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Dèkkal Ngor, Macky Sall A Relevé Le Défi !

«Mes chers compatriotes, ma décision, longuement et mûrement réfléchie, est de ne pas être candidat à la prochaine élection du 25 février 2024.» Ainsi, le président de la République du Sénégal a joint l’acte à la parole et à l’écrit. «Et me voici devant vous en vue de solliciter votre confiance pour un second et dernier mandat», assurait-il dans son livre Le Sénégal au cœur. Cet acte, qui matérialise la parole donnée, a suscité au Sénégal et dans le monde, des réactions élogieuses et des notes positives. Le Sénégal en est redevenu «un des porte-flambeaux dont la flamme éclaire le continent».

Ce geste, qui semble rarissime sous les cieux africains, mérite d’être analysé et l’argumentaire qui l’accompagne décortiqué pour en tirer gains et profits.

Paroles et actes en politique

«Les promesses n’engagent que ceux qui y croient», semble être l’une des sentences les plus acceptées dans le monde politique. Elle recouvre en elle la faiblesse du poids de la parole donnée par les acteurs du jeu. Elle est souvent attribuée à Jacques Chirac, un gaulliste avéré. Lionel Jospin, Premier ministre de ce dernier et son adversaire à la Présidentielle française de 2002, lui, avait comme slogan : «Un candidat qui dit ce qu’il fait et fait ce qu’il dit.» Et il n’est pas passé au premier tour. Les partisans de Macky Sall qui a choisi la voie référendaire pour une révision constitutionnelle, n’ont pas manqué de se référer au père de la 5ème République française, Général de Gaulle, qui inspire tant l’élite politique du Sénégal. Maître Abdoulaye Wade, postulant à un troisième mandat, avait osé revenir sur son engagement et se dédire publiquement : «Ma waxoon waxeet.» Dans la sous-région, les révisions constitutionnelles relatives au mandat pour se maintenir au pouvoir sont devenues la règle. Le Niger et le Nigeria constituent dernièrement l’exception.

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Pour dire que, ce n’est pas la moralité ambiante dans le landerneau politique africain qui a poussé Macky Sall à respecter sa parole. En dehors de son armement moral, compte tenu des divergences constitutionnelles, rien ne devrait l’empêcher de tenter le coup comme les autres..

Le référentiel moral de Macky Sall

«Contrairement donc aux rumeurs qui m’attribuaient une nouvelle ambition présidentielle, je voudrais dire que j’ai une claire conscience et mémoire de ce que j’ai dit, écrit et répété ici et ailleurs, c’est-à-dire que le mandat de 2019 était mon second et dernier mandat. C’est cela que j’avais dit, et c’est cela que je réaffirme ce soir. J’ai un profond respect pour les Sénégalaises et Sénégalais qui m’ont lu et entendu. J’ai un code d’honneur et un sens de la responsabilité historique qui me commandent de préserver ma dignité et ma parole.» Quel est donc ce code d’honneur auquel se réfère le Président ? S’agit-il de sa religion qui stipule : «Ô vous qui croyez ! Pourquoi dites-vous ce que vous ne faites pas ? Très abominable au regard de Dieu est que vous disiez ce que vous ne faites pas» (Coran, Sourate 61 : 2-3). Les derniers actes de Macky Sall renseignent bien sur la place de l’islam dans sa conduite. Les visites récurrentes aux khalifes généraux des confréries et ses pèlerinages à La Mecque illustrent bien cet état de fait.

Il reste à voir dans quelle mesure le code moral de sa communauté affecte-t-il son comportement. Pour y arriver, il faut remonter le temps pour étudier sa réaction après sa destitution de la présidence de l’Assemblée nationale.

La Coalition Dèkkal ngor (Rétablir la dignité)

Macky Sall a été éjecté de son poste de président de l’Assemblée nationale le dimanche 9 novembre 2008, pour avoir osé convoquer au Parlement national Karim Wade, le fils du Président Wade, en rapport avec sa gestion de l’Agence nationale de la Conférence islamique. Ancien Premier ministre et ex-directeur de campagne du Président Abdoulaye Wade, il avait décidé de quitter le Parti Démocratique Sénégalais (Pds), parti au pouvoir, et du coup, de renoncer à son mandat de conseiller municipal et de maire, obtenu sous les couleurs du Pds, de rendre son logement de fonction et son passeport diplomatique. Il crée son parti, Alliance pour la République (Apr), le mois suivant, et participe aux élections municipales de 2009 sous la bannière de la Coalition Dèkkal ngor pour reconquérir son fauteuil de maire. «Ayant très tôt compris qu’il n’y a rien en l’homme qui ne soit couvert par la dignité, j’ai toujours refusé tout ce qui pouvait être de nature à fragiliser la mienne. Qu’il faille me renier pour survivre, je dis non !», écrit-il dans Le Sénégal au cœur. C’est cette coalition élargie qui l’a mené au pouvoir et lui a permis de rétablir la dignité que son mentor et guide, Maître Abdoulaye Wade, avait tenté de bafouer. Là, il a fait valoir le sens de l’Honneur des Sebbe Kolyaabe, qui a précipité la chute du régime deeniyanke. Ce même sens de l’Honneur l’a encore envahi quand le même mentor l’a traité de descendant d’esclave et fils d’anthropophage… lui, le Ceddo bon sang. «En parcourant les noms de famille de la région, il (Siré Abbas Soh) affirmait que Sall, dans la langue du terroir, signifie à la fois «ceux qui refusent» et «entêtés». Je revendique ces deux définitions : je refuse l’injustice et je ne lâche rien» (in Le Sénégal au cœur). C’est de ce groupe social et de sa communauté peule que Macky Sall tient la valeur de la parole donnée : Dimo ko konngol mum (Un noble respecte sa parole).

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Ainsi, face aux épreuves et aux moments historiques, cet héritage surgit forcément pour affecter la décision de l’homme et déterminer son avenir. Cet héritage socio-religieux étant bien partagé, il reste à voir comment en tirer profit pour relever les défis à venir.

Les défis résultant de cet acte

«Au commencement était la parole» (Evangile de Saint-Jean), «quand Il (Allah) veut une chose, Son commandement consiste à dire : «Sois», et la chose est» (Coran, Sourate 36 : 82). «La parole donnée est donc une parole sacrée.

Elle est une parole d’honneur à laquelle on peut se fier. Parole d’honneur qui est vertu, elle fait autorité. Parole du père, de l’ancien, du sage, elle est dotée d’une valeur morale et sociétale», affirme Amina Ben Damir de l’Université de Tunis.

Voilà ce qui met la barre très haut pour les athlètes du monde politique. Mais il est nécessaire d’en arriver là pour réaliser une gouvernance vertueuse afin de mettre la Patrie avant le parti. On ne pourrait pas y arriver sans exigences fortes.

Les certificats de bonne vie et meurs et les extraits de casier judiciaire qu’on exige de tout postulant aux fonctions publiques ne doivent pas être considérés comme des bouts de papiers sans intérêt pour ceux qui aspirent à diriger le pays. Ceerno Sileymaani Baal prônait les critères suivants pour l’élection d’un chef (imam du Fouta) : Il doit être un érudit, homme d’expérience, non matérialiste ni patrimonialiste, au-dessus de tout soupçon.

Mamadou Youry SALL

Chercheur-Enseignant à l’UGB

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