Au Sénégal, le président de la République maintient Ousmane Sonko dans les liens de la détention sur la base de charges hautement fantaisistes.Or nous savons que cette détention n’est que la énieme manifestation d’un acharnement obsessionnel sécrété par l’angoisse d’une fin de règne annoncée : la perte du pouvoir en février 2024 et la fin de l’impunité.
Pis, quand le président de la République pousse sournoisement Ousmane Sonko à la mort, il commet la plus grande faute inexcusable (2) de toute sa vie politique. Une faute que le peuple sénégalais et l’Afrique toute entière (avec sa diaspora) ne lui pardonneront jamais ou qu’il aille et quoiqu’il fasse dans le futur.
Les tribunaux populaires africains quand à eux ont déjà unanimement tranché : coupable !
En effet, pour beaucoup d’Africains Macky Sall a déjà rejoint le camp des « pestiférés », le camp de ces présidents africains jugés, condamnés et emprisonnés pour des crimes abominables commis contre leurs propres peuples. Me viennent à l’esprit Moubarak, Ben Ali, Charles Taylor, Hissen Habré.. Ou de ces « pre-pestiférés » qui se morfondent dans un exil honteux et dans la hantise d’être rattrapés par la justice des hommes. Citons entre autres Blaise Compaoré, Yaya Jammeh, Alpha Condé.
Pire, quand on se remémore Thomas Sankara, on pense toujours à son bourreau le « beau Blaise ».Toujours ! Idem pour Lumumba et Mobutu. Ou pour Ernest Ouandié et Ahidjo. Ou encore Oumar Blondin Diop et Leopold Senghor. Malheureusement, la progéniture de ces bourreaux risquera d’être indexée elle aussi.
Si Sonko (ou tout autre prisonnier politique) meurt en prison ou après libération, ce sera le seul fait à retenir de la présidence de Macky Sall. Une marque indélébile d’infamie. Et rien d’autre si ce n’est le mandat du mal. Y compris pour sa descendance qui devra vivre dans l’ignominie d’un tel héritage.
En matière de droits humains, notre pays vit présentement un désastre que j’ai rarement expérimenté tout au long de ma vie faite d’engagement et de compassion pour les victimes de l’arbitraire et de la brutalité des États.
Au Sénégal nous avons aujourd’hui :
– plus de 1 500 détenus politiques.Trois fois plus qu’en Russie ! (3). L’Afrique du sud au pic de l’apartheid détenait 5 000 prisonniers politiques avec une population 4 fois supérieure à la nôtre. Et sans aucune prétention à appartenir au club des démocraties ;
– plus de 60 exécutions extrajudiciaires de jeunes manifestants en deux ans. Tous tués par balles réelles. Toutes enregistrées auprès des Nations Unies (4). Pas une seule enquête ouverte ! Ce qui bien sûr interpelle la CPI ;
– au moins deux disparitions forcées, (de gendarmes casamancais) probablement suivies d’exécutions extrajudiciaires. Le seul pays africain en 2022. Où en est l’enquête ?
– la torture qui se réinstalle renforcé par le retour de nos anciens tortionnaires avec leurs conseils français et israéliens ;
(Voir les inquiétudes des agences de l’ONU). Je rappelle que la torture est un crime international et que les tortionnaires peuvent être jugés partout. Et ils le seront.
– l’interdiction systématique de toute manifestation,
protestation ou expression de mécontentement (contrairement au Mali et au Burkina Faso pourtant supposés avoir versé dans la dictature) ;
Et maintenant le régime en est à traquer les chants de soutien à Ousmane Sonko dans les stades du pays. Que n’a-t-on pas dit à propos des effets du ridicule ?
Après les chanteurs, vont-ils nous couper les oreilles ?
– la dissolution de parti politique (seul pays en Afrique), faisant ainsi de l’expression politique dissidente une illégalité ;
– la déportation arbitraire d’une centaine de Guinéens lors des émeutes de juin 2023, en dépit des conventions de la CEDEAO. Et l’on s’étonne que la Guinée nous en veuille au point de suspendre sa participation à l’OMVS ;
– le harcèlement et l’emprisonnement à tout va de journalistes d’activistes et même d’« influenceurs » et autres rappeurs.
Tout cela s’inscrit dans la catégorie des « attaques généralisées » contre la population prévu dans les statuts de la CPI.
Et tout aussi grave sinon plus grave, la menace « d’intervention » au Niger, crime d’agression s’il en est, sanctionné par la Cour pénale internationale en son article 8. (voir notes). Le grand danger dans les régimes aux abois, c’est le triomphe de la bêtise.
Au lieu d’éveiller les Sénégalais et la jeunesse vers des lendemains qui chantent, Macky Sall a sciemment choisi de les faire déchanter. De leur faire renoncer à leurs rêves d’un Sénégal meilleur. Renoncements qui les contraignent à emprunter les chemins de l’émigration irrégulière. Encore pire, il tente d’éliminer celui-là même qui est porteur d’un espoir de changement : Ousmane Sonko. Étouffer l’espoir d’un peuple ? Ca devrait être un crime contre l’humanité.
Oui, « il est des hommes plus injustes que le mauvais sort. Ils te condamnent sans procès et te livrent aux enfers avant que tu sois mort » (5)
Ainsi donc, tel un forcené, Macky Sall fonce droit dans le mur. Or nul ne peut convaincre un forcené d’agir contre sa vraie nature. Peine perdue.
Assurons-nous seulement et organisons-nous pour que derrière ce mur se dresseront le Tribunal Pénal International (Statuts en 6) et des tribunaux de toutes les nations tenues par le principe de la compétence universelle. En appui au Tribunal africain des peuples.
Notes
1. Un forcené est un être méchant dénué de toute capacité d’écoute
2. Faute « En politique toute faute est un crime »De Eugène Chatelain
5. Yasmina Khadra :Le sel de tous les oublis (Julliard 2020)