédure, la notification de l’ordre de service de démarrage ne peut être envisagée qu’après celle du contrat auquel il se rapporte. Ce principe basique du droit des contrats publics n’a pas été observé. Alors que le contrat n’a été notifié que le 25 juillet 2016 à l’entreprise GREEN 2000, le Ministre Mame M’Baye NIANG assurant la tutelle du PRODAC avait déjà émis 5 mois auparavant un ordre de service de démarrage n° 0151/MJECC/SG/CAB/SP du 24 mars 2016. C’est sur le fondement de cet ordre de service que LOCAFRIQUE a démarré les paiements le 30 mai 2016, validant en toute illégalité des demandes de paiement avant même la notification et l’enregistrement du contrat ».
C’est on ne peut plus clair.
Le rapport du PRODAC incrimine nommément, et clairement Mame M’Baye NIANG qui est personnellement visé. Pour comprendre la portée juridique exacte de cette incrimination, il faut tout simplement se référer aux articles 27 et 28 du décret n°2014-1212 en date du 22 septembre 2014 portant code des marchés publics modifié. En effet, l’article 27 du CMP dispose que la procédure de passation du marché est conduite par la Personne responsable du marché, seule habilitée à signer le marché. L’article 28 (alinéa a) dudit code définit clairement l’identité de la personne responsable du marché en ces termes : « Les Personnes responsables des marchés sont pour les marchés de l’État et dans chaque Département ministériel, le ministre chargé du département concerné… ».
Mame Mbaye Niang étant le Ministre de la Jeunesse à l’époque, sa responsabilité est directement et pleinement établie du point de vue juridique, dans la mesure où sa signature a engagé contractuellement l’Etat. C’est d’autant plus vrai que l’ordre de service N°000151MJECC/SG/CAB/SP (injonction faite à GREEN 2000 de démarrer les prestations alors que le marché n’a même pas encore été notifié) porte sa signature et constitue une circonstance aggravante.
Lorsque Mame M’Baye NIANG tente de se dédouaner de ses responsabilités, en affirmant qu’il n’était pas le coordonnateur du PRODAC, il croit avoir affaire à des demeurés et à des non-initiés qui ignorent les règles régissant les procédures liées aux contrats administratifs et particulièrement le code des marchés publics. Afin que nul n’en ignore, il convient de préciser que l’article 28 (alinéa a) du code des marchés qui définit l’identité de la PRM (personne responsable du marché) ne connait ni le coordonnateur du PRODAC, ni le sous coordonnateur du PRODAC ou qui sais-je encore. Le code des marchés publics est extrêmement clair : « La Personne responsable du marché, pour les marchés de l’État, c’est le ministre chargé du département concerné ». Un point, un trait.
Du point de vue juridique, le responsable est formellement identifié ; c’est le signataire du marché, en l’occurrence, Mame M’Baye Niang. Si Mame M’baye Niang était en France, son cas serait réglé depuis belles lurettes. A ce niveau les Avocats de SONKO disposent d’une arme redoutable. Il s’agira de demander à Mame M’Baye NIANG si l’ordre de service N°000151MJECC/SG/CAB/SP dont il est fait état dans le rapport existe et a bien été signé par ses soins. S’il confirme l’existence de cet ordre de service, il confirmera l’authenticité, du rapport du PRODAC de 63 pages, puisque cette information capitale y figure en bonne place.
III– Le scandale du PRODAC ne relève pas de la diffamation, mais de la nécessaire information du public
Dans tous les pays où l’Etat de droit n’est pas une fiction, les juges apprécient différemment les plaintes de diffamation lorsqu’elles concernent les détenteurs d’un mandat ou d’une mission de service public. A titre d’exemple, en France, un article publié sur un site Internet accompagné d’un dessin humoristique qui critiquait le montant excessif des frais de véhicules utilisés par les « proches » d’un maire n’a pas été considéré comme insinuant un détournement de fonds publics, ni comme portant atteinte à l’honneur et à la considération du maire. Ils s’inscrivaient entièrement, selon le juge, « dans le cadre de la polémique politique nécessaire à la démocratie » (CA Aix-en-Provence, 17 septembre 2007, n°1143M2007). Ce qui est pris en compte par le juge, « c’est l’objectif d’information du public dans le cadre du débat politique et démocratique à condition que l’information n’ait pas été dénaturée et qu’elle concerne l’activité publique de la personne mise en cause, en dehors de toute attaque contre sa vie privée » (CA Montpellier, 25 avril 2007).
