(…) On ne peut pas ne pas avoir la gorge nouée, en relisant certains écrits de Mimi Touré. Pour exprimer son courroux parce qu’elle n’est pas choisie par le président Macky Sall pour le poste de présidente de l’Assemblée nationale, elle cherche aujourd’hui à faire le plus mal, en personnalisant le débat politique et surtout en adoptant la stratégie de la terre brûlée. Mimi Touré verse dans l’invective, et fait exactement ce qu’elle reproche avec hargne et véhémence à son prédécesseur lorsqu’elle accède à la fonction de Premier ministre, Abdoul Mbaye.
Le simple fait que de tous les responsables politiques sénégalais, du pouvoir comme de l’opposition, Mimi Touré ne trouve que la seule personne de Abdoul Mbaye pour lui apporter un soutien public dans cette nouvelle croisade contre Macky Sall, devrait lui faire prendre la mesure de son fourvoiement. On a beau vouloir être amnésique, on peut encore se remémorer les esclandres de la passation du témoin entre ces deux personnes. De même, qu’est-ce que Mimi Touré épargne à Abdoul Mbaye quand il sollicite la protection de l’ambassade de France (son autre Patrie) à Dakar estimant craindre pour sa vie, lorsqu’il est victime d’un cambriolage à son domicile ?
Justement, quelle est cette facilité à prêter à chaque fois au pouvoir politique, le sinistre dessein de chercher à assassiner des adversaires, sans jamais déposer une plainte, ni fournir la moindre preuve ? C’est devenu une rengaine que quiconque n’est pas d’accord avec le pouvoir politique sorte pour déclarer être dans la ligne de mire d’escadrons de la mort, alors que pas une seule fois quelqu’un n’est tué ou blessé !
Mimi fait des sorties à l’emporte-pièce, juste pour remuer le couteau dans la plaie. Elle voudrait porter le combat contre le népotisme du clan du président de la République qui justifierait le choix porté sur Amadou Mame Diop. Les juristes diront la pertinence ou l’adéquation ou la conformité d’une telle démarche avec les principes fondamentaux de la République.
Il reste qu’on peut se demander si Mimi Touré a encore toute sa tête.
Quand elle bat campagne en 2019 pour la réélection de Macky Sall, ne sait-elle pas que le président de la République a déjà nommé son propre frère, Aliou Sall, à un emploi public ?
Mieux, elle dit sur la nomination de Aliou Sall à la Caisse des dépôts et consignations, le 29 juillet 2017, au micro de la Rfm, et avec fermeté : «C’est le président de la République qui nomme aux fonctions civiles et militaires, point barre !»
Ne sait-elle pas également que Mansour Faye, frère de la Première Dame, est aux affaires depuis 2012 ? Pourtant, Aminata Touré battra campagne à Saint-Louis, en 2019, et aux élections législatives de juillet 2022 aux côtés du même Mansour Faye.
A cette dernière occasion, elle se félicite des réalisations ainsi que de la bonne gouvernance dans la ville de Saint-Louis et raille l’opposition : «Avec le pétrole et le gaz, nous ne donnerons pas nos richesses à des amateurs.» On peut sous-entendre alors que Mansour Faye n’apparaît pas comme un «amateur» aux yeux de Mimi Touré. Quid de Amadou Mame Diop que le Président Macky Sall lui préfère au Perchoir ? Mimi Touré battra campagne à ses côtés à Richard-Toll, et cela ne semble pas la déranger le moins du monde.
Il nous revient à l’esprit l’apostrophe de Michel Poniatowski à l’endroit de l’ancienne ministre Françoise Giroud : «Quand on a goûté aussi longtemps à la soupe, il est bizarre de lui trouver à la fin un goût amer.»
Par ailleurs, Mimi Touré s’épanche sur l’intention qu’elle prête au Président Macky Sall de se préparer à se déclarer candidat pour la présidentielle de 2024, et que cela justifierait qu’il n’ait pas voulu d’elle à la tête de l’Assemblée nationale.
L’argument apparaît bien spécieux, car on ne sait pas comment un président de l’Assemblée nationale pourrait empêcher un tel projet politique. Aussi, devant des personnes qui peuvent travailler l’oreille de Macky Sall en faveur de ses propres intérêts, Mimi Touré ne manifestera jamais une opposition à l’idée avancée d’une nouvelle candidature de Macky Sall. Peut-être que l’idée est prématurée ou que Mimi cache bien son jeu comme «Maisy Mouse», le célèbre personnage de Lucy Cousins.
De toute façon, elle finit par réaliser qu’elle a tout faux, car le 3 juillet 2023, à la face du monde, Macky Sall renonce à briguer un autre mandat présidentiel en 2024.
Je continue à croire que Mimi Touré vaut mieux que cette posture qu’elle s’obstine à se donner.
Mimi Touré est en train de travailler contre elle-même et est partie pour déposer un bouquet de chrysanthèmes sur sa carrière politique. Elle choisit de garder son mandat de députée et de quitter le groupe parlementaire Benno Bokk yaakaar. Une stupidité, lui avons-nous dit. (…)
Le maître de ses horloges : la preuve par Amadou Ba
(…) La bourrasque de juin 2023 passée, le Président Sall continue d’entretenir le mystère sur les intentions qui lui sont prêtées de se présenter à l’élection présidentielle de 2024. A la vérité, il me donne systématiquement des indices ou fait des réflexions qui montrent bien qu’il n’envisage pas une nouvelle candidature.
