Le père Roger Gomis du Diocèse de Dakar aurait pu nous éclairer sur le statut spécial du Vatican. Les travaux de Jean Delumeau (1923-2020), spécialiste des mentalités religieuses en Occident, du Christianisme de la Renaissance à l’époque moderne, sont très riches d’enseignements. Quant au président du Conseil pontifical pour la culture, Paul Poupar au parcours exceptionnel, son texte estampillé Clio et intitulé le Vatican, son histoire et ses trésors,[1] nous offre suffisamment d’éléments pour comprendre l’histoire, l’organisation et le statut du Saint Siège situé à Rome.
La question sur le statut du Vatican se poserait-elle si l’Allemagne, l’Italie avaient constitué des États durant le Moyen âge, surtout après la dislocation de l’Empire carolingien lors du partage de Verdun en 843 et ceci jusqu’au XIXe siècle ? Ces espaces que sont l’Italie et l’Allemagne formaient le Saint Empire Romain Germanique comprenant des principautés, des États, des villes libres comme Brême, Francfort, Hambourg, Nuremberg, Mayence, Aix-La-Chapelle, Padoue, Venise, Rome, Gênes, etc. Ces villes libres s’administraient par elles-mêmes.
Il faudra attendre le XIXe siècle pour voir, le prince Otto Von Bismarck (1815-1898) bâtir l’unité allemande tandis que le Risorgimento italien ou unification se fera progressivement de 1859 à 1870. Le XIXe siècle caractérisé par les conquêtes coloniales, préfigure dans sa deuxième moitié la fin de de l’Empire Ottoman.
Le Vatican, une tombe, un palais, un État, a largement bénéficié de la gestion féodale des espaces et territoires au Moyen âge européen. Le document du Cardinal Poupar se résume ainsi : « De la tombe de Pierre se dresse la basilique Saint-Pierre, au successeur de Pierre dont la résidence a été érigée dans sa proximité, deux millénaires se sont inscrits en une continuité impressionnante. Le Vatican qui en est le lieu, en est devenu le symbole parce qu’il est le siège d’une entité originale, le Saint-Siège, expression juridique du gouvernement central de l’Église catholique qui compte plus d’un milliard de fidèles de toutes langues, cultures, répandus dans le monde entier »
La cité du Vatican, au cœur de la ville de Rome, est un État internationalement reconnu au lendemain des accords de Latran, le 11 février 1929. D’une superficie modeste (44 hectares), une population inférieure à 700 habitants, l’entité dirigée par le Pape bénéficie d’un rayonnement mondial sans commune mesure avec son aire géographique.
L’indépendance du Vatican relève d’un compromis politique avec l’Italie. Le processus d’unification de l’Italie renvoyait aussi à la recherche de la consolidation de son pouvoir. Camillo Cavour (1810-1861) et Giuseppe Garibaldi (1807-1882), les pères de la « patrie italienne » ont cherché à annexer les États pontificaux, qui étaient sous le contrôle du Pape et couvraient une partie du territoire central de l’Italie. Ce qui ne manqua pas de créer une tension entre l’État italien nouvellement formé et l’Église catholique. Les accords de Latran ont reconnu la souveraineté du Vatican en tant qu’État indépendant, à l’intérieur de Rome. En retour, le Vatican a reconnu l’autorité de l’Italie sur la ville de Rome et a renoncé à toute revendication territoriale.
Sans activité économique mais puissant et riche, le Vatican tient son influence de la venue de Pierre, il y a deux millénaires au moins. Ce disciple du Christ, son martyre et sa sépulture façonnent la spiritualité de Rome. Cependant le Vatican dispose de sa propre Banque connue sous le nom de l’Institut pour les Œuvres de la Religion (IOR). Même s’il utilise l’euro depuis 2002 comme sa monnaie officielle, le Vatican émet ses propres pièces de monnaie et billets ; comme au Moyen âge, on continue à y battre monnaie car c’est un acte de souveraineté.
Le Vatican est une monarchie absolue élective dirigée par le Pape qui est le chef de l’Église catholique romaine. Il est élu par le collège des cardinaux lors d’un conclave qui se réunit après la mort ou la renonciation du Pape en exercice.
Le Vatican n’appartient pas à l’Union européenne. Il dispose de son propre système judiciaire, de ses propres institutions financières et de son propre drapeau. Sujet de droit international, le Vatican entretient des relations diplomatiques avec de nombreux pays. Il est membre d’organisations internationales comme l’ONU et l’Organisation mondiale du Tourisme (OMT).
En tant qu’État souverain, le Vatican maintient une position de neutralité politique officielle. Il ne participe pas aux alliances militaires et n’a pas de forces armées permanentes. La sécurité et la défense du Vatican sont assurées par la gendarmerie du Vatican.
Existe-t-il une citoyenneté du Vatican ? La majorité des personnes qui y travaillent sont des citoyens du Vatican, appelés « citoyens du Saint-siège » qui sont des membres du Clergé, des diplomates, ou des employés de la Curie romaine (administration centrale de l’Église romaine).
Les accords de Latran ont conféré au gouvernement italien des responsabilités spécifiques portant sur la protection des sites du Vatican et la sécurité du Pape. Quant au système judiciaire du Vatican, il est régi par le droit canonique et les lois édictées par le Saint-Siège avec son Tribunal Suprême de la Signature Apostolique (TSSA). Ce tribunal est dirigé par un préfet et constitué de prélats nommés par le Pape.
Le Vatican s’est bâti sur une très longue période remontant à l’Antiquité même s’il reste une survivance de l’organisation féodale du Moyen âge. Son ancrage à l’histoire de l’Europe, de tout un continent explique l’existence de l’État du Vatican. Nous voyons le Vatican comme la résistance à la déchristianisation (confert les travaux de Michelle Voyelle) de l’Europe à partir du XVe siècle ; un siècle avant la Réforme Luthérienne.
[1] Ce texte de Paul Poupar est publié en mars 2002. Il a aussi dans la collection que Sais-je publie sur le Vatican et beaucoup d’autres sujets