« Les grands esprits discutent des idées, les esprits moyens des évènements, les petits esprits des gens ». Eleanor Roosevelt.
Le Sénégal et sa capitale Dakar accueillent depuis le 1er Mai la sixième édition du Forum Mondial de l’Economie Sociale et Solidaire (ESS), évènement a priori de portée universelle, et qui se déroule pour la première fois en Afrique. 4600 participants venant de 75 pays et des cinq continents, sont venus confronter à Dakar leurs espoirs, leurs doutes et leurs solutions, et aborder diverses problématiques de l’ESS, et tenter de réinventer un modèle de développement alternatif et complémentaire, plus inclusif et vertueux, qui propose un modèle social où les exclus du système formel, comme souvent les jeunes, les femmes et les personnes handicapées, doivent trouver leur place, sur l’agenda 2030 du développement durable.
Le Forum du GSEF 2023 de Dakar est l’occasion d’expliquer et d’illustrer avec des exemples concrets, à travers des plénières thématiques, des ateliers et des séances autogérées, des expériences d’économie sociale et solidaire à travers le monde, qui démontrent que la transition des économies « informelles » vers des économies formelles, territoriales, collectives et durables est une solution viable pour corriger les inégalités et atteindre les objectifs économiques, sociaux et environnementaux.
Dans un pays où l’on aurait dû normalement trouver cette proposition enthousiasmante, excitante et rassurante quant à l’avenir de nos jeunes et leur éviter d’aller offrir leurs désespoirs aux poissons de la Méditerranée, on a choisi, avec toute la désinvolture qui caractérise l’idée que l’on se fait souvent de nos priorités, de célébrer l’anecdotique, de mettre sous le tapis des problématiques urgentes de développement, tout en pulvérisant des années de travail abattu par des milliers de personnes à travers le monde, pour rendre notre monde juste plus supportable pour nos populations, notamment notre jeunesse, à laquelle le Maire de Dakar s’est adressé en ces termes exigeants, leur rappelant fort justement que l’Afrique qui se dessine sous leurs yeux se construira avec leurs mains !
Barthélémy Dias, dans son discours exhortait toutes les énergies tendues vers les « mieux-être » rédempteurs d’un Continent Africain à l’atmosphère gazeuse et incertaine, « qu’enfin, le moment est venu pour nous d’unir nos efforts, de faire vivre la solidarité entre nous, de mutualiser nos actions pour amplifier leur impact dans la vie de nos populations et d’adopter sans réserve les économies sociales pour un monde plus juste et plus équitable ». Concluant, doux rêveur que « Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin ».
Il est possible d’imaginer qu’alors, les journalistes des 37 quotidiens dont les pages sont souvent désertées par les épineuses problématiques de développement, et ceux des chaines de télé dont les écrans ne nous proposent que de vivre à la surface des choses, ont commencé à s’ennuyer ferme et à mâchouiller leurs stylos, avant de se réveiller, excités comme des sacs de puces, lorsque le Président de la République, Monsieur MackySall, a encensé Barthélémy Dias, jusqu’ici, l’un de ses plus farouches opposants mais également le mentor politique de ce dernier, Khalifa Sall, candidat déclaré à la prochaine élection présidentielle.
‘’Ya ngi doxal’’, lui-a-t-il dit en wolof. “Tu déroules’’, avant de paraphraser Me Abdoulaye Wade en lui disant, ironique et taquin : « Je dirai à ton papa, qui, lui, est avec moi, que son fils a bien travaillé ».
Et là, patatras !!!! L’Economie Sociale et Solidaire ? Rien à cirer !!!
Le Village des innovations ? Aller y faire un tour pour comprendre et expliquer aux Sénégalais quela viabilité et la durabilité de l’économie sociale et solidaire, passent par des alliances internationales, par une vitalité et un dynamisme des réseaux dédiés à l’ESS, et par une claire identification des espaces et des outils de coopération entre collectivités territoriales devant accompagner et développer l’ESS ?Ils ne sont pas souvent outillés pour se coltiner les problématiques du développement et d’en affronter la complexité de leur profondeur, préférant déposer leur prétention à la « Une » des journaux qui leur servent de surface…L’économie Sociale et Solidaire ?On verra ça plus tard. Silence !!! On vend nos « Unes » à des citoyens plus avides de nos « petites histoires » que des exigences qui nous feront côtoyer les rives escarpées de la « Grande Histoire ». Ci-gît le 6ème Forum Mondial de l’Economie Sociale et Solidaire, balancé dans les poubelles de notre gaudriole nationale.
Et Pourtant !!! Des réflexions emplies de bon sens, loin des « Zéros Sociaux » tympanisant, proviennent d’une interrogation délivrée, par des esprits ouverts à la poétique de la République, lorsque celle-ci se pique à…respecter nos intelligences, au lieu d’en faire un « bouillon d’inculture »…
Une grande partie de notre mal est illustrée par les interrogations et commentaires suscités par cette image totalement ordinaire dans toute République normale. Le fait qu’au Sénégal une poignée de mains entre le Maire de la capitale et le Président de la République soit considérée comme l’événement du siècle doit sérieusement nous interpeller.C’est la responsabilité des leaders politiques.Ils doivent former les militants à avoir un esprit républicain pour supporter ces gestes tout à fait normaux dans une République.
« Inculture » tu connais ? C’est ce qui nous a menés là…
Les commentaires négatifs illustrent la domination des clivages politiques affichés violemment au-dessus de ce que nous avons de plus précieux, qui est notre Patrie, incarnée par des institutions fortes et incolores. Ensemble, essayons de sauver et de sauvegarder la notion de l’Etat qui doit être le prochain chantier de la République.
Les difficultés du déroulement de la mission de Barthélémy Dias, à la tête de la Capitale du Sénégal, traversées en posant des actes, avec force et abnégation, aura su démontrer qu’il était stoïque et courageux et que le Président MackySall, ne faisant que constater qu’un maire qui a des idées et de l’ambition, pouvait être autonome, aura pu, en sus du geste républicain de sa participation à la célébration, le 4 avril dernier, de notre indépendance nationale, lui destiner le sentiment d’un réel respect normalement dû à tout adversaire politique.
Mais comme le disait jadis Eleanor Roosevelt : « Les grands esprits discutent des idées, les esprits moyens des évènements, les petits esprits des gens ». Quand nous aurons compris que « l’idée est au cœur du développement », nous pourrons alors goûter aux saveurs toniques de l’économie sociale et solidaire. Il faut juste faire baisser le niveau sonore de ce tétanisant brouhaha.