Le Président a choisi le repli de sagesse. Un nouveau locataire du palais va s’installer. Il va être confronté à des défis vertigineux. Ce n’est pas de tout repos que d’être au service des Sénégalais. C’est une servitude. Dans ces temps de totale confusion, il y a dans la fonction suprême des relents de cadeau empoisonné. Le chef manœuvre la plupart du temps dans la tempête. Il consacre une énergie énorme à la gestion de crises.
Le temps de travail et de concentration est grignoté au détriment des grandes idées et solutions aux grands et petits problèmes des concitoyens. Le promontoire de l’ex-avenue Roume est certes magique. Il ne transforme pas pour autant son occupant en homme providentiel. La vie de château côtoie le château de cartes. Les cartes ont été redistribuées avec le poste éminent qui se libère. Tout le monde veut être président sans même être présidentiable. Au sein de la majorité, dans les oppositions et chez les indépendants, l’attroupement de candidats autoproclamés n’est sûrement pas une richesse mais un vrai appauvrissement. Le bruit, la fureur et la quantité sont synonymes de désordre et de cacophonie.
Défendre l’inclusion à tout prix est une faute
Dans la perspective de la prochaine élection, le mot « sélectif » doit valoir son pesant d’or. Défendre l’inclusion à tout prix est une faute. S’il ne faut pas avoir l’outrecuidance de juger les rêves, on peut néanmoins observer que le plus gros de la troupe semble avoir les yeux plus gros que le ventre. Les ambitions sont démesurées. Dans le camp au pouvoir, des risques incalculés ont été pris. L’effort de la préparation forcenée d’un successeur naturel n’a pas été fait. L’unité de façade ne garantit ni sérénité ni victoire. Dans les états-majors opposés, qu’on soit cacique ou pas, la faiblesse réside dans le fait d’être resté si longtemps éloigné des dossiers. Enfin, pour les novices, le risque est plus grand de s’enliser dans l’immensité de l’Etat. Quels que soient son univers ou ses convictions, le 5ème président est attendu aussi bien sur le terrain de la dextérité, de la bonhomie que de la fermeté. Le chef, c’est une main de fer dans un gant de velours. En fin de compte, être président est un costume lourd à porter parce que taillé sur du bon tissu. Il faut en avoir aussi bien l’étoffe que les épaules.
Ces jeunes dont le sol national brûle les pieds
Les mêmes scènes d’un même film se jouent à la même période. L’océan atlantique est tapissé de cadavres. Ceux de nos propres enfants gisent dans les fonds marins. L’émigration clandestine est une épine plantée dans tous les cœurs. C’est l’immense ignominie qui déborde les gouvernements de passage. Contre vents et marées, les odyssées périlleuses dans les mers moutonneuses reprennent de plus belle dans l’indifférence générale. De plus en plus inaccessibles, les frontières européennes s’élèvent et ressemblent au chas d’aiguille où un chameau ne passe que miraculeusement. Les damnés de la terre restent et demeurent les damnés de la mer. L’émergence économique est encore un canular resté au stade affligeant de la désespérance. L’espoir ne prend fin qu’en enfer. Soit. Les oreilles des candidats à l’aventure qui ne sont plus que des ornements ne l’entendent pas. Pour eux, l’enfer sur terre, c’est le sol natal qui brûle la plante des pieds. Échec ne peut être plus grand. Devant l’ignominie, on a beau se boucher les oreilles, il restera toujours les yeux pleins d’effroi pour pleurer.