Le président Macky Sall, clôturant le dialogue national, s’était dit admiratif des non-alignés et s’était demandé de qui et de quoi les non-alignés étaient-ils indépendants. Nous avions alors promis une réponse après qu’il se fut prononcé sur le troisième mandat. N’étant plus partant, le monde entier l’a félicité car il a permis à la démocratie sénégalaise de rayonner, et plus fondamentalement, il permettra aux Sénégalais d’avoir pour la première fois des débats de fond sur la direction du pays. Par ailleurs, nous avions également dit que l’honnêteté voudrait que nous félicitions aussi Ousmane Sonko, car l’histoire retiendra qu’il a par son attitude accompagné la jeunesse pour qu’elle ait le courage de mettre une pression qui a nécessairement eu ses effets à l’intérieur comme à l’extérieur du pays pour préserver notre démocratie. C’est donc tout à l’honneur des deux protagonistes de la bipolarisation politique que nous soyons à cette croisée des chemins rendant toute sa pertinence à la question de savoir de qui et de quoi les non-alignés sont-ils indépendants.
D’une part, le président de la République a carte blanche pour désigner le candidat unique et consensuel de sa coalition afin de défendre le bilan et la continuité de la ligne du Plan Sénégal Emergent (PSE). Nous avions baptisé cette ligne « Libéralisme Internationalisé Socialisant ». Elle compte sur la co-construction de notre développement avec le financement extérieur en devises du privé comme du public sans autonomie monétaire pour ensuite redistribuer les fruits d’une croissance éventuelle. Elle ne libère pas les énergies du peuple lui-même, ce qui en fait un paradigme collectiviste, et fera de l’Afrique la locomotive de l’agenda du monde. Cette vision qui ne nous a jamais réussi vient d’être réaffirmée dans le programme du gouvernement avec le Fonds Monétaire International (FMI). En effet, comme nous l’annoncions en décembre 2022 suite à la déclaration de politique générale (DPG) du Premier ministre Amadou Ba, la vraie DPG était reportée pour mi-2023. La DPG des trois prochaines années 2023-2026 publiée par le FMI en juillet 2023 sera encore une fois une politique d’austérité pour corriger les mêmes erreurs que nous faisons depuis 63 ans et qui n’ont rien à voir avec les effets de la Covid-19 ou de la guerre en Ukraine car nous ne pouvons plus financer notre autonomie. Nous sommes comme en 2012 au même point avec les mêmes circonstances. Notre État ne peut pas réaliser notre développement dans le paradigme actuel de gestion de notre pays qui est basé sur la dette extérieure en devises concessionnelle ou pas, option qu’il faut changer avec l’accompagnement nécessaire.
D’autre part, qu’on le veuille ou non, Ousmane Sonko est de facto le chef de l’opposition partisane, toutes tendances confondues, car personne dans l’opposition n’a une ligne fondamentalement différente de celle du pouvoir. Il a une option souverainiste mais également collectiviste qui veut, dans l’autonomie monétaire, s’affranchir de l’étranger tout en collectivisant avec un état développementaliste fort et déconcentré la direction du pays. Il n’est pas dans la co-construction, mais tout en promettant de s’affranchir de l’étranger, ce qui ne sera possible que dans une certaine mesure, il vous promet un État qui ne libérera pas nécessairement les énergies du peuple. Yewwi Askan wi de l’étranger mais Yeww Askan wi de l’intérieur même dans le cadre de la décentralisation car Pastef et ses alliés sont des collectivistes également conservateurs sur le plan social et culturel. Une gauche à moitié.
Cette bipolarisation signifie que les Sénégalais pourraient avoir à choisir entre deux lignes partisanes en 2024 qui ne sont pas nécessairement ce qui leur faut. C’est de ce point de point de vue qu’un bloc non partisan unifié, donc non aligné sur ces lignes partisanes caractérisées, pour répondre à la question de son indépendance de « qui et de quoi », est nécessaire. Il est nécessaire pour clarifier le débat et permettre aux Sénégalais de choisir leur prochain président en connaissance de cause et non suite à une manipulation politicienne et populiste quel que soit l’hameçon.