Depuis sa réélection en 2019, il agite l’éventualité qu’un groupe autour de Amadou Ba poursuive ses actions à l’horizon 2024. Quand je lui parle d’une modification des Statuts de l’Union internationale de la presse francophone (Upf) pour me permettre de rester à la tête de l’organisation faîtière de journalistes, il me fait une réflexion pleine de sous-entendus : «Le troisième mandat, ce n’est jamais une bonne chose.» Je lui réplique par la réflexion d’un ami africain : «Où a-t-on vu changer un bon père de famille ?»
A la restauration du poste de Premier ministre, son choix est déjà clair dans sa tête que ce sera Amadou Ba qui «pourra continuer au cas où je ne serais pas candidat en 2024».
Macky Sall me met dans la confidence, plusieurs mois auparavant. C’est fort de cela qu’à quelques heures de la nomination du Premier ministre, Amadou Ba est resté dans l’incertitude et semble ne pas savoir à quelle sauce il sera mangé. Je me permets de lui recommander d’avoir un costume prêt pour éventuellement aller répondre. «Si ce n’était pas toi, je crois qu’il me l’aurait dit», lui dis-je.
L’appel tant attendu tombe une demi-heure après. Il se rend au Palais par une porte dérobée et se voit notifier par le Président, sa décision de le nommer au poste de Premier ministre.
C’est ainsi que Amadou Ba se prête à un jeu de rôles devant les caméras de la Rts qui filment son entrée et son audience en tête-à-tête avec le président de la République.
Pour autant, Macky Sall reste mystérieux sur son éventuelle candidature pour 2024. Le 14 juin 2023, avant son départ pour l’Ukraine et la Russie, il confie sa décision de ne pas se porter candidat à son Premier ministre. Il me donne rendez-vous à Paris où il doit se trouver du 20 au 22 juin 2023.
Déjà le 19 juin 2023, en visite officielle à Lisbonne, au Portugal, il se lâche en public sur ses intentions, mais sa délégation se fait un point d’honneur de ne pas ébruiter la confession.
De retour de Paris, il reçoit les conclusions du dialogue politique et continue de distiller la possibilité qu’il puisse en arriver à ne pas être candidat. Dans le même temps, des élus locaux lancent une pétition pour le pousser à se déclarer candidat.
Le couple présidentiel décide d’aller passer la fête de la Tabaski à la Mecque. Une première !
De surcroît, les appuis traditionnels habituellement distribués à l’occasion de la fête font défaut. Le Premier ministre représente le chef de l’Etat à la cérémonie de la prière à la Grande Mosquée de Dakar. Je glisse à Amadou Ba : «Vous avez fini de faire une passation de pouvoirs dans notre dos.»
Quand le Président Sall finit, le 3 juillet 2023, de clarifier définitivement qu’il ne se portera pas candidat, on assiste à une flopée de candidatures à la candidature de Benno bokk yaakaar.
Le phénomène ne surprend personne
Le Président cache sa préférence pour son Premier ministre et laisse les ambitions s’exprimer. Il se veut inclusif et semble traiter tous les candidats d’une égale dignité. Il finit par jeter son dévolu sur son Premier ministre qui lui semble le plus «électable». «Il a, de tous nos gars, le plus d’atouts ou de chances pour se faire élire», pense-t-il toujours de Amadou Ba.
On verra en 2024…
Amadou Ba siège pour la première fois, le 19 novembre 2015, au Secrétariat national de l’Apr.
Le ministre de l’Economie et des finances vient d’adhérer officiellement au parti. Amadou Ba, qui milite un temps activement au Parti socialiste, met sous le boisseau son engagement de militant politique pour se consacrer à sa carrière de fonctionnaire.
C’est ainsi que le Président Wade le nomme Directeur général des Impôts et domaines en 2006. En le nommant au gouvernement, le Président Macky Sall choisit un technocrate. Mais devant la faiblesse de l’Apr à Dakar, l’idée me traverse l’esprit de suggérer au Président Sall d’encarter Amadou Ba dans son parti.
«Est-ce qu’il en voudra ?», s’interroge le président.
Je discute de la question avec Amadou Ba qui, il faut le dire, se montre un peu circonspect : «Cela risque d’être mal perçu par les partenaires étrangers que je fasse de la politique en tant que ministre des Finances», objecte-t-il. Je balaie d’un revers de main un tel argument en lui citant des exemples, aussi bien au Sénégal que dans tous les pays partenaires du Sénégal.
Nous en discutons plusieurs fois et il finit par donner son accord, disant qu’il ne saurait refuser quelque chose au Président Sall.
Le chef de l’Etat lui exprime l’intérêt de le voir renforcer l’Apr à Dakar et Amadou Ba n’hésite plus un instant.
Il devient membre de l’Apr
C’est ainsi qu’il sera très actif durant la campagne référendaire de 2016 et sera désigné tête de liste victorieuse de Benno bokk yaakaar aux Législatives 2017 et coordonnateur de la campagne électorale dans la région de Dakar à la Présidentielle de 2019…