Le fier Peulh, et donc l’éleveur, qu’il est doit sans doute connaître l’adage qui dit que « le coup de patte que la vache donne à son veau ne signifie pas qu’elle déteste ce dernier » ! Mais surtout, en prenant la décision de renoncer à être candidat à l’élection présidentielle de février prochain au nom de l’intérêt supérieur de l’Alliance Pour la République (APR) et de la coalition Benno Bokk Yaakar dont elle est la locomotive, Abdoulaye Daouda démontre l’amour maternel qu’il porte au parti marron-beige ayant le cheval pour emblème !
Il a eu beau vouloir prendre son destin en main, il a eu beau avoir été poussé à la rupture par ses nombreux partisans qui le pressaient de franchir le Rubicon, il a eu beau avoir avalé des couleuvres, il a eu beau avoir été humilié, la dernière humiliation en date ayant été le choix de son pire ennemi, un militant de la 25ème heure pour porter les couleurs de la majorité à la présidentielle de 2024, il n’est pas parvenu à porter l’estocade à son bébé. L’Alliance Pour la République, il a en effet contribué à la faire naître et il a ressenti en même temps que le président de la République et une poignée d’apôtres comme lui les douleurs de l’accouchement de cette formation politique qui, en quatre ans d’existence seulement, a porté son chef à la magistrature suprême !
Que de sacrifices il a fallu pour qu’il en soit ainsi, quel immense désert il a fallu traverser avant de gagner les prairies abondantes du pouvoir, que de pain noir il a fallu manger avant de parvenir au banquet de la République ! De fait, le leader, Macky Sall en l’occurrence, a su se montrer reconnaissant à l’endroit d’Abdoulaye Daouda Diallo en lui confiant les fonctions les plus prestigieuses qui soient au sein du Gouvernement : ministre délégué chargé du Budget et assurant donc la tutelle des régies financières qui sont la mamelle financière de l’Etat, le stratégique ministère de l’Intérieur, le très technique et vital ministère des Transports terrestres, des Infrastructures et du Désenclavement puis le névralgique ministère de l’Economie et des Finances ! Et s’il n’a pas obtenu la Primature, qui aurait couronné en beauté cette excellente carrière ministérielle, Abdoulaye Daouda Diallo a étrenné une fonction d’une importance équivalente, celle de directeur de cabinet du président de la République avec rang de ministre d’Etat ! Or, dans un système présidentiel, le vrai pouvoir se trouve à la présidence de la République.
En tant que principal collaborateur du président de la République dont il gère l’agenda et qu’il voit plusieurs fois par jour — sans compter la haute main qu’il a sur les innombrables services rattachés à la Présidence —, le directeur de cabinet du Président a donc autant de pouvoirs, voire plus, que le Premier ministre. C’était particulièrement vrai du temps du président Abdou Diouf où les célèbres Jean Collin et Ousmane Tanor Dieng, qui ont eu à occuper cette fonction, étaient considérés comme les véritables détenteurs du pouvoir exécutif. Ayant eu l’honneur d’être élevé à une si haute « station », Abdoulaye Daouda Diallo ne pouvait donc qu’en remercier Dieu. Et rendre grâce au président Macky Sall. Qui, non content de cela, a fait de lui par la suite le président d’une institution, le Conseil économique, social et environnemental (CESE) en l’occurrence. Il s’apprêtait donc à faire jouer à cette institution son véritable rôle d’aiguillon de la politique économique du président de la République lorsque, à la surprise générale, ce dernier a décidé de ne pas briguer un troisième mandat. Coup de tonnerre dans un ciel sans nuage ! Sonné par cette décision à laquelle il ne s’attendait pas et qu’aucun signe avant-coureur n’avait annoncée, Abdoulaye Daouda Diallo a eu toutesles peines du monde à digérer cet uppercut.
Après avoir recouvré ses esprits, il s’est dit : pourquoi pas moi ? » Surtout que les « apéristes authentiques », ceux de lait, ceux qui n’avaient pas attendu la victoire de 2012 pour adhérer, le poussaient à se présenter car le considérant comme leur porte-étendard. Lui qui bénéficie de la légitimité populaire pour avoir été élu régulièrement député depuis 2012 avant de céder à chaque fois son fauteuil pour aller siéger au gouvernement, lui qui est le maire incontesté de Boké Dialloubé, dans le département de Podor dont il est le patron politique, lui qui a toujours réalisé les meilleurs scores électoraux au niveau national dans cette circonscription, lui qui n’a jamais été pris en défaut de loyauté par le président de la République, lui qui a fait ses preuves dans tous les ministères qu’il a eu à diriger, bref il réunissait tous les atouts pour prétendre succéder au président Macky Sall. Hélas, ce dernier, pour des raisons qui lui sont propres, ou sur la base d’éléments d’appréciation qu’il était le seul à posséder, lui a préféré Amadou Ba qui est son plus farouche ennemi. Et qui a eu à lui en faire voir des vertes et des pas mures lorsque lui, Abdoulaye Daouda Diallo, inspecteur des Impôts et Domaines sous ses ordres, avait eu le culot de suivre l’opposant Macky Sall dans sa rébellion contre les Wade père et fils que l’alors DGID servait avec zèle ! Considérant que c’était l’humiliation de trop, voire un coup de poignard dans le dos, le patron du CESE et membre fondateur de l’APR a voulu laver l’affront en se lançant lui aussi dans la course à la présidentielle. Il s’en était donné les moyens et avait déjà obtenu le ralliement de ténors du parti présidentiel…mais n’a finalement pas sauté le pas. On l’a dit, il y a eu d’innombrables pressions qui se sont exercées sur lui, venant notamment de chefs religieux Hal Pulaar très respectés, le président de la République lui-même l’a pris par les sentiments et reçu plusieurs fois et puis, finalement, il a flanché.
En réalité, Abdoulaye Daouda Diallo ne pouvait pas commettre un infanticide, être celui-là même qui porterait un coup fatal à ce bébé dont il a contribué à la conception. En conséquence de quoi, il a décidé de retirer sa candidature à l’élection présidentielle. Il a expliqué samedi, face à la presse, les raisons de ce rétropédalage. « L’épreuve du suffrage universel lors des récentes élections locales et législatives m’a convaincu que la division est le plus grand ennemi d’un parti politique. Nous nous devons donc d’être à la hauteur des enjeux de l’heure et soucieux de l’intérêt général. Ainsi, après plusieurs rencontres avec le président de la République, après plusieurs échanges avec mes camarades et sympathisants, j’ai décidé, au terme d’une mûre réflexion, de répondre à l’appel du Président, de privilégier l’unité et la cohésion à cinq mois du scrutin présidentiel ».
Dès lors, la messe était dite ! Comme la malheureuse maman qui, dans le célèbre jugement de Salomon, avait préféré voir l’usurpatrice partir avec son propre bébé plutôt que d’accepter qu’il soit découpé en deux comme le proposait malicieusement le Roi, Abdoulaye Daouda Diallo a choisi la survie du régime APR-Benno plutôt que son intérêt personnel au risque de contribuer à la mort du bébé qu’il a enfanté !