N’ayant rien à faire de spécial en ce jour de Korité, et me trouvant seul à la maison, le personnel « faisant la fête » dans leur village respectif, j’ai écouté son excellence Monsieur le Président de la République. Malheureusement, c’était en wolof, et je dois confesser, je n’en suis pas fier, que je n’ai pas une grande maitrise de cette langue; aussi, voilà ce que j’ai pu traduire de ce que j’ai entendu:
« – Monsieur le Président bonjour, tout d’abord merci d’avoir choisi RFM, radio du groupe Futur Media pour vous exprimer, et répondre à toutes mes questions. Pourquoi avoir choisi le groupe futur média pour vous exprimer et accepter cette interview?
– j’espère que vous avez compris que je suis en campagne électorale. Le patron du groupe Futur Media est une personnalité sénégalaise, jouissant d’une grande aura, tant nationale qu’internationale. Il fait également partie du nombre important des ministres conseillers qui m’entourent. Vous aurez également remarqué que je n’accorde pratiquement jamais d’interview aux journalistes sénégalais: de mémoire, c’est la deuxième fois en dix ans. Donc, c’est une faveur que j’accorde à votre groupe, en conséquence de quoi, j’attends de ce Ministre conseiller un retour d’ascenseur, et compte sur lui pour battre campagne en ma faveur, évidemment.
– Monsieur le Président, puisque vous parlez de campagne électorale, vous allez donc répondre à la question que quelques uns encore se posent: serez-vous candidat en 2024?
-Ecoutez, pour être franc, vous commencez à me « bassiner » avec cette question. Si vous n’avez encore pas compris que, depuis 2012, si j’explique que mon plan est le Sénégal émergeant, qu’il s’établit sur une durée de 30 ans, c’est à désespérer! 2012 plus 30, chez moi, ca porte à 2042. Si vous additionnez, je peux et j’irai jusqu’en 2044. C’est pourtant clair, non?
-Heu…oui, mais la constitution ne prévoit-elle pas que nul ne peut faire plus de deux mandats consécutifs?
– Oui, et alors? La constitution, c’est une chose, et le Conseil Constitutionnel, autre chose. Et jusqu’à preuve du contraire, c’est le Conseil Constitutionnel qui décide!
– A ce sujet, on vous reproche d’avoir la main mise sur la justice, et que certains magistrats seraient un peu…disons aux ordres? Prenez par exemple justement le Conseil Constitutionnel: tous les membres sont nommés par vous-même, et sont tous issus de vos proches ou de vos amis sincères et dévoués: qu’avez-vous à répondre à ça?
– Je choisi parmi les meilleurs, et il est un peu normal, vu ma personnalité, que les meilleurs se trouvent dans mon entourage. C’est du hasard, du pur hasard! Quand aux magistrats, il n’y en a pas un seul dans ce pays qui peut dire qu’il a reçu de ma part un appel téléphonique lui intimant l’ordre de juger dans un sens ou dans un autre! Pas un seul!!!
– Ça Monsieur le Président, je veux bien vous croire, mais là encore, on retrouve « votre patte » dans l’avancement de carrière des magistrats. Ne pensez-vous pas que certains magistrats puissent être « terrorisés » à l’idée de finir à KEDOUGOU ou VELINGARA, au motif caché que la décision rendue aurait l’heur de vous déplaire?
– Ridicule! d’abord, qu’avez-vous contre KEDOUGOU ou VELINGARA,? Le Sénégal est un seul pays, du nord au sud, et de l’est à l’ouest! Le Sénégal, ce n’est pas que DAKAR et la petite cote!
-Donc, pour vous, la séparation des pouvoirs, depuis 2012, est une réalité dont peut s’enorgueillir le SENEGAL?
– Exactement, cela fait partie de mes plus belles réalisations en matière de gouvernance. Il faut bien comprendre que, lorsque l’on dit de moi que je suis l’homme providentiel, et irremplaçable, cela veut dire quelque chose, et ce ne sont pas que des mots!
-Donc, Monsieur le Président, nous avons tous compris que vous allez poser votre candidature pour cette élection de 2024, mais est-ce que la constitution ne vous l’interdit pas?
– Vous êtes sourd ou vous le faites exprès? Je vous ai dit que c’est le conseil constitutionnel qui tranche, en fonction de l’interprétation qu’ils donnent eux-mêmes à la constitution. Et il a déjà tranché, je peux sans problème me présenter -et gagner- cette élection! Et les suivantes évidemment.
-Pourtant, votre ex ministre de la Justice, redevenu ministre de la Justice après avoir été entre les deux ministre conseiller, auteur de la révision de la constitution, avait dit exactement le contraire. Vous-même, par trois fois, avez également dit exactement le contraire, vous l’avez même écrit, et il se dit même qu’il y aurait une vidéo ou une communication téléphonique entre vous et un guide religieux, dans laquelle vous auriez juré devant Dieu de ne pas faire de troisième mandat (sous réserve de sa véracité). Que dites-vous de cela?
– Tout simplement que, en politique, « ce n’est pas le vent qui tourne, mais la girouette! ». Les vérités d’hier sont faites pour être les mensonges de demain. Et puis c’est comme ca: même si je ne le voulais pas, je suis obligé de gagner cette élection: me voyez-vous remettre les clefs de la maison Sénégal à SONKO? Il serait capable de me demander des comptes, me faire des procès, à moi, ma famille, mes amis…Et puis quoi encore. NON, au delà de l’évidence, mon élection en 2024 est une nécessité absolue.
