Votre lettre du 17 mars 2023, adressée à madame Catherine Colonna, la ministre française de l’Europe et des Affaires étrangères donc au gouvernement de la République française, révèle malheureusement, encore une fois, la difficulté d’une certaine partie de la classe politique française à se départir du transcendantal colonial.
Par votre courrier susmentionné, vous étalez à la face du monde votre totale ignorance des réalités politiques du Sénégal sur un fond de mépris clivant qui fait, ce qui est inadmissible, la promotion des mouvements facétieux et factieux dont l’objectif irréfutable est de mettre à terre notre système institutionnel et démocratique.
N’eut-été le caractère escamoteur de votre message, pernicieusement fuite pour lui donner une dimension internationale, les contre-vérités y contenues, le mépris manifeste à l’égard de la crédibilité de nos institutions ainsi que la désinvolture affichée à l’égard de notre souveraineté en tant que peuple libre ayant toujours hissé, par des mécanismes internes performants, notre démocratie au rang des grandes, votre écrit captieux n’aurait suscité aucune réaction de notre part sauf à demander son classement au musée des bêtisiers de certains acteurs politiques indigne d’un héritage riche de ses brillants leaders dont le plus contemporain Georges Marchais.
Chers députés,
Avant d’en venir sur le fond de votre insipide lettre, je me dois de relever la formelle contradiction de votre démarche sarcastique par laquelle vous dénoncez la politique africaine de la France, marquée par l’ingérence dans les affaires intérieures des pays africains, tout en sollicitant l’intervention de la ministre française des Affaires étrangères afin que les questions politiques internes au Sénégal soient inscrites à l’agenda du dialogue entre le gouvernent de la France et celui du Sénégal.
Le réflexe néocolonial est têtu…
Mieux, vous dénoncez une présumée ingérence du président Macky Sall dans la politique intérieure française, relayant, de manière grossière, des rumeurs d’une générosité du président sénégalais à l’endroit de madame Marine Le Pen.
Ce que vous demandez au gouvernement français si ce n’est de l’ingérence s’appelle comment ? De l’immixtion dans les affaires relevant de la politique intérieure d’un Etat souverain.
Vous vous permettez même de sélectionner, nûment, les candidatures validées et celles qui doivent être écartées lors de l’élection présidentielle de février 2024.
Je ne savais pas que le Conseil constitutionnel du Sénégal avait un bureau siégeant en France dans un cadre infantile d’un groupe parlementaire dirigé par un enragé dont la cécité intellectuelle est mêlée au préjugé néocolonial.
Quant au fond, votre lettre est I’exemple de la légèreté, pour ne pas dire de la lâcheté avec les faits et la vérité.
C’est pourquoi, je me dois de vous préciser les points ci-après :
1. pays souverain, le Sénégal modèle de démocratie s’est doté, très tôt, d’institutions indépendantes, animées par des femmes et des hommes de qualité dont l’expertise et la rigueur sont saluées partout.
Ce n’est pas à vous, ni à qui que ce soit, même si vous êtes nés avant les indépendances des pays africains, par réflexe congénital, de dire le droit à la place de nos institutions judiciaires qui s’acquittent de leur exaltante mission au nom exclusif du peuple sénégalais souverain.
La participation aux élections est encadrée par la loi et il n’appartient à personne de la dire autres que les institutions que le Sénégal s’est librement choisies.
2. II n’y a aucun problème entre le président Macky Sall et l’opposition sénégalaise. Réformateur confirmé, le président Sall a apporté de nombreux changements pour la modernisation de la démocratie sénégalaise.
Notre pays est une démocratie majeure où personne n’est inquiétée pour ses opinions. Les libertés publiques et individuelles sont garanties sans réserve en dépit de dérives graves notées chaque jour contre les institutions.
Pourquoi, de toute I’opposition sénégalaise, il n’y a que monsieur Ousmane Sonko qui soit empêtré dans des dossiers judiciaires? La vérité est pourtant toute simple et limpide.
