Mansa Kimintang Kamara, esprits perchés sur les mégalithes assesseurs du passé de Koumpentoum, les enfants du Niani disent encore «Non». Ndougoussine, les «homards rouges» et autres compatriotes de Pinet Laprade ne laisseront comme empreintes sur cette terre du Kaabu que leur fuite…devant les troupes des Mansas, des «Maad a Sinig» et du charismatique Djignabo Badji Bassène, l’éléphant de Seulegui. Linguère Ndaté Yalla Mbodj repose en paix car ton combat ne sera vain. La célèbre exclamation du 18 mai 1859 de Faidherbe au commandant de Gorée, Émile Pinet-Laprade, reste d’actualité : «Ces gens-là, on les tue, mais on ne les déshonore pas». Boumi Sanou Moon Faye, rassure-toi, ton exploit du 13 mai 1859 à Djilass sera pérenne, à défaut d’être écrit dans les manuels d’histoire, il sera éternellement chanté par des générations futures. Aussi vrai qu’aucune ligne de notre histoire ne sera effacée, aussi vrai nous dessinerons adéquatement, dignement et admirablement notre futur. Voilà plus de soixante longues années que nous expérimentons la direction de notre nation en toute souveraineté, alors pourquoi vouloir encore supporter volontairement les stigmates de la servitude gravés sur nos rues et autres places prestigieuses ? Que devons-nous à l’usurpateur-envahisseur qu’il se nomme Faidherbe, Tolbiac, Albert Sarraut ou Berthe Maubert, Ponty, Roume, Blanchot, Félix Faure, Peytavin ou Jules Ferry…? Que devons-nous encore au général expert en échec et mat, soi-disant donneur d’indépendance et brillant metteur en scène du cynique et psychopathe système françafrique ?
La nouvelle génération, absolu natif de l’après mille neuf cent soixante, n’est plus ce nègre d’outremer redevable à ses ancêtres gaulois. Elle n’est plus disposée à mémoriser en cours de géographie le débit des cours d’eau d’Europe en hiver. Elle ne s’intéresse plus à la couleur des robes de Marie Thérèse d’Autriche, de connaître le modèle des meubles de Louis XVI. La nouvelle génération ne danse plus la valse. Elle s’est détachée des ornières de l’indigénat et n’aspire plus à ressembler au civilisateur juste pour son plaisir. Nostalgiques, aliénés et masochistes : sachez que le vent de la liberté a soufflé dans les veines de la nouvelle génération. Du sang neuf prêt à faire face et à en découdre avec tous les roitelets et leurs laquais visibles ou embusqués qui voudraient perpétuer la domination et la manipulation.
Jeune génération, actrice décisive de son propre destin, restituer à nos villes et villages leurs appellations d’antan, rebaptiser nos rues et nos écoles devient une dette dont le créancier, notre conscience, est las d’attendre. Nous avons fait tomber les emblèmes du colonisateur, achevons le travail en substituant les plaques de nos rues et places publiques qui symbolisent encore la domination. Nous ne pouvons plus garder comme parrain des rues et des villes, d’ignobles et ingrats conquérants, rois fous et esclavagistes qui caressaient le rêve de la supériorité d’un peuple sur un autre. Ces noms qui rappellent douloureusement notre servitude, notre défaite, celle de nos ancêtres malgré leur bravoure dévouée. Comment pouvons-nous encore supporter de perpétuer des noms d’hôtes irrespectueux et hautains. Malgré l’accueil chaleureux reçu, ils n’ont pas hésité à imposer le travail forcé, à rebaptiser nos villes et villages à leurs noms, à rebaptiser nos symboles, pour finir par rabaisser et travestir nos croyances, juste au nom du déni et de la paresse d’articulation.
Enfants de Makatamba et de Gana Sira Bana Biaye, de Koli Tenguella Jaaje Ba et de Alboury Ndiaye Seynabou ; sœurs et frères d’un destin commun, nos rues gorgées d’histoire et de culture longtemps étouffées après avoir retrouvé leur dignité, seront régulièrement aseptisées, elles retrouveront le lustre qu’elles n’auraient jamais dû perdre. Plus jamais de postures d’incivilité d’hommes, de femmes et d’enfants agenouillés pour les souiller. Elles arboreront et honoreront les illustres, prestigieux et bénis grands mansas, maad, Djaraf, Saltigué, linguère, serigne, prêtresses, prêtres, gardiens des fétiches, résistants, chercheurs, illustres intellectuels, savants, artistes, sportifs, combattants pour la liberté et l’indépendance, héros oubliés et inconnus. Elles porteront le symbole des jours glorieux tels que : le 23 juin, les longues journées de mai 68 etc.
Embellies, fleuries, débarrassées des épaves et de toutes les autres vermines, elles glorifieront leurs illustres parrains dont les exploits et la bravoure continueront de stimuler à jamais les générations actuelles et à venir de notre pays et de l’Afrique toute entière. Plus jamais les conducteurs anarchiques qui ne font confiance qu’à leurs maigres corrupteurs armés de billets de banque au point de devenir intouchables. Bien loin des ravages de l’incivisme, des courtiers tropicaux, des ambulants perdus par l’exode rural, des exploitants locaux d’enfants errant en haillons. Loin des auteurs de petits larcins, des brigands en puissance, des marginaux et exclus du système scolaire. Les établissements scolaires aussi porteront des noms inspirants et stimulants dont s’inspireront les apprenants afin de donner de leur mieux par leur comportement citoyen et leur aptitude à la persévérance dans toutes les circonstances de la vie.
Messieurs les maires, chers membres des respectables conseils municipaux, ouvrez des conclaves, invitez des notables, des historiens et sociologues, des enseignants, des jeunes et des femmes. Mettons-nous à l’œuvre débarrassons nous de ces symboles du colonialisme qui freinent tout élan de véritable liberté. Sans précipitation, ni faiblesse, afin d’éviter les impairs des années 80. Dans la foulée, nous avions cédé aux fantasmes de dignitaires euphoriques. Ainsi, voulant nous débarrasser du costume du colonisateur, nous avons revêtu le boubou du féodal obscurantiste. Du haut du ciel, jaillit la vérité de la terre, de la sagesse et de la science constructive. Terre qui a vu naître des enfants dignes et persévérants. Des héros ont peuplé Kama et continuent de sillonner le vieux continent, au nom d’une liberté totalement assumée. Une liberté sur fond de savoir, de savoir-faire, de savoir-vivre et de savoir être. Demain, un autre horizon est possible. Un pas de plus vers une vraie décolonisation.
Marcel MONTEIL
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