Le dictateur est un personnage qui pèche par Hybris. Le dictateur est arrogant, orgueilleux, démesuré et vaniteux. Autant de traits psychologiques qui le rendent excessif et débordant tel un fleuve qui sort de son lit et cause des dégâts. L’orgueil, l’ignorance, la carence de sens historique et de culture le pousse à violer les principes universellement reconnus et acceptés. C’est pourquoi le dictateur finit toujours par lancer un défi à Dieu et au Cosmos.
Par exemple, Pharaon a fini par dire un jour qu’il est le Seigneur très-Haut. Nous avons entendu notre apprenti-Pharaon local, nous rappeler un jour que les choses dépendaient de sa « Volonté ». Comme Tantale qui défia les Dieux de l’Olympe, le dictateur aussi ignore, viole, désacralise les deux (02) formules qui ornent le Temple de Delphes : Gnothi seauton -Connais-toi-toi-même et Mêdan agan -Rien de trop.
Le dictateur est celui qui ne connaît pas qui il est, celui qui ne reste pas à sa place, qui se prend pour Dieu, fait du wax waxéet, viole le droit, les principes du droit romain – par exemple rendre à chacun le sien. Il veut tout prendre, occuper toutes les places, faire ombrage à tout le monde. Il se croit supérieur aux « Autres », pour parler comme les Judas qui devraient s’appeler logiquement Yeew Askanwi. Il est le Roi-Soleil. Peut-être parlera-t-il un jour comme Napoléon : « J’ai le droit de répondre à toutes vos plaintes par un éternel « je suis ce que je suis ». Je suis à part de tout le Monde, je n’accepte les conditions de personne. Vous devez vous soumettre à toutes mes fantaisies, et trouver tout simple que je me donne de telles distractions ».
Les courtisans de Staline lui faisaient croire qu’il était plus haut que les espaces célestes et que seules ses Pensées étaient plus hautes que lui. Cependant, il était le plus médiocre et le plus faux d’entre tous. Même les talons compensés n’étaient pas oubliés pour mystifier les foules, cacher son Jeu, apparaître toujours sous de grands airs.
Les études et examens biographiques et cliniques sur les dictateurs, tyrans et despotes, à travers le temps, révèlent un résultat effroyable unanimement partagé, à savoir leur folie. La règle veut que le dictateur vienne de la plèbe, de la populace. C’est un personnage qui n’est même pas d’accord avec lui-même. Il est dans le ressentiment, la vengeance. Il est dans un déchirement intérieur permanent, un conflit psychique qui s’aggrave de jour en jour. Le dictateur est miné, dominé par les forces réactives et négatives qu’il porte originairement en lui. Il vit dans l’Anarchie des instincts. Et comme il lui manque la science de l’esthète et de l’artiste, il recourt, en parfait Butor, brute, bête et gribouille politique qu’il est, à la Castration, à la liquidation, à la « réduction de l’opposition à sa plus simple expression ». Supprimer, éliminer tout ce qui ne l’arrange pas. Tâche vraiment impossible quand on sait que ce sont la dialectique, le principe des contraires qui sont à la base de la vie, de la perpétuation de la vie. Il n’a jamais entendu le rôle, le travail nécessaire et positif du négatif.
Le dictateur est incapable de donner du style à son caractère, d’harmoniser, de mettre en accord les forces réactives et actives en son sein. Il est incapable de sublimation, d’élévation, de catharsis, de grandeur, de pardon, de désintéressement – il fixe des conditions à ses soi-disant actes de bonne Volonté et de grandeur, des conditions, « da ngéen may naan ci njéek ».
Les faits et gestes du dictateur ne sont ni spontanés, ni naturels, ni dépourvus de calculs. Il est sournois, il louvoie, la démarche est lambine. Ses actes ne sont pas harmonieux, ni authentiques. Au contraire, ils sont irréguliers, saccadés, coincés. Avec lui, le grand style, le raffinement ne sont pas au rendez-vous. Depuis qu’il est là, on ne lui connaît pas de numéro 2, de dauphin, de candidat, à six (06) mois d’une élection dont il n’est pas partant. Ce qui ne l’empêche pas de tenir en joug et sous le stress toute une nation. Il n’est pas en mesure de surmonter le conflit psychique qu’il porte. Il a peur, c’est un Matamore incapable de spiritualiser l’inimitié. Même Carl Schmitt, le juriste et philosophe du Nazisme, reconnaît la nécessité d’un ennemi fort. Il est l’Archétype de l’opposant au pouvoir. Maître Wade ne refusait pas les joutes démocratiques faisant confiance à sa culture et à son charisme.
Le vrai opposant au pouvoir est donc le premier dictateur de notre pays depuis 1960, dépourvu de culture et de charisme, qui a une revanche à prendre sur la société et qui ne compte que sur la force et l’arbitraire pour imposer sa volonté. Nous espérons bientôt refermer cette malheureuse parenthèse qui a balafré de façon indélébile, l’image d’exception qu’était le Sénégal. Que nous redevenions les artistes que nous fûmes et que nous retrouvions très rapidement notre science des médecins qui ajoutent du sucre, du miel, du vin dans leurs mélanges afin d’atténuer l’amertume de l’absinthe !