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Le «pre Carre»franÇais A L’epreuve Du Souverainisme En Afrique

Plus d’un ½ siècle après les indépendances réclamées à cor et à cri par les élites africaines et octroyées par l’ancien colonisateur à l’aube des années 60, l’heure est à la quête d’une vraie souveraineté partout en Afrique. Comme pour dire que les indépendances supra, purement formelles, n’avaient rien changé au modèle d’exploitation coloniale mis en place à la fin du 19ème siècle.

C’est un euphémisme de dire que la France connait, depuis les évènements du Mali, de fortes turbulences dans son « jardin » africain. Cela avait déjà commencé avec la République Centrafricaine puis s’est étendu Mali, au Burkina Faso, au Niger, au Togo dont on dit qu’il se rapproche du trio des pays partageant la zone dite des trois frontières. La France a pu récupérer le Gabon par la grâce d’un coup d’Etat de « salon » des mains d’un Ali Bongo qui avait commencé à montrer des signes de dissidence avec son adhésion au Commonwealth britannique. Elle a aussi gardé in extremis le Tchad où un Idriss DEBY ITNO, recevant Marine Le Pen, avait clairement affiché sa récusation du Fcfa comme monnaie pouvant favoriser le développement économique.

D’ailleurs dans une interview accordée au Figaro publiée le 22 mars 2017, la présidente du groupe parlementaire Rassemblement national à l’Assemblée nationale française répondait ainsi à la question suivante :

« Q : Comment le président Déby perçoit-il votre vision?

Marine Le Pen : « Concernant la souveraineté, nous parlons le même langage. Y compris sur la monnaie car j’estime que le franc CFA est un inconvénient économique pour les pays d’Afrique. On ne peut pas être souverain à moitié ».

S’ajoute à la situation décrite ci-dessus le fait que d’autres pays « non militarisés » sont source de préoccupation pour la France du fait du discours souverainiste qu’y tiennent des leaders d’opposition très populaires rejetant la forme de la coopération avec l’ancien colonisateur de même que le franc CFA. C’est le cas du Sénégal avec Ousmane Sonko et du Tchad avec Succès Mara entre autres

Les raisons de ces turbulences sont claires. Les pays anciennement sous domination coloniale française sont enfermés dans un modèle économique qui ne leur assure pas le progrès économique susceptible de couvrir les besoins essentiels d’une population en croissance exponentielle

Ces pays ont d’énormes ressources de leur sol et de leur sous-sol qu’elles n’ont pas les moyens de transformer pour recueillir l’essentiel de la valeur ajoutée et encore moins créer des emplois. Ils doivent donc se contenter de la rente que procure l’exportation brute de ces ressources. Une rente qui fluctue selon les oscillations des cours boursiers de Londres, New York ou Amsterdam.

Malgré les développements de la mondialisation, les rapports entre la France et l’Afrique — et même entre l’Europe et l’Afrique — sont restés identiques.

La France a adhéré à l’Europe et à la zone euro, subit la concurrence des pays asiatiques où ses propres capitaines d’industries ont délocalisé leurs activités. Ce alors que le compagnonnage historique aurait voulu qu’ils se tournent vers l’Afrique. Le commerce entre l’Europe et notre continent est ainsi resté marginal.

L’essentiel des exportations du Sénégal se fait avec le Mali, ce qui pose d’ailleurs la question de leur pérennité avec la nouvelle configuration créée par l’Alliance des Etats du Sahel (AES) unissant le Mali, le Burkina et le Niger et dont on dit qu’elle va aboutir à la création d’une nouvelle monnaie (le Sahel) en remplacement du Fcfa.

Que la main de l’« ours russe », avec son bras armé « Wagner », ait participé à cette grande secousse fait peu de doute, si l’on s’en tient aux accords de défenses liant la Russie à ces pays en proie au terrorisme.

Dans ce nouveau contexte, la France est aujourd’hui en face de ses propres erreurs. Elles sont multiples et tiennent essentiellement au non renouvellement d’une politique datant de l’époque du général De Gaulle entraînant une certaine rigidité d’approche face aux défis africains, en particulier sur l’indispensable nécessité de l’industrialisation et de la création d’emplois pour l’Afrique.

La France doit changer de logiciel dans ses rapports avec l’Afrique !

La persistance à conserver le même logiciel d’exploitation que celui mis en place dès le début de la colonisation a sapé progressivement les bases d’une collaboration pérenne qu’autorisait le partage de la langue, des programmes scolaires et universitaires, et une histoire politique impliquant nos dirigeants historiques (Senghor, Lamine Guèye, Blaise Diagne etc..) dans la vie politique française.

