Le secteur du Tourisme, est dans une situation d’hypovitaminose. Il attend thérapeutes et thérapie
Au lendemain de la composition du premier gouvernement du président Abdoulaye Wade, je fis une contribution intitulée, « Gouvernement de partage du butin », à l’aune du bazar, des profils peu convaincants, mais surtout de la pléthore des nominations politiciennes, partisanes, sauf celle d’une dame Marie Tissa Mbengue, qui déclina l’offre d’entrer au gouvernement par honnêteté, estimant n’être pas à la hauteur de la charge à lui confiée. A la sortie de l’ancien Premier ministre Idrissa Seck du gouvernement, l’on crut devoir avec l’équipe restante, organiser des fêtes recommencées sur le boulevard, surtout qu’à l’époque, le président Wade a tenu à son ancien Premier ministre, des propos malheureux : « A présent, nos ennuis d’argent sont terminés »
Les choses changèrent vite en agapes, en virée à travers le monde, en villas cossus à qui mieux mieux et cela m’inspira un néologisme « l’alternoce » très repris. En effet, pour les vainqueurs, c’était dans l’ordre des choses de prendre une sorte de revanche sur leur sort, leur tour d’alterner les privilèges.
Cette allégorie sur les comportements de politiciens au lendemain de chaque joute électorale, renseigne sur l’aspect exclusif du management du pays, réservé sans partage à la classe politique. Les vainqueurs estiment toujours qu’il y a un « butin » à se partager sur le dos de ceux qui sont chez eux et dans l’écrasante majorité, les meilleurs. Hélas, ce modus operandi exclusif, pour la bonne marche du pays, doit être considéré aujourd’hui, comme une attitude surannée, frustrante, éminemment injuste, devenue aujourd’hui insupportable aux yeux des populations qui estiment, n’être que du bétail électoral et pire des moins que rien quand les urnes sont rangées. Une pareille attitude de désinvolture, très snobinarde ne peut créer que colère surtout dans des pays pauvres comme le nôtre où aujourd’hui, il est facile de descendre dans la rue. Ainsi, on fait fi de manière générale, des profils, des compétences avérées, du « tout pour nous », jusqu’à ce tourisme qui nous intéresse dans cette contribution.
Ce secteur n’a jamais eu son homme dans l’absolue.
Un homme du sérail adoubé par les professionnels du secteur. Mais jusqu’ici, ce sont des outsiders, des gens loin de connaitre le b-a.-ba de ce secteur, des personnes qui viennent apprendre, en perpétuel rodage, la plupart, des fonctionnaires ou des politiciens dont le seul critère de nomination, est la proximité avec le Chef de l’État. Il est donc légitime de s’interroger sur l’impact du Gargantua-politicien, de ce prédateur pernicieux, de ce qu’il peut apporter, si ce n’est de la boulimie, de la condescendance, du mépris, de la suffisance qui parfois n’a d’égale que de l’insuffisance dans leur approche managériale du secteur. Et pour cause, l’on est protégé. L’état de sous-tourisme dans lequel, le pays est plongé vient de cet ostracisme, de l’aspect intouchable de sa personne, de cet esprit « I don’t care » vis-à-vis de « ceux qui savent » pour reprendre la formule du regretté Tidiane Aw cinéaste. Le recul de notre pays, jadis modèle offert à l’imitation, vient de cette colonisation du secteur par des rentiers, par les mêmes visages, des hommes de toujours en face du président de la République. C’est le portrait craché de ces soi-disant anges providentiels qui se sont plutôt servis du tourisme qu’ils ne l’ont servi.
Nous sommes aujourd’hui confrontés non sans émotion, au discours officiel du « tout baigne », à des spots sans effets majeurs à même de faire saliver, en lieu et place du factuel, où même les non-voyants peuvent sentir que c’est un recul notoire, avéré du flux touristique sous nos cieux. Nous voyions naguère la flopée d’hôtes-visiteurs dans chaque coin de rue de la ville. Aujourd’hui, c’est le mirage des touristes avec cette hérésie des « statistiques bonheur » pour faire croire au Chef de l’État que le job est fait.
