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J’ai épousé La République

Je ne suis pas de ces pétitionnaires forcenés, qui signent tout ce qui bouge sous leur nez. Pour tout dire, je me méfie des pétitions, surtout quand elles ont des relents politiques. Souvent, aux côtés du sujet principal, sont introduites, plus ou moins ouvertement, parfois dissimulées, diluées dans une phraséologie absconse, des préoccupations différentes, parfois éloignées, de l’objet de la mobilisation. Les rédacteurs des textes pétitionnaires (on peut remplacer par protestataires), connus ou non du signataire, bénéficient de la confiance de ce dernier, et celui-ci, mû par son indignation en rapport avec la question soulevée, signe parfois les yeux fermés. Contre les violences faites aux femmes, contre l’arrestation de journalistes, ou d’opposants, contre la guerre …

A froid, il relit le texte signé, et constate des digressions à mille lieues de ses préoccupations.

Il faudrait que les initiateurs de ce genre de contestation soient tenus par une éthique que rien ne garantit aux foules entraînées dans leur contestation : «L’éthique de responsabilité.» Ce ne serait donc pas trop leur demander que d’être concis. Un texte pétitionnaire doit s’en tenir le plus strictement possible à l »objet seul de son existence. Il devrait être court, et n’avoir pas des allures de profession de foi politique. Les «considérant» doivent en être succincts. L’identité des initiateurs et rédacteurs du texte connue. Parfois, ça change tout d’un texte anonyme.

Les plateformes qui portent lesdites pétitions elles, ne se privent même pas de manipulations, du genre choisir quel commentaire publier ou lequel censurer.

Nous nous souvenons tous de la pétition portée par une des plateformes les plus en vue dans le monde destinée à soutenir ldrissa Gana Guèye, notre compatriote footballeur au Paris Saint-Germain (Ndlr : il joue désormais à Everton), qui avait refusé de porter un maillot floqué aux couleurs arc-en-ciel si controversées. Le nombre de signataires s’envolant vers des sommets rarement atteints par ce genre d’initiative, la plateforme décida purement et simplement de retirer la pétition, sous prétexte de commentaires déplacés. Déplacés selon une «idéologie», si j’ose dire, contraire aux motivations légitimes des signataires…

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J’ai signé la pétition contre l’intervention militaire de la Cedeao au Niger. Ma conscience me l’a dicté. Je suis contre la violence sous toutes ses formes, contre ceux qui la fomentent, Etat ou individus, contre tout ce qui peut l’encourager. Pour reprendre mon ami et frère Massamba Guèye, «dans la violence, personne n’a raison». Bien sûr, personne ne peut plus avoir raison, parce que chacun ne s’occupe plus que de son salut.

Je reste un républicain forcené. Et il nous faut faire attention à initier quelque­ chose contre cette épidémie de coups d’Etat en Afrique de l’Ouest, de loin, il y a peu, bien plus dynamique en matière de démocratie que l’Afrique Centrale, par exemple. Or là-bas, règnent des présidents à vie, de facto ou de jure, la Françafrique y est bien plus présente qu’ailleurs, les djihadistes, par Boko Haram, y sévissent, mais les coups d’Etat militaires y sont passés de mode. Pourquoi ? Je ne sais pas trop, mais ces peuples et leurs élites intellectuelles ont l’air de préférer s’accommoder des régimes ubuesques qui y sévissent que de prendre le risque de se coltiner des coups d’Etat militaires -violents par essence, au moins facteurs de violence- à la chaîne.

En Afrique de l’Ouest, où se construisent cahin caha des systèmes démocratiques encore juvéniles, mais prometteurs et vecteurs de stabilité, les coups d’Etat militaires se suivent et se ressemblent, qui trouvent prétexte dans tout : djihadisme, Françafrique, panafricanisme, etc. Sans rien changer, souvent, des ordres anciens, sauf les dirigeants. Or, ces putschs sont applaudis par des foules dont les frustrations et les colères de diverses origines, sont justifiées par des facteurs endogènes et exogènes dans lesquels nos Etats ont de réelles responsabilités, certes, mais nous aussi, autoproclamés intelligentsia.

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Je crois que si avant que la Cedeao ne réagisse, des protestations vigoureuses avaient été entendues par les militaires nigériens, venant des groupes et individus que l’on trouve constamment, sur tous les fronts de lutte, en face des gouvernements civils, une organisation comme celle-ci aurait plus de chance de se faire entendre des auteurs du coup de Niamey -dont il faut vigoureusement contester la prise du pouvoir si on croit à la démocratie républicaine. Et si on sait que ce système seul, patiemment et méticuleusement construit, garantit une gouvernance transparente.

Sauf si on préfère à nos si imparfaites et claudiquantes démocraties, à nos républiques cocotières -où nous pouvons tout de même protester, pétitionner, marcher- de bien parfaites et martiales dictatures militaires dont l’appétit de pouvoir grossira au fur et à mesure, sous nos applaudissements ; au moins nos silences complices, qui vont encourager d’autres militaires d’autres pays à s’immiscer dans ce qui n’est pas, ne sera jamais leur métier : la politique.

Il n’en restera d’ailleurs plus beaucoup, des régimes civils en Afrique de l’Ouest, si les soldats putschistes nigériens réussissent à s’installer comme au Mali, en Guinée et au Burkina-Faso. Quatre pays de l’Uemoa, la moitié des pays francophones de l’organisation seront alors sous régime militaire.

En tant que républicain forcené, garder le silence sur cette épidémie de coups d’Etat militaires m’aurait rendu triste d’avoir signé contre une intervention militaire de la Cedeao au Niger. Parce que ça, je ne pouvais pas ne pas le faire, car adepte de la non-violence avant tout. Avant même que d’être républicain et, démocrate sans concession, car c’est parce que la République exclut la violence (sous toutes ses formes) comme mode d’expression politique que je l’ai épousée.

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PSK, journaliste-écrivain

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