C’est avec une grande gêne que j’ai vu au journal télévisé de l’Ortm, la chaîne nationale malienne, Dialo Diop, figure politique sénégalaise, chanter les louanges du Colonel Assimi Goïta, auteur de deux putschs, en 2020 et en 2021. Dialo Diop est un intellectuel et un homme courtois. Il a été une figure du Rnd de Cheikh Anta Diop avant de partir avec une frange du parti, à la suite d’une âpre querelle de ligne et de leadership avec le camp de son vieux compagnon Madior Diouf.
L’histoire peut être facétieuse car elle fait remonter à la surface certains souvenirs. En 2008, Dialo Diop reprochait à Madior Diouf une «allégeance ouverte au chef d’un autre parti», en l’occurrence Moustapha Niasse. Depuis 2017, Dialo Diop et ses amis se sont mis à la disposition d’un autre chef de parti, validant tous ses choix trempés dans l’encre de l’intégrisme et du populisme. Dans son soutien sans réserve, Dialo Diop n’a jamais dénoncé la violence, les postures extrêmes et les déclarations scandaleuses de son allié. Au contraire, il est allé plus loin que Madior Diouf, il a dissous sa faction du Rnd dans le Pastef, parti désormais lui-même dissous.
Aussi, Dialo Diop comme Madièye Mbodj et leurs amis, ont une responsabilité dans l’état actuel de la gauche et dans la polarisation qui conduit les Sénégalais à se faire face dans un affrontement mortifère. L’ont-ils fait au nom de la lutte pour des places, d’une ambition malsaine de revanche ou d’un cynisme militant qui met en avant le principe d’une fin qui justifie les moyens, même les plus immoraux ? Eux seuls peuvent répondre, mais ce qui est en revanche visible, c’est qu’ils sont dans une logique jusqu’au-boutiste au mépris des valeurs qu’ils disaient jadis défendre.
La démocratie comme principe de gouvernance pour la gauche est un absolu, car elle garantit l’exercice des libertés des citoyens et les préserve contre les tentations autoritaires de ceux qui exercent le pouvoir. Et c’est là où ma discorde avec Dialo Diop est la plus profonde, sur une conception de la démocratie qui manifestement nous oppose. Il représente une tradition de gauche totalitaire dont on peut voir quasiment partout les courants actifs qui séduisent dans certaines sphères de la société, notamment chez la jeunesse et dans certains corps professionnels. Cette gauche, au nom d’un idéal et d’une histoire, est hémiplégique et accepte l’autoritarisme de certains régimes, les violations manifestes des libertés et des droits et les alliances avec des courants intégristes, si les mots-clés «anti-impérialiste» ou «anti-capitaliste» sont prononcés.
Des figures de la gauche sénégalaise ont été à Bamako en février 2022 pour soutenir les putschistes. Guy Marius Sagna, Mamadou Diop Decroix et Pierre Sané ont été reçus par Choguel Maïga, Premier ministre de la junte, à qui ils ont manifesté leur soutien !
A l’issue de son audience avec Assimi Goïta, Dialo Diop, au micro de l’Ortm, fait une déclaration dans laquelle on peut entendre les vieilles marottes antifrançaises. Il souligne que la reprise de Kidal est une «raclée» contre la France. Un propos problématique pour un intellectuel de son rang car il est de nature conspirationniste. L’Armée malienne a repris la ville des mains de groupes armés maliens. Ensuite cette armée a combattu aux côtés d’un groupe privé de mercenaires russes payés sur les deniers publics des pays qui les emploient. En outre, cette milice a commis de graves exactions contre des civils en Afrique centrale. Des troupes européennes qui opèrent militairement sur le sol africain, semble être un angle mort du discours du très souverainiste Dialo Diop. Imaginons un instant si Wagner était une milice française…
La gauche se doit d’être un rempart contre les absolutismes, les obscurantismes et les intégrismes. Hélas, une partie de la gauche sénégalaise soutient les juntes au Mali, au Burkina et au Niger où, pour rappel, un Président et sa famille sont pris en otage depuis des mois. Voir en même temps cette gauche envahir la rue et la presse pour défendre la démocratie et la transparence des élections au Sénégal, c’est soit risible soit gênant. Voire les deux.