Qui n’a pas une fois entendu ses parents raconter avec un brin de nostalgie les prix modiques appliqués sur tout ce qu’il y avait à vendre ou acheter. Les devanciers avaient ainsi l’air de dire qu’ils rasaient presque gratis. C’était il y a longtemps. Et ce temps ne resurgira pas. Rien ne sera plus comme avant. Tout va coûter plus cher. De l’électricité au petit appartement de la cité. Du sel au vermicelle. Du bonbon à la bonbonne de gaz. Sentant l’eau dans le gaz, les socialistes à l’époque s’étaient résignés avant que leur contrat ne soit résilié par la volonté populaire. Ils ont eu à expérimenter un bien curieux concept, le moins d’Etat mieux d’Etat avant que ne survienne le cataclysme de la dévaluation du franc cfa, dernière monnaie coloniale encore en circulation dans le monde. Sans le dire et peut-être même sans pouvoir rien y faire, ce fut l’arrêt de mort de l’Etat-Providence.
Avec la disparition de l’homme providentiel, il ne faut plus compter que sur soi en se serrant la ceinture pour espérer boucler les fins de mois. Ensuite, avec plein de libéralités, les libéraux sont arrivés en grande pompe. Plus enclins à la gabegie et au grabuge qu’ils n’ont donné de vrais gages. Le tape-à-l’œil des dépenses de prestige les a aveuglés au plus grand détriment du capital humain. Ils investissent plus dans la pierre que dans l’homme. On ne peut donc pas dire qu’ils ont en quoi que ce soit le sens des priorités. Lorsque l’essentiel est sacrifié, rien n’est jamais obtenu. Comme jamais, les Sénégalais tirent le diable par la queue.
La meilleure manière, c’est de faire des économies
Les pétitions à la queue leu leu contre la vie chère sont le fait de compatriotes qui ont le mérite de l’initiative voire de l’engagement. Bien souvent, c’est aussi pour mieux péter un câble dans le cas d’espèce du courant électrique. Il faut bien s’indigner pour ce qui en est digne. Seulement, réagir à chaud n’est pas garder la tête froide. Essayons donc d’analyser les choses froidement. Quand on se pose un instant pour réfléchir, on se dit qu’il est temps de changer de paradigme. La meilleure manière de faire face à la crise, à toutes les crises d’ailleurs, c’est de s’ajuster en faisant des économies et lutter contre tous les types de gaspillage. Ne pas faire comme si rien ne se passait est d’intérioriser que tout sera plus cher, plus salé, plus onéreux. En faisant mine de ne pas comprendre que tout bascule dans le mauvais sens, on pêche par manque de lucidité et de pragmatisme.
Il ne sert à rien d’avoir une dent contre tout le monde après s’être cassé les dents à vouloir vivre au-dessus de ses moyens et dépenser l’argent qu’on n’a pas. Il faut se souvenir que dans nos sociétés de consommation, la politique de l’offre est reine et le consommateur est en général traité comme un pigeon à déplumer. Ils sont toujours les dindons de la farce à côté des oiseaux de mauvais augure qui ne font que les taxer. Aux porteurs de pétition, ne les accusons point de vouloir se défendre avec les outils et moyens à leur disposition. Devant le manque de transparence notoire de la société d’électricité, ni l’apathie ni l’indolence ne seront jamais les bienvenues. Senelec assure de manière assez satisfaisante la continuité du service depuis quelques temps. C’est un point positif. Mais elle a négligé un aspect fondamental qui est la confiance. Dans une maison de verre, elle est une poutre essentielle. Aussi en matière de gestion, faut-il mettre du cœur.
La grande question est pourquoi le courant est si cher
Dans un contexte de chute vertigineuse du pouvoir d’achat, la suppression du moratoire a ravagé l’image de l’entreprise. La clientèle, surtout la plus vulnérable, en dit rarement du bien insinuant qu’elle est pauvre de sentiment. Au sujet de la subvention, son maintien en l’état signifierait que même les plus aisés sont subventionnés. Ce qui n’a aucun sens. Au bout du bout, la grande question est pourquoi le courant est si cher au point d’électrocuter la compétitivité du pays. De même, pourquoi le mix énergétique n’a pas pesé sur la balance en terme de baisse de prix. Chez nous, l’électricité a pourtant un régulateur contrairement aux réseaux sociaux dont les porteurs de pétition sont si friands. Une autre bonne question pour conclure. Que font les associations de consommateurs dans ce qui est dépeint comme un système de racket. Il n’a échappé à personne que les mêmes visages sont en présence depuis des temps immémoriaux. Et à force de durer, on prend les pires habitudes. Qu’en restera-t-il face à la dure réalité. Le consommateur doit se battre et se préparer à faire face à la morosité ambiante et à l’avalanche du coût de la vie. Face aux vents contraires, il devra avoir la capacité d’adaptation du roseau penchant qui toujours rompt mais jamais ne plie. Les temps sont difficiles. Le gâteau se rapetisse et les convives autour de la table sont plus nombreux. Et quand les temps sont durs comme disait l’autre, les gros maigrissent et les maigres meurent.