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Cinq Ans D’acharnement Éditorial

Le samedi 24 juin 2023, deux quotidiens de Dakar – Grand Panel et L’Indépendant – mentionnent  à la Une une information inexacte : « Aziz Diop contre le troisième mandat ». Ce titre est repris par le site Opera News dans un texte accessible à partir du lien : http://opr.news/16bd7afa230623fr_sn?link=1&client=news

Le même jour, 80 journalistes sénégalais rendent publique une tribune dont le titre, sans équivoque, est libellé ainsi qu’il suit : « Du devoir de se dresser contre une 3e candidature. »

Grand Panel et L’Indépendant rendaient compte, à leur manière, de mes réponses, le 23 juin 2023, jour anniversaire du 23 juin 2011, aux questions – en français puis en wolof – du journaliste Ndiogou Diène de la radio RFM. Le nombre considérable de personnes – tous des amis – à m’avoir demandé ce qu’il en était réellement m’oblige à rendre public à mon tour le fond de ma pensée avant de montrer son lien avec la tribune insurrectionnelle des 80 journalistes.

Où en sommes-nous en 2023 ?

S’agissant du 3e mandat, il divise deux camps adverses qui se font face et ne se font le moindre cadeau. Il n’y a alors qu’une manière d’éviter l’affrontement qui consiste à s’en remettre aux juges des élections qui siègent au Conseil constitutionnel. Tel avait été l’issue en 2011-2012.

En 2011-2012, la conclusion en deux points de cinq constitutionnalistes (Prof. Babacar Guèye, Constitutionnaliste, Prof. Abdoulaye Dièye, Constitutionnaliste, Prof. Mounirou Sy, Constitutionnaliste, Prof. Ameth Ndiaye, Constitutionnaliste et Me Doudou Ndoye, Avocat, juriste) sollicités par le M23 – Mouvement du 23 juin -, dont j’étais le président de la Commission communication et le Porte-parole, avait été la suivante :

« 1. la candidature du président Wade pour un 3e mandat est irrecevable ;

2. le Conseil constitutionnel est compétent pour connaître de la recevabilité ou non de la candidature du président Wade. »

Le 29 janvier 2012, le Conseil constitutionnel déclare recevable la candidature du président Wade, obligeant le M23 à « déposer les armes ». On connaît la suite.

En 2023 une situation comparable à cellle de 2012 se présente. Il n’y a d’issue acceptable pour les deux camps qui se font face que l’acceptation comme en 2012 de la décision irrévocable du Conseil constitutionnel.

Celui qui s’en remet à la décision du Conseil constitutionnel n’est préoccupé par un 3e mandat que quand le président sortant annonce sa candidature et la décision du Conseil constitutionnel connue. Sur ce point précis, nous renvoyons le lecteur à notre tribune (suivre le lien ci-après) à la suite de celle du Professeur Abdel Kader Boye de janvier 2023 : https://rp221.com/tag/abdoul-aziz-diop/

Journalisme insurrectionnel

Le journalisme d’opinion est devenu l’émetteur de l’officine de l’information sans infos pour essentiellement trois (3) raisons :

1. le colportage d’opinions toutes faites destinées au grand public ;

2. le traitement incomplet de l’information disponible ;

3. la diffusion de ce que l’on pense avoir compris dans tout ce qui est entendu, lu ou visualisé.

Il en résulte l’aggravation des crises, mal couvertes ou pas couvertes du tout, par ce type de journalisme en vogue au Sénégal pour 36 raisons qui sapent toutes les bases éthique et déontologique du métier de journaliste.

En prélude au référendum constitutionnel du 20 mars 2016, la Décision n° 1-C-2016 du 12 février 2016 affaire n° 1-C-2016 du Conseil constitutionnel est on ne peut plus claire sur le champ d’application de la loi de révision de la même année : « Le mandat en cours au moment de l’entrée en vigueur de la loi de révision, par essence intangible, est hors de portée de la loi nouvelle. » Pour n’avoir mentionné nulle part cet élément clé, la tribune, citée plus haut, montre comment une opinion commune à 80 journalistes sonne le glas du journalisme factuel. C’est qu’à la différence de ce type de journalisme, le journalisme d’opinion fait à la longue le lit du journalisme insurrectionnel qui s’est emparé des lieux du débat démocratique pour donner libre cours aux pulsions putschistes et terroristes. Le devoir d’informer juste et vrai n’est plus qu’un « devoir de se dresser contre » untel ou untel.  « Nous journalistes sénégalais – [les 80 bien sûr] – avons décidé de faire cette tribune pour nous insurger contre une troisième candidature de l’actuel président Macky Sall. » Le verbe est lâché : « insurger ». Bonjour le journalisme institutionnel.

Pendant près d’une décennie – de 2005 à 2012 en cours du jour et peu après 2012 en cours de vacances pour les professionnels – je n’ai de cesse de dire aux étudiants de plusieurs cohortes d’élèves journalistes et d’élèves communicants que « la communication politique est l’espace où s’échangent les discours contradictoires entre les différents acteurs légitimés à parler de politique et qui sont les hommes politiques, les journalistes et l’opinion » (Wolton, 2008). Qu’est-ce qu’il en reste quand 80 journalistes décident unilatéralement d’exclure du débat les hommes politiques et les citoyens qui se refusent à s’insurger contre les institutions de la République ? Rien ! L’espace est vidé du « trop-plein » dont une partie des acteurs – les journalistes – décident seuls de la nouvelle composition. Une sorte de déchéance de citoyenneté au prétexte que la mort rôde.

Rien en fin de compte qu’un aveu d’acharnement éditorial qui fait qu’on dit depuis avril 2019 tout le mal qu’on pense du pouvoir poussé jusqu’à ses derniers retranchements et tout le bien qu’on ne pense pas de l’opposition radicale et de ses excroissances insurrectionnelles dans les réseaux sociaux, les écoles, la fonction publique, les universités, dévorées par les flammes criminelles des 72 premières heures du mois de juin 2023, et maintenant la presse tous médias confondus.

Abdoul Aziz Diop est ancien chargé de cours à l’Institut supérieur des sciences de l’information et de la communication (ISSIC) du Groupe Sud et ancien Porte-parole du M23.







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