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Le Temps Des Grandes ManŒuvres

L’heure des grandes manœuvres pour la transition de 2024 a sonné au Sénégal. En annonçant une série de réformes constitutionnelles, Macky Sall a montré qu’il ne comptait pas attendre cette échéance, qui marque la fin de son deuxième et théoriquement, dernier mandat de président, pour lancer ce processus périlleux.

La stratégie est un système d’expédients. Elle est plus qu’une science : elle est la transmission du savoir dans la vie pratique, le perfectionnement de la pensée capable de modifier l’idée directrice primitive conformément aux situations sans cesse modifiées. C’est l’art d’agir sous la pression des circonstances les plus difficiles.

Ainsi la stratégie générale apparaît-elle, dans son essence, comme l’application de la politique avec une intention de contrainte, face à une volonté adverse suscitant obstacles ou menaces. Il ne peut donc y avoir de stratégie authentique sans qu’ait été au préalable définie une politique, et il ne subsiste pas le moindre doute sur la constante subordination de la première à la seconde qui constitue sa raison d’être.

L’urgence de choix kafkaïen

A mesure que se rapproche l’échéance présidentielle de 2024, marquée par le renoncement retentissant du Président Macky Sall à un troisième mandat, se dressent devant lui l’urgence de choix kafkaïens:

– Désignation d’un dauphin consensuel à même de cristalliser l’unité de Benno malgré les velléités des ambitions des uns et des autres…

-L’adoption des conclusions du dialogue national ouvrant la compétition aux opposants politiques frappés d’inéligibilité que sont Khalifa Sall et Karim Wade. Ce n’est point un secret de polichinelle de dire que le fameux dialogue a été mis au point par le président et ses affidés pour barrer la route à leur principal rival politique, Ousmane SONKO, crédité par voix non officielle par les sondages des plus grandes intentions de vote.

Cette grâce présidentielle accordée aux préposés à la candidature est sous-tendue par une révision de la constitution portant sur la révision de l’art 87 sur la dissolution de l’Assemblée nationale, prévue ce lundi 17 juillet 2023 et qui précède celle du code électoral afin de sécuriser le vote des députés karimistes et khalifistes. Une révision de la constitution qui survient à quelques mois de la fin du mandat du Président est révélateur de toute la dimension de calcul politicien qui anime le chef de l’État. Une véritable opération de neutralisation de ses alliés circonstanciels qui a pour objectif de leur couper les ailes et les soumettre à sa volonté de domination. Ils seront bâillonnés comme des malpropres et rabaissés à des soutiens de fait, leur état de concurrents intégraux ramené à sa plus simple expression. En cela, le prince reste fidèle au principe de base qui a caractérisé ses relations avec l’opposition tout au long de son magistère.

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Toutefois, la démarche se heurte à un manque d’élégance et de transparence du pouvoir qui privilégie moult contorsions et autres pirouettes de haute voltige, poussant nombre d’observateurs à risquer des pronostics sur le futur héritier du trône en faisant appel aux bonnes vieilles recettes des kremlinologues.

Une verticale du pouvoir pour perdurer

Une gouvernance qui se voulait sobre et vertueuse qui a fini par reléguer les nobles espérances démocratiques au rang d’instruments de mystification, d’informations fallacieuses et de pressions psychologiques, utilisés contre nos populations pour protéger les intérêts de quelques groupuscules et aventuriers de la politique qui en ont fait un métier devenu aussi complexe que dans le crime organisé parce ce qu’un politicien honnête ne fait pas long feu s’il ne marche pas dans l’illégalité. Situation paradoxale, mais qui peut expliquer une incapacité presque congénitale à réformer.

Macky a institué «une dynastie KGB appelée à perdurer après lui». Et de potentiels Medvedev, acteurs intermittents du spectacle politique, des étoiles filantes sont prêts à chauffer le fauteuil du boss et celui-ci fera d’un d’entre eux peut-être Premier ministre quand il sera revenu au pouvoir… Disons que ce ne sont que des élucubrations mais, le prince n’a pas placé tous ces coups sans se donner la marge de revenir dans le jeu politique, en témoignent les projets de modification des conditions de la dissolution de l’assemblée nationale, permettant de procéder au couplage des élections présidentielle et législatives » au mois de février 2024.