Le Sénégal n’attire plus…
Le Sénégal, n’attire plus faute de stratégies de promotion, de package alléchant par manque d’ingéniosité et surtout du sens des affaires. Si le pèlerinage à la Mecque, est une obligation pour tout musulman qui en a les moyens, il n’empêche que l’Arabie Saoudite, en a fait un modèle de tourisme religieux à nul autre pareil, sans cesse amélioré. Aujourd’hui, la grande offensive géniale du royaume saoudien, en marge du Hajj, est présentement dans le sport avec le recrutement de sommités mondiales du football. Ce qui peut augurer d’un produit-culte, celui d’un couplage : Oumra plus une affiche alléchante d’une ou des rencontres de football. Cette illustration démontre, le peu d’ingéniosité du management de notre tourisme. Le Sénégal est à l’heure actuelle dans le gotha du football mondial avec des ténors sans pouvoir les utiliser comme vecteurs de promotion, quand en revanche, des joueurs de Premier league comme ceux d’Arsenal et récemment ceux du Paris Saint-Germain portent des maillots floqués « Visit Rwanda ». Des pays qui, il n’y a guère, venaient apprendre chez nous, à l’époque du Sénégal, première destination au sud du Sahara, font mieux que nous. Que l’on ne s’y méprenne, le tourisme est un business, une activité devenue technique au fil du temps, un secteur imbibé de géopolitique, paradoxalement drivé par des fonctionnaires, des politiciens qui n’y ont d’yeux que sur leurs carrières et les affaires du chef et non ce devoir républicain, cette envie irrépressible, responsable de servir l’État. Il y a assurément un management paradoxal du tourisme dans notre pays. II est en effet difficile de comprendre et d’admettre comment des concitoyens qui ont pignon sur rue, des professionnels qui ont investi lourdement dans le secteur, soient à la merci de politiciens, d’affairistes dans les coteries, qui n’ont investi aucun sou vaillant. Une gestion fauteuil, peinarde, le doigt dans le nez, sans risques pour leur poche au détriment des cadres du secteur qui ont mis leurs billes. L’échec du boom touristique vient en grande partie de cette mise à l’écart du « right man in the right place ». Aussi, l’autre cause du désamour pour le Sénégal, est dû à un environnement sale, à un décors hideux composé d’agresseurs, à une mendicité têtue, quasi incurable, et pire encore au manque notoire de loisirs. Où est donc la Téranga ?
Le Sénégal est synonyme de désert événementiel…
Le Sénégal est synonyme de désert événementiel, où rien de substantiel, de divin ne s’y passe. L’émerveillement est mort, comme est également mort le Lac Rose, sauf un certain festival de jazz prometteur à ses débuts, aujourd’hui entre des mains inexpertes. La mauvaise vente de la destination Sénégal, c’est encore le peu d’intérêt pour les ZIT (zones d’intérêt touristique), Gorée, l’île-mémoire, classée au patrimoine universel de l’Unesco, délaissée par les Américains qui préfèrent El Mina au Ghana. Quid des croisières éteintes aujourd’hui et de la pêche sportive, rangée dans le catalogue des souvenirs ? Et hélas, dans le bouquet de ceux qui font mieux que nous : le Cap-Vert, la Gambie en nette progression, la Côte d’Ivoire, sortie d’une guerre avec plus de trois mille morts, qui attirent. L’on veut bien se cacher derrière le covid et les troubles politico-sociaux pour justifier l’apathie envers le Sénégal. Que nenni, la France a connu elle aussi le covid avec plus de morts que nous, une année terrible de gilets jaunes et malgré tout, elle caracole. Elle est en ce moment en sur tourisme.
Nous devons être généreux et humbles entre nous, pour le pays face aux enjeux, pour l’emploi, cette demande sociale en constante hausse que le tourisme peut atténuer. Nous n’avons pas d’autres alternatives que de reprendre les choses de manière inclusive en inculquant d’abord une culture touristique et hôtelière dans le tissu social, plutôt qu’un « Taamu Sénégal », sorte de réponse à l’extraversion du Sénégalais lambda dont la propension marginale à consommer, en matière de tourisme est plus pour l’étranger. La massification, voire la démocratisation du tourisme est consubstantielle à son essor, à sa pérennité. Aussi revoyons la saisonnalité qui n’existe qu’ici et pas ailleurs, mais encore trouver la bonne formule pour un tourisme intérieur intégral. Osons l’avenir comme disait l’autre, développons un tourisme d’affaires, autre opportunité de créer des emplois. Faisons de Dakar, un hub d’affaires, davantage, avec sous peu, l’exploitation de nos ressources pétro-gazières.
Le tourismeurt
Futurs candidats à la présidentielle, le tourismeurt, nous n’avons plus ce flux d’antan, encore moins de coefficient de retour car « on n’attire pas les mouches avec du vinaigre ». Venez avec vos programmes, nous irons ensemble « boucher les trous de la jarre » comme disait Ghezzo, roi d’Abomey pour sauver ce secteur dont la bonne marche ne peut plus être l’affaire de politique, de népotisme et surtout de décisions promotionnelles prises dans l’intimité, dans l’inaccessibilité, loin des professionnels. Et pour la première fois dans l’histoire de notre pays, nous définirons de manière concertée : une Politique touristique nationale, servie par un Office du Tourisme et ses hommes.
El Hadji Ndary GUEYE
communicant – consultant en Ingénierie touristique