Une vidéo du Président sortant gabonais Ali Bongo circule, dans laquelle, apparemment, il demande qu’on fasse beaucoup de bruit pour restaurer l’ordre républicain au Gabon qui serait en proie à un coup d’Etat. Il devrait demander à la cellule de com’ de Pastef, la recette du concert de casseroles…
Commençons par le commencement du vaudeville gabonais dont les soubresauts actuels ne sont que les épisodes hauts en couleurs d’un interminable feuilleton. Au début, c’est Léon Mba qui obtient l’indépendance malgré lui le 17 août 1960, parce qu’il préfère que son lopin de terre de 267 668 kilomètres carrés, le Gabon, reste département français. De Gaulle refuse l’offre poliment, mais fermement.
Bref, Léon Mba, à son corps défendant, doit se coltiner la présidence de la République gabonaise. Chienne de vie ! Ce séminariste qui obtient son brevet élémentaire, puis entre dans l’administration coloniale comme commis des douanes, en a fait du chemin pour en arriver là, après moult péripéties dont une condamnation en 1931, à trois ans de réclusion, pour des malversations sur le dos du contribuable, en sa qualité de chef de canton.
Mais il sait y faire, manifestement épaulé par les puissants forestiers européens qui s’y établissent. Bref, il se fait élire face à son concurrent Jean Hilaire Aubame, l’ancien collaborateur du gouverneur Félix Eboué, devenu député, proche de son honorable collègue… Léopold Sédar Senghor.
C’est pourtant Aubame qui remporte le scrutin de 1957, pour le premier Conseil de gouvernement issu de la loi Cadre. Seulement, Léon Mba réussit à débaucher des députés (ben oui, la transhumance n’est pas un monopole sénégalais !) et le tour est joué : il y devient miraculeusement majoritaire et l’auguste Parlement le porte au pinacle…
Traficoter des résultats, au Gabon, ça remonte à loin, n’est-ce pas ? Bref, voilà Léon Mba Président du Gabon et ça roule tout seul, jusqu’au 18 février 1964 : patatras, c’est le coup d’Etat. Cent cinquante soldats le renversent et le déportent à Lambaréné : Jean Hilaire Aubame devient le chef du gouvernement. Un cirque qui dure vingt-quatre interminables heures !
L’armée française dont des bataillons bivouaquent dans les parages dont certains qui débarquent depuis Dakar, ramène Mba par la peau du cou au Palais et l’y réinstalle solidement, d’autorité. Bien entendu, c’est Aubame qui va prendre sa place à Lambaréné. Non, mais ! Franchement, y a des taloches qui se perdent ?
Deux précautions en valent mieux qu’une, le pape de la Françafrique Jacques Foccart, qui a du nez, lui colle comme directeur de Cabinet un ancien agent des Ptt, agent de renseignements au service de la France à ses heures perdues, haut comme trois pommes, Albert Bernard Bongo.
La santé de Léon Mba est plus que chancelante. Il est moribond. N’empêche, on le garde quand même au frais dans son Palais… De toutes manières, c’est la France qui gouverne et le p’tit Bongo, le directeur de Cabinet devenu vice-président, demande sagement la permission, même pour aller au petit coin.
En 1967, Mba est réélu les doigts dans le nez et les perfusions dans les veines, sur son lit de mort. Il décède le 27 novembre de la même année. Le vice-président Albert Bernard Bongo lui succède du haut de ses talonnettes et de son mètre cinquante-et-un. Là, attachez vos ceintures, c’est du… grand art qui s’annonce !
L’ancien agent de renseignements français devenu président de la République du Gabon règnera d’un pouvoir absolu, avec droit de vie et de mort, et sans discontinuer durant quarante-deux interminables années sur le Gabon qu’il transforme en émirat tropical.
Il commet l’exploit sublime de faire de Libreville, la capitale des intrigues politiques françaises à grand renfort de distributions de mallettes à ses politiciens, de l’Extrême-droite à la Gauche bobo, en passant par les centristes…
Albert Bernard Bongo est celui qui se fait baptiser catholique en 1968, juste avant de rencontrer le Pape Paul VI. Et puis, quelques années après, il se prénomme Omar, suite au choc pétrolier et à sa conversion à l’islam en 1973, histoire de faire bonne figure au sein de l’Opep, l’Organisation des pays producteurs et exportateurs de pétrole.
On ne le dira jamais assez : ce ne sont pas les girouettes qui tournent, c’est le sens du vent qui change !
Omar Bongo Ondimba meurt à Barcelone le 6 mai 2009, quasiment interdit de séjour en Hexagone où ses comptes sont saisis et ses biens qualifiés de «mal acquis». Rien qu’en France, on lui dénombre trente-trois appartements et hôtels particuliers d’une valeur de 98, 400 milliards de francs Cfa. Bongo lègue surtout à la postérité cinquante-quatre enfants reconnus de trente-trois mères dont deux seules épousées civilement. Excusez du peu…
Question impie : avec un harem pareil, comment on trouve un moment à consacrer aux affaires d’Etat ? C’est son fils Ali, né Alain-Bernard, son dernier ministre de la Défense, qui lui succède. Il est le rejeton de Patience Dabany, une musicienne qui divorcera pour s’installer aux Usa et relancer sa carrière.
Pour la petite histoire, Ali Bongo est le mari de la fille de son beau-frère. Explication : le père de sa femme, Edouard Valentin, assureur prospère, aujourd’hui décédé, épousera en secondes noces sa demi-sœur Flore Bongo… Son beau-père et son beau-frère ne font qu’un, en résumé.
Lorsque le 4 septembre 2009, Libé, le quotidien français, titre «Ali Bongo et les 40%» au sortir des élections, faut plus douter, c’est mal barré pour la suite. Y’a des observateurs qui éternuent, juste après un coup d’œil sur les chiffres : sur une population d’un million trois cent mille habitants, il faut compter huit cent mille électeurs inscrits sur les listes…
Depuis, que d’émotions dont un état de santé chancelant, après un accident vasculaire cérébral et une citation parmi les personnalités soupçonnées d’évasion fiscale dans le scandale des Pandora Papers.
Moi dans tout ça, je ne retiens qu’une certitude : on ne s’ennuie certes pas au Gabon, mais le bonheur d’être Sénégalais est ineffable.
Je ne remercierai jamais assez Senghor…