Monsieur Sonko a été accusé de viols répétés et de menaces de mort par une jeune fille officiant dans un salon de message que l’accusé fréquentait. Ce dossier est devant la justice. Comblen d’hommes politiques en France ont eu maille à partir avec la justice pour divers motifs ?
Messieurs les députés vous pensez, sans doute, que lorsqu’il s’agit de votre pays, votre justice qui a condamné Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, François Fillon, Jérôme Cahuzac, Bernard Tapie, Claude Guéant est une justice libre et indépendante et que pour nos pauvres pays africains, en l’occurrence le Sénégal, nous n’avons que des « machins» au service du pouvoir exécutif servant à réprimer des opposants… Je vous pardonne cet affront sur fond de préjugé néocolonial qui jette manifestement le discrédit sur notre institution judiciaire incarnée par des hommes crédibles, compétents et professionnels.
Messieurs les députés,
Devons-nous considérer la période pré-électorale comme une période d’impunité offrant une immunité absolue aux acteurs politiques notamment les candidats déclarés pour qui aucun acte ne sera suffisamment grave pour mériter d’être examiné par la Justice ou devons-nous être des militants de la justice pour tous, en considérant que nul n’est au-dessus de la loi conformément à notre pacte républicain ?
Les droits des plaignants notamment Adji Sarr pour viol et menaces de mort et Mame Mbaye Niang pour diffamation ont-ils moins de valeur que ceux de votre protégé Ousmane Sonko ? Pourquoi la liberté de diffamer prévaudrait-elle sur la dignité d’autrui ?
Pourtant vous vous gardez, soigneusement, de dénoncer les fuites en avant de votre chouchou qui verse dans le dilatoire et la provocation, défiant les institutions de la République, la justice et les forces de défense et de sécurité notamment.
Pis, monsieur Sonko a fait des appels répétés à l’insurrection, provoquant des dégâts matériels et des pertes en vies humaines à travers le parrainage assumé de manifestations violentes.
Pourquoi l’intégrité des institutions et la sécurité des Sénégalais seraient-elles moins dignes d’intérêt que la liberté de monsieur Sonko d’appeler à la violence et d’inciter à la destruction des biens publics et privés ?
En tout état de cause, I’Etat du Sénégal, garant des droits, des libertés et de la sécurité des Sénégalais et des hôtes étrangers vivant parmi nous ne saurait tolérer Iimpunité et l’outrage systématique aux institutions, oeuvre d’acteurs politiques dont la doctrine populiste est fondée sur la démagogie, I’extrémisme et l’intolérance.
3. Il est curieux que des députés, censés représenter le peuple, soumis à l’obligation de vérité mais surtout de réserve concernant les affaires intérieures d’un pays étranger se soient réduits à être de simples colporteurs de rumeurs.
Un ancien Premier ministre, reconverti en opposant politique, a porté cette grave accusation d’une somme de douze millions d’euros (¬12 millions) remis à madame Marine Le Pen par le président Sall.
Lui-même dit clairement ne pas détenir de preuve de ses fausses allégations.
Vous vous faites l’écho de cette accusation mensongère qui n’honore ni votre statut ni celui de son auteur.
En s’abstenant de faire preuve de discernement, vous vous invitez, bruyamment et tristement, dans ce tintamarre de rumeurs, de fausses informations et d’allégations biscornues qui rabaisse dans les caniveaux de la médiocrité et de la médisance gratuite.
Ce manque de rigueur manifeste informe amplement sur la difficulté de certains, voire leur refus, de rompre avec une certaine culture du tutorat.
Ce temps, pour vous qui avez « une haute idée de la France », est révolu !
Toutefois, je note que vous avez choisi votre camp, celui de l’extrémisme violent, de l’intolérance, du radicalisme qui menace notre République, sa stabilité et sa cohésion sociale.
Vous avez choisi le camp du chaos systémique qui cherche l’effondrement de notre démocratie.
Demain si le Sénégal bascule dans la tourmente vous en serez responsables par cette forme de parrainage incitatif à l’impunité et à la violence.
J’espère que ce qui vous reste de dignité humaine survivra…