– Oui, mais il n’y a pas que Monsieur SONKO, dans l’opposition, ils sont plusieurs et non des moindres, à être capables de gouverner ce pays…
– Non. Vous pouvez tourner les choses dans tous les sens, vous arriverez toujours à la conclusion que le seul homme providentiel, et irremplaçable, c’est moi. Ouvrez un peu les yeux, ne voyez-vous pas mes réalisations? Le TER, le stade WADE, DIAMINADIO, les autoroutes, etc. Qui à part moi aurait été capable de réaliser tout cela, en onze ans déjà? Citez-moi un nom?
-Citer un nom, difficile, puisque dès qu’il y en a un qui émerge, il est mis en prison! ca peut quand même calmer les ardeurs de certains, non…
– Dire qu’il y a des détenus politiques au Sénégal est complètement faux. Il y a c’est vrai, des gens qui sont en prison, parce qu’ils ne pensent pas comme moi j’ai décidé qu’il fallait penser. Mais ce n’est en rien un motif politique d’emprisonnement. Il s’agit là d’un délit, qui tombe sous le coup de la loi, et qui s’appelle « offense au chef de l’état » Cela n’a rien à voir…Maintenant, les désespérés qui, face à mes provocations permanentes, se permettent de casser du matériel public, leur place ne peut être que dans les prisons; Il faut savoir garder ses nerfs en toute circonstance! Comme je vous l’ai dit, je suis en campagne électorale, donc mon rôle est de provoquer l’adversaire, jusqu’à ce qu’il craque! En quelque sorte, celui qui va en prison, c’est celui qui craque le premier!
– Vous voulez dire que pour Monsieur SONKO, son sort est réglé?
– Attendez quelques jours, vous verrez bien. Mais je vais vous faire une confidence: Monsieur SONKO ne figure plus sur la liste de mes adversaires pour cette compétition…
– Bien. Parlons d’autre chose, et du quotidien des Sénégalais. Le peuple sénégalais souffre. L’inflation qui provoque l’augmentation des prix des denrées les plus indispensables, met à l’état de famine des familles entières. Les gens n’y arrivent plus, les salaires sont trop bas, et il n’y a aucune politique sociale pour aider les plus nécessiteux. Depuis 2012, le taux de pauvreté n’a pratiquement pas changé, et le taux d’illettrisme également. De plus en plus de Sénégalais sont poussés à l’état de pauvreté. Vous n’avez rien fait concernant les grandes réformes, notamment celle qui consiste à faire basculer, en les accompagnant, tous ceux qui ne vivent que de l’économie informelle, par exemple. La formation professionnelle est pratiquement lettre morte, il est impossible de trouver un vrai plombier, menuisier, maçon, sachant travailler aux normes les plus élémentaires, et les structures créées ne forment pas les jeunes à ces métiers pourtant indispensables à la vie courante, et qui pourraient grandement aider à solutionner le problème de la jeunesse d’aujourd’hui.
– Oui, c’est vrai, il y a de la pauvreté au Sénégal. Mais vous remarquerez deux choses: dans un pays, pour qu’il y ait des riches, il faut qu’il y ait des pauvres. Dans tous les pays du monde, la richesse des uns se construit sur la pauvreté des autres, c’est ainsi. Moi, tous mes amis riches le sont devenus grâce aux pauvres. C’est ainsi. Alors, augmenter les salaires…oui, mais c’est impossible, car ceux qui me soutiennent financièrement pour mes campagnes électorales et mes petits extras, sont des « capitaines » de l’industrie sénégalaise, je ne vais quand même pas aller contre leurs intérêts. Quand aux pauvres, oui, c’est triste, mais d’un autre côté, depuis le temps qu’ils sont pauvres, ils ont eu le temps de s’y habituer…Qui plus est, lors des élections, avec une petite enveloppe, on peut s’en faire un ami…Nous sommes en Afrique, ici, ne l’oubliez pas! Tant que le système politique sera basé sur le populisme et le clientélisme, les choses ne changeront pas. Et puis, ce n’est quand même pas moi qui vais vous dire qu’il faudrait qu’elles changent, non?
– Monsieur le Président, ne craignez-vous pas que les jours qui nous rapprochent de Février 2024 nous fassent connaître des journées disons…délicates?
– Non; Cela fait deux ans que j’ai dépensé beaucoup d’argent pour armer nos forces de police et de gendarmerie. Force restera à la loi, croyez-moi. Je ne supporterai plus la moindre manifestation, et je porterai le nombre des détenus qui ne sont pas d’accord avec moi de 500 à 1000 s’il le faut. Mais vous verrez que cette élection se déroulera dans la paix et la sérénité, et que je l’emporterai avec un score plus qu’honorable. Bon, le deuxième tour apparait inévitable, mais j’ai déjà mis en place la parade. Au deuxième tour, ceux que l’on croyait de l’opposition me rejoindront, et le tour sera joué!
– Vous pensez à qui?
– Aux mêmes que vous! Idrissa SECK, bien sur, qui roule pour moi! Je suis bien placé pour savoir ce que cela me coute! Au PDS, évidemment, qui tombera aussi dans mon escarcelle… Je vous ai dit que c’était moi le vainqueur, je sais quand même ce que je dis, non?
– Certains disent de vous que vous seriez un messie envoyé par Allah, pour sauver le Sénégal, qu’en pensez-vous?
– Je pense qu’ils ne sont peut être pas loin de la vérité… »
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Bon, difficile pour moi de tout traduire, peut être je me suis trompé sur certains mots, mais si tel était le cas, je m’en excuse d’avance. Le simple but était de faire sourire celles et ceux qui me font l’amabilité de lire ces quelques lignes. Si j’y suis parvenu, et bien, je le prends comme un (très) beau cadeau pour la fête de la Korité!
Et…promis juré, je vais me mettre assidument au wolof! (bon, les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent (…)
Me François JURAIN