Ce courant jurisprudentiel, s’appuie sur la position de la Cour Européenne des Droits de l’Homme. La CEDH (Cour européenne des droits de l’homme) juge qu’au nom de la liberté d’expression, le juge doit apprécier si les personnes poursuivies sont des élus du peuple qui doivent pouvoir attirer l’attention sur les préoccupations de l’électorat et défendre ses intérêts – CEDH, 24 avril 2007, Lombardo c. Malte, n°7333/06)2), ou lorsque la personne visée par les propos est un responsable politique – CEDH, 8 juillet 1986, n°9815/82, Lingens c/Autriche ou encore lorsque les propos tenus contribuent simplement à un débat d’intérêt général – CEDH, 24 juin 2004, n° 59320/00 – Von Hannover c/Allemagne.
En relayant publiquement un sujet (il est l’un des derniers à évoquer l’affaire) qui a déjà fait l’objet d’un débat portant sur des malversations financières dans le cadre d’un contrat de plus de 29 milliards de F CFA qui a été conclu au dehors de tous les principes qui guident la commande publique (liberté d’accès, égalité de traitement et transparence des procédures), Sonko a eu, à l’instar des citoyens sénégalais, comme préoccupation légitime, le bon usage des deniers publics. Dans un Etat de droit, une telle question d’intérêt public majeur nourrit le débat démocratique et permet aux citoyens d’être informés sur certains faits de délinquance financière. Au demeurant, l’article 25-3 de la Constitution dispose : « Tout citoyen a le devoir de défendre la patrie contre toute agression et de contribuer à la lutte contre la corruption et la concussion ».
C’est en vertu de ce principe constitutionnel que Mame M’BAYE NIANG a été interpellé, en sa qualité d’homme public. Il doit répondre de ses actes.
Conclusion
Dans le scandale hors norme du PRODAC, la notion de diffamation relève de la pure fiction et constitue une gigantesque entreprise de mystification et de diversion. Il n’y a que dans un pays, comme Le Sénégal, une république bananière où des voleurs, bandits de grand chemin, et malfrats notoires se pavanent en toute liberté et narguent la justice, parce que certains juges, des valets, sont de parfaits soumis à l’image de déserteurs qui ont pris la tangente.
L’existence du rapport du PRODAC ne fait l’ombre de doute et le fait qu’il n’ait pas été signé ou ne comporte pas de tampon officiel n’y change strictement rien. Les faits sont constants et formellement établis. Par ailleurs, les nombreux supports (matériel, audio, vidé…) versés au dossier, dont les déclarations publiques de Mame M’Baye NIANG, le « diffamé fictif » et du 1er ministre, Amadou BA ont fini d’établir de manière certaine et définitive l’existence du rapport.
Le tribunal doit être doté d’un matériel adéquat permettant de projeter toutes les déclarations publiques faites par Mame M’Baye NIANG et l’actuel 1er ministre, Amadou BA. Il s’agit de mettre en exergue tous les éléments de nature à contribuer à la manifestation de la vérité et qui prouvent l’existence du rapport du PRODAC. De fait, l’existence du rapport du PRODAC, au-delà du seul rapport de 63 pages, peut être prouvée par tout moyen (ce qui importe pour le juge, c’est que tous ces éléments concourent à la manifestation de la vérité). L’incrimination de Mame M’Baye NIANG est établie au niveau des pages 23 et 53. La page 53 établit la culpabilité de Mame M’Baye NIANG, et son incroyable inertie, suite aux nombreuses alertes de LOCAFRIQUE, sur le non-respect par le prestataire de ses obligations contractuelles (lettre du 28 octobre 2016, lettre du 09 juin 2017, lettre du 02 mars 2017, et lettre du 10 avril 2017).
Il faut cesser d’amuser la galerie : il appartient à Mame M’BAYE NIANG et à lui seul de prouver que le rapport du PRODAC de 63 pages est un FAUX, que les personnes auditionnées et citées dans ce rapport sont fictives et enfin que l’ordre de service n° 0151/MJECC/SG/CAB/SP du 24 mars 2016, à l’origine des paiements illégaux ultérieurs n’a pas été signé par ses soins. Ce qui relève de l’impossible.
Le fait même que l’existence du rapport PRODAC fasse l’objet d’un débat, prouve que tout va à vau l’eau dans le pays (le régime moribond parvient à faire douter des esprits faibles là où le doute n’est pas permis).
Transformer avec aplomb le mensonge en vérité est la marque du régime de Macky Sall.
Seybani SOUGOU – E-mail : sougouparis@yahoo.fr