La construction d’une « verticale du pouvoir » avec l’exécutif comme centre de décision caractérise le processus déroulé par le président sortant. Depuis qu’il s’est placé hors de la compétition électorale, le système Macky se crispe paradoxalement davantage cherchant à prévenir tout risque de déstabilisation : interdiction systématique de toutes manifestations publiques, pressions sur les leaders de l’opposition, renforcement du contrôle des médias, branle-bas dans les États-majors des forces de défense et de sécurité…

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Les structures de forces ont été dotées de pouvoirs étendus, notamment en matière de poursuites judiciaires. Le recrutement des élites semble donc privilégier des critères de loyauté, ainsi que les liens personnels ou familiaux, tant au niveau que régional et local.

Ce type de système favorise le népotisme, les relations informelles, la concurrence entre clans et l’impunité des principaux protagonistes.

Les élites politico-économiques gagnent à rester fidèles au système, et seront de toute évidence tentées de le faire perdurer au-delà même de Macky pour préserver leurs positions.

L’impérieuse nécessité de capter les aspirations populaires

Les observateurs sénégalais comme étrangers se perdent en conjectures pour savoir quelle solution sera finalement privilégiée par Macky Sall pour conserver le pouvoir. Plus grand monde ne doute de la nature crypto-autoritaire du régime et du fait que le président sénégalais n’a aucune intention de quitter la scène politique. Il est en cela représentatif de la plupart des sénégalais qui n’ont pas encore atteint l’âge légal de la retraite : après tout, Macky Sall n’a que soixante – un ans et sa carrière politique n’en est qu’à la fleur de l’âge…

Ce regain d’intérêt des experts et spin doctors pour les coulisses de la vie politique sénégalais n’est pas sans faire penser au temps des grandes manœuvres quand les spécialistes étrangers des élites soviétiques, les « kremlinologues », rivalisaient d’ingéniosité pour récolter et analyser des indices à priori sans intérêt, allant de la disposition des membres du Politburo sur les photos de la Pravda aux modulations à peine perceptibles des brèves de l’agence TASS sur la nomination aux plus hautes fonctions de quelque obscur apparatchik.

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Si l’on croit que la société sénégalaise contemporaine est de plus en plus celle du «rien en commun », une société sans repères et doutant d’elle-même, peut-il y avoir d’autre solution que de réfléchir à un mode d’exercice du pouvoir qui œuvre à des solutions jaillissant de là où les questions se posent etse réservant, au terme du débat, de fixer un cadre général de régulation largement accepté, car fruit de l’expérience. Il y a bien urgence à revitaliser l’action politique. Les civilités ne sont d’aucune utilité si nous devons courber l’échine devant les plus tortueux et les plus forts. Le pacifisme face aux requins: la voilà, l’éternelle tragédie.

Il s’agit d’être en résonance avec le peuple, afin de capter les aspirations populaires pour leur donner pleinement droit de cité. C’est une stratégie politique de longue haleine qui demande constance et cohérence. Cela ne peut se réduire à des stratagèmes électoralistes de circonstance.

Rien ne se fera sans le citoyen rétabli dans sa pleine souveraineté. C’est cette aspiration à recouvrer la souveraineté qui a guidé les sénégalais un fameux 23 juin 2011 à se dresser comme un seul homme, se rendant compte qu’ils étaient devenus dans l’ordre social et politique sujets au-dessous de l’ordinaire. Cette reconquête de la démocratie et de l’intérêt général constitue le signal de la nécessaire révolution citoyenne.

Les sénégalais aiment la politique mais cette année plus encore qu’auparavant rejettent les politiques. Si rien ne change, l’enfarinage a encore de beaux jours devant lui.







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