À l’endroit de ceux qui se trouvent trop beaux quand ils se mirent de bon matin, dont la chair est manifestement faible au regard de leur petit conglomérat matrimonial et leurs appétits libidineux incontrôlables : un trompeur reflet dans le miroir n’est pas une raison suffisante pour briguer le suffrage des Sénégalais à la fonction présidentielle.
Concernant donc la consigne de vote ultime à la présidentielle de 2024, vous voulez mon avis ? Je vous le donne quand même : le monogame absolu, de préférence…
Un politicien fidèle à sa parole et à sa femme, ça ne court pas les rues. Et je dirais même plus : en croiser un est rarissime ! Quant au polygame, toutes catégories confondues, c’est mission impossible…
J’avoue, toute honte bue, que ces pessimistes considérations sur le genre humain me viennent d’un incurable traumatisme : le destin si incertain du Gabon après le bilan, pardon, la saga du, euh, regretté Omar Bongo Ondimba, un mètre cinquante-et-un sans ses talonnettes, après trente-deux ans de règne sans partage sur son p’tit émirat équatorial, ses trente-trois épouses et concubines, ses cinquante-quatre enfants…
En appétits, la taille ne compte pas !
Je me demande sans trouver de réponse depuis la renversante découverte de la smala du sublime Gabonais, comment ça trouve du temps à consacrer aux affaires de l’Etat, quand ça trône au-dessus d’un harem et d’une ribambelle. Il y faut, certes, de l’ego, de la volonté, du nerf et du jarret, mais surtout cette fantastique légèreté de l’être éminemment épicurienne.
La preuve par cent qu’il vous faut à tout prix éviter de multiplier les mariages quand le destin de votre pays est entre vos mains plutôt qu’entre vos cuisses ? Dans les royaumes autochtones que les toubabs traversent lors de leurs premiers pas en terre sénégalaise, ça épouse à tout va, ça multiplie les rejetons jusqu’à la débandade absolue, au point qu’il n’y ait plus la moindre place même pour un dernier sursaut d’orgueil sous la ceinture.
Tant de génie et une si belle énergie gaspillés à se disperser en épousailles et cochoncetés, au lieu de monter des armées de métier, construire des villes-forteresses capables de résister à l’envahisseur, déifier la science, sublimer le savoir, susciter la recherche, impulser l’initiative, créer du bien-être, pour ne pas parler d’inventer du bonheur sur ses propres terres et au-delà.
En résumé, avoir le génie, l’ambition et le temps de conquérir la planète.
Ça fait si longtemps que, nous autres Sénégalais, résistons à l’appel de l’abîme : Senghor et Colette, Diouf et Elisabeth, Wade et Viviane, Macky et Marième. C’est clair : des femmes de poigne tiennent et entretiennent le Palais jusque-là… Imaginez une seconde les incalculables propositions indécentes auxquelles un austère chef de quartier doit résister et multipliez les diaboliques tentations par l’exponentielle dimension de chef d’Etat.
On se calme.
Envisageons cependant le scénario du pire pour la prochaine présidentielle… Comme dirait un de mes téméraires anciens collaborateurs que je ne nommerai pas, chauffeur de fonction et polygame épanoui, qui en revendique, alors au sommet de sa gloire, «quatre et une de secours» : en 2024, nous portons au pouvoir un polygame assumé.
Pause pipi.
Le brave candidat en déclare quatre. Pas de doute, l’énergumène a des instincts suicidaires et semble hyperactif la nuit… A la louche, ça suppose que la «âwo», traduisez la première, est le symbole achevé de la respectabilité. Certes, une mocheté discrète et soumise, de souche tolérable, coincée mais irréprochable. Impossible de la virer : ça fait désordre et ingratitude dans l’opinion. La brave mère de famille, entre deux pèlerinages, est reçue avec déférence dans les milieux religieux, présentée comme la marraine attitrée du Premier ministre qu’elle impose à son polygame de compagnon lors de ses brefs moments de repentir, et envoie des messages subliminaux à la Primature au sujet de l’orthodoxie de la politique gouvernementale. Le chef des Armées ne peut que la saluer avec déférence. Pensez-vous : on ne défie pas la Générale du Général, lequel a plus peur de leurs nombreux enfants que de leur génitrice.
La deuxième, «niârêl» en langue indigène, à n’en pas douter, est une féministe contrariée, forte tête aux rondeurs voluptueuses, et serait plus que canaille au fond de l’alcôve. Signe distinctif : les crocs de ses ambitions rayent les parquets de ses domiciles de location avant le sacre. Elle serait plutôt celle que le cabinet du Président redoute au plus haut point. Dans ses manches, elle abrite les renseignements généraux ; à ses heures perdues, la vigilante mégère consulte les fiches d’audience de l’infidèle officiel quand elle ne surveille pas le préposé aux fonds politiques. C’est à elle que le ministre de l’Intérieur rend compte, s’il tient à durer à son poste. Le patron du département des Finances, pour sa part, n’ose pas snober ses protégés, tandis que celui du Commerce multiplie les propositions indécentes envers ses proches.
Si ça n’était que ça…
La troisième, «niètêl» chez le commun des mortels sénégalais, notre chef suprême de la magistrature et des armées en devient fou parce que c’est le havre de paix fait femme. On s’y pose, s’y repose, s’y relâche, s’y laisse aller… Ses câlins, ses bisous et ses massages font jaillir les confidences, que dis-je, vomir les confessions, valdinguer les secrets d’Etat que même sous la torture, un patriote indécrottable ne lâcherait pas. Mais voilà… Seuls les griots et les agents de renseignements généraux sont au parfum de la romance et fréquentent la trop douce et ingénue bonne femme.
Elle est la source et la base de travail parfaites pour racketter les officiels en chute d’estime au Palais. Et puis arrive la quatrième. La «nientêl» comme on dit chez nous. Son histoire ? Engrossée un soir de solitude absolue par la malédiction d’une capoté crevée, elle débarque six mois après la sordide galipette en poussant du ventre : pour priver d’un scandale facile les journaux «people», notre lubrique Casanova de pouvoir l’épouse en catimini en envoyant un oncle dépenaillé avec son kilo de noix de colas bien trop striées pour être officielles. C’est elle qui fait la fierté des cousines trop éloignées et des cousins de campagne qui peuvent tout de même se vanter d’avoir une ouverture dérobée à la Présidence.
Pour vous éviter un stress inutile, je vous épargne des tribulations de la gent des « secours », comprenez les maîtresses attitrées, logées aux frais du contribuable et qui vous font des bâtards même par éprouvette, bien après que le queutard de Président aura jeté le caleçon, en conséquence de l’affligeante démission de son muscle central.
Vous voyez bien qu’avec tout ça, durant tout un quinquennat, les affaires de la République n’ont de place que pendant les heures de crime, alors que les honnêtes gens dorment du sommeil du juste.
En ce qui me concerne, je me méfie d’instinct de quelqu’un dont le sabador est accroché quelque part chez la âwo, le diàmpoutt suspendu chez la niârêl, le tiâya plié sagement dans l’armoire de la niètêl et les marâkiss sur le seuil de la chambre de la nientêl. Quant aux projets de décrets en souffrance, pour les rassembler, il faut faire le tour des maisons, avant de débusquer l’impétrant chez sa concubine, la fameuse «secours», pour qu’il daigne les parapher.
Mais vous êtes libres de voter pour qui vous voulez