Notre préférence indépendante est la souveraineté mais dans le libéralisme et l’autonomie monétaire nationale ou sous-régionale dans l’UEMOA seulement, et aussi dans le progressisme social et culturel. Ceci, pour responsabiliser les Sénégalais et le secteur privé national ou sous-régional dans leur propre développement et choix culturels de même que ceux de leurs communautés de base autonomisées avec une Côte d’Ivoire acquiesçant. A défaut, ce sera SENEXIT pour ces objectifs. Cette vision plusieurs fois déclinée et baptisée « Libéralisme Patriotique Progressiste » (SENEXIT : Libéralisme Patriotique ou Socialisme ?) fait l’objet d’une offre publique d’adhésion. Amicale, elle le sera par rapport aux forces partisanes bipolarisées, hostile elle fera l’objet d’un portage citoyen avec une candidature indépendante non partisane à la présidentielle de 2024.
Ainsi, le Sénégal comme à son habitude vient de boucler un cycle de déficits budgétaires excessifs résultant en un endettement en devises excessif, nécessitant un ajustement avec le financement en dernier ressort du FMI. Le FMI nous dit que le PSE n’a pas réussi sa promesse de transformation structurelle de l’économie et que notre endettement a financé des infrastructures qui, quoique utiles, n’ont pas contribué à une croissance durable tirée par le secteur privé et génératrice d’emplois et de progrès social.
Commentant la déclaration de politique générale du Premier ministre Amadou Ba, nous disions que le Sénégal n’avait pas son destin en main et que la politique de la BCEAO qui détermine nos possibilités de financement, dirige les politiques que nous pouvons menées de façon autonome (Amadou Ba : DPG Reportée Candidat de la Continuité). La BCEAO, étant contrainte dans son autonomie du fait de ses propres contraintes de devises, est elle-même à la merci du financement extérieur en devises de nos États. Dans le contexte d’un accès difficile aux marchés internationaux du fait de la conjoncture internationale défavorable, notre prêteur en dernier ressort, le FMI devient de facto notre État central et dirige. Le FMI financera avec ses instruments classiques, et prétextant le changement climatique pour compléter, près de 50% de nos besoins dans les trois prochaines années et dirigera les orientations des bailleurs qui nous apporteront les compléments selon leurs agendas. Si le pouvoir devait être dans l’opposition avec Macky Sall comme son chef, leur retour au pouvoir serait facilité par trois années de correction de leurs propres erreurs. Si le pouvoir devait continuer dans sa direction des 12 dernières années, le Sénégal ne changerait pas.
Ainsi, la direction vers laquelle le FMI nous pointe après nous avoir dit, fait rare, que notre taux de change était surévalué et que nous devions nous financer en monnaie nationale ou en dette extérieure concessionnelle mais en devises est à reformuler. Cette direction acceptée par notre État lui-même, reconnaissant que le bilan n’a pas produit les résultats escomptés du PSE et que les ressources pétrolières et gazières en perspectives sont limitées et n’auront pas d’impact sur notre cadre économique, peut-elle être la bonne ? Notre réponse est NON, mais le FMI ne peut nous accompagner que dans le cadre de contraintes que nous nous imposons nous-mêmes. Corriger notre cadre macroéconomique OUI, mais nous ne le répéterons jamais assez. C’est notre choix d’ancrage monétaire d’une part, et nos options collectivistes d’autre part qui mettent l’État ou l’étranger au cœur de notre stratégie de développement faute de pouvoir impulser un processus endogène de création de richesses avec l’étranger en complément qui sont notre problème.
Nous exhortons les camps partisans, donc alignés et bipolarisés, de changer de paradigme pour pouvoir vendre à la jeunesse des promesses d’emplois qu’ils pourront tenir à défaut ce sera le populisme de tous bords, dénoncé par le président lui-même dans son récent discours. La jeunesse dans toutes ses composantes aspire à prendre son destin en main et a besoin d’un candidat d’espoir car leur avenir est devant elle, et elle ne peut pas porter le fardeau des choix des anciens sur le dos. Comprenne qui pourra !
Librement.
Dr Abdourahmane Sarr est président CEFDEL
Moom Sa Bopp Mënël Sa Bopp