Le sous-estimer, c’est le méconnaitre. Sous ses airs d’homme lisse et affable, se cache une véritable figure politique.
Pas besoin d’arpenter les différentes contrées du Sénégal, Khalifa Ababacar Sall semble faire l’unanimité, il est apprécié pour son « calme », « sa politesse », « son esprit d’ouverture » et sa « capacité de dépassement » entre autres. Et pourtant, depuis que sa formation politique Taxawu Sénégal a répondu à l’appel au dialogue national, certains le traitent de « traitre ». Une qualification somme toute paradoxale, sourit un membre de son entourage qui demeure persuader « même la constance attise parfois les jalousies ». Que faire, se demande-t-il, avant de servir lui-même la réponse : « continuer et demeurer constant ».
Malgré les nombreux procès d’intentions dont il est victime, Khalifa Sall s’interdit de juger les autres et accepte volontiers, à la fois leur choix et orientations politiques. Ce qu’ils semblent, lui refuser en retour. « Il ne juge personne et se montre ouvert envers tous. Ces ombres furtives qui viennent à la nuit tombée, prendre conseil, redescendent tête baissée, pour ensuite aller l’attaquer, quelques jours plus tard, dans les médias. Ceux qui ne savent plus où donner de la tête, perdus dans les dédales de la réalité politique. Et tous ceux qu’on pourrait qualifier d’immatures, chacun a une place dans le cœur de Khalifa », confie un de ses collaborateurs.
En résumé, Khalifa Sall passe pour une sorte de mur de lamentations où on vient se confier quand tout va mal, pour ensuite se permettre de l’attaqueur, car sachant parfaitement qu’il ne vous en voudra pas. Faiblesse ? Non, confesse, son collaborateur qui parle plutôt de force. « Quelqu’un qui aspire à diriger doit savoir comprendre, tout le monde, en ayant toujours cette capacité de discernement et non de jugement », relève-t-il.
Khalifa Sall natif de Louga dans la zone nord du Sénégal a grandi à Dakar dans le quartier de Grand Yoff. Il a fréquenté l’école primaire Mor Fall. Il obtient baccalauréat, au Lycée Blaise Diagne vers la fin des années 1970. Il s’inscrit à la faculté des lettres au département d’histoire et de géographie à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar. Entre-temps, il a enseigné comme professeur d’histoire-géographie de 1981 à 1982. En 1983, il obtient une maîtrise d’histoire, puis une maîtrise en droit constitutionnel, en 1987.
Sous ses dehors lisses et affables, se cache un homme d’actions qui a toujours su aller, à la conquête de ses combats politiques. Son parcours est très éloquent à cet égard.
Khalifa Ababacar Sall a été le plus jeune représentant du peuple. Époque qui coïncide avec une présence imposante de l’opposition, dirigée en cette année 1983, par Me Abdoulaye Wade. Il conservera ce poste de député, jusqu’en 1993, année où il rejoint l’attelage gouvernemental du président Abdou Diouf. A l’époque, il fallait batailler ferme pour exister. Les acteurs politiques étaient respectés, pour leur assise intellectuelle, leur plus-value politique et leur courage sans faille. N’était certainement pas député qui le veut. Khalifa Ababacar Sall, malgré son jeune âge marquera la législature, d’une empreinte indélébile. Sa capacité à se familiariser des dossiers lui vaudra une promotion. Il sera nommé ministre chargé des Relations avec les Assemblées. En 1998, il devient ministre du Commerce du dernier gouvernement du régime socialiste.
L’an 2000, la perte du pouvoir
Khalifa Ababacar Sall semble à l’aise autant au pouvoir que dans l’opposition. Un an après, la perte du pouvoir, il est redevenu parlementaire en 2001. Il occupe le poste jusqu’en 2007, période marquée par le boycott de l’opposition, dont il faisait partie lors des élections législatives. C’est à partir de ce moment que la carrière politique de Khalifa Ababacar Sall a connu une nouvelle tournure qui le conduit à la tête de la mairie de la ville de Dakar, sous la bannière de la coalition Benno Siggil Senegaal, une coalition pilotée par Moustapha Niasse. Les changements notés dans l’échiquier politique ont été à l’origine de la création de la coalition « Takhawu Ndakaru ». Liste avec laquelle le socialiste a été réélu lors d’élections locales de 2014. Khalifa Ababacar Sall poursuit sa conquête de l’espace politique. Il rafle la quasi-totalité des communes de la capitale.
Khalifa Sall est peint sous les traits d’un charismatique politique. « Il suffit de le côtoyer, pour être charmé, par ses capacités, peu communes », relève un de ses proches. Durant son mandat, Khalifa Sall a mis en œuvre plusieurs initiatives majeures, pour améliorer la vie des Dakarois. Parmi ces réalisations notables, la modernisation des infrastructures urbaines, notamment la réhabilitation de certaines routes et places publiques, ainsi que la création d’espaces verts et de zones de loisirs pour les citoyens. Il a également mis l’accent sur l’amélioration de la gestion des déchets et la promotion de pratiques de recyclage.
Khalifa Sall est surtout crédité de programmes sociaux, visant à soutenir les populations, les plus vulnérables. Il a initié le projet de recasement des marchands ambulants. De plus, il a travaillé sur l’amélioration de l’accès à l’éducation avec le programme dénommé lait à l’école et aux services de santé, en particulier, pour les populations défavorisées.
En tant que maire, Khalifa Sall a su renforcer les liens entre la municipalité et les citoyens, en promouvant, la participation citoyenne. Il a créé des plateformes de dialogue pour permettre aux habitants de contribuer aux décisions concernant le développement de la ville.
Victime de ses résultats
Khalifa Sall a laissé une empreinte significative, sur la ville de Dakar, grâce à de nombreuses réalisations, pour améliorer les infrastructures, les conditions de vie des citoyens et la participation démocratique.
En 2018, le leader de Taxawu Sénégal est arrêté, pour détournement de fonds publics, ce qui a suscité des débats sur la nature politique de cette affaire et a augmenté son code de popularité. Le 29 septembre 2019, il bénéficie d’une grâce présidentielle. Sa carrière politique semblait totalement compromise. Mais, c’est sans doute mal connaitre, ce Socialiste de sève, aussi bien à l’aise, dans le dialogue que dans la confrontation. Fin négociateur, il a patiemment tissé sa toile, pour constituer, en quelques mois, avec l’appui de quelques leaders de l’opposition, la coalition Yewi Askan Wi, une force de frappe qui secoue tout le Sénégal. Le 23 janvier 2022, l’ancien maire de Dakar acte son retour, dans le jeu politique sénégalais, avec la victoire de la coalition Yeewi Askan Wi. Il impose une reconfiguration politique, pour la présidentielle de 2024, dont il est candidat. Qui l’eut cru ?