Les acteurs politiques français comme d’ailleurs les spécialistes des relations franco-africaines comme le journaliste et écrivain Antoine Glaser ont leurs explications quant à cet éloignement de la France du continent africain. Ou vice versa.

Glaser explique : « Paris a manqué de vision stratégique et a échoué à s’adapter aux évolutions du continent. La politique africaine française manque d’une vision claire et d’une doctrine adaptée à un environnement géopolitique en constante évolution. N’ayant pas su anticiper l’émergence de nouvelles puissances concurrentes en Afrique telles que la Chine, la Turquie et la Russie, ces pays ont réussi à consolider leur présence sur le continent, remettant en question la position dominante de la France ».

Contrairement à ce que semble dire Antoine Glaser, Il ne s’agit point d’un « dépit amoureux » mais, plutôt, d’une impasse à laquelle a abouti la politique française.

La France, dont la politique de coopération économique était basée sur le « rattrapage » à la Rostow, aura échoué à sortir ses ex-colonies de leur état d’arriération économique.

Durant les décennies perdues à compter des indépendances, elle aura spécialisé ses ex-colonies dans l’exploitation des ressources minières, favorisé ses propres entreprises dans l’octroi des marchés publics, cantonné ses banques dans l’octroi parcimonieux de crédits en faveur des PME/PMI, capté l’essentiel des marchés relatifs aux services publics et aux BTP etc.

Les financements des infrastructures ont été laissés à la charge des institutions financières internationales, lesquelles ont privilégié le BTP au détriment de l’agriculture et de l’industrie.

Sur les 240 000 hectares de terres agricoles irrigables depuis la mise en service du barrage de Diama, laquelle est intervenue depuis près de 40 ans, l’agriculture est restée dans le même état que durant la colonisation, et même avant, c’est-à-dire dépendante de trois mois de pluies dans l’année.

La création d’un marché régional couvrant l’espace des ex-colonies aurait pu générer les complémentarités économiques dont nous déplorions le faible niveau d— car s’établissant à 15% seulement — dans la zone CEDEAO.

Le comble est qu’aujourd’hui, l’essentiel du commerce des pays membres de cet espace se fait avec l’Europe (60%), faute de disponibilité de produits alimentaires ou industriels fabriqués localement.

Pour cela il aurait fallu au préalable mettre en place des infrastructures de désenclavement routier et ferroviaire, harmoniser l’espace monétaire de sorte à moduler une politique monétaire en fonction des spécificités locales respectives dans la perspective d’une compétitivité d’ensemble

Le Nigéria importe des chaudières, des machines et appareils, des produits minéraux, des carburants, des matériels de transports qui constituent 60% des importations globales, des produits alimentaires et de l’engrais.

Ces produits proviennent de la Chine, de l’Inde, des Pays-Bas de l’Allemagne, du Brésil, de la Russie, de la Corée du Sud, du Royaume-Uni et de l’Italie. Pour réorienter le commerce dans un sens intra régional, il faudrait que les entreprises sous-régionales considèrent le marché comme accessible et qu’elles soient accompagnées par les Etats et les institutions financières de développement.

Avec le maintien de la parité fixe avec l’euro, monnaie conçue dès le départ comme devant être une devise forte destinée à « intermédier » les échanges intra européens, l’ouverture des marchés africains prônée par le tandem FMI/Banque mondiale a ouvert la porte aux marchandises asiatiques, acculant les PME locales (françaises y compris comme dans la bonneterie par exemple) à la faillite

Une stratégie de co-développement de la France avec l’Afrique aurait dû se traduire par une politique volontariste de délocalisation industrielle, accompagnée d’un développement de l’éducation, de la formation et d’un transfert réel et conséquent de technologies.

Or les multinationales françaises ont choisi l’Asie comme destination de leurs investissements, du fait d’une meilleure compétitivité de ces pays. Ce faisant, elles ont, de leur propre chef, défini ce qui devait être la politique de la France en matière d’investissements stratégiques.

D’ailleurs, quand on parle de désindustrialisation de la France, notre conviction est qu’elle résulte d’un « laisser-faire » propre au libéralisme qui fait de l’entreprise et du marché, les décideurs en matière économique.

L’Amérique a eu une stratégie différente par rapport aux pays qu’elle a eu à dominer. En 1972, le Vietnam était engagé dans une guerre contre l’Amérique, ce qui n’a pas empêché qu’aujourd’hui, grâce aux Investissements directs américains et aux transferts de technologies, il dispose d’une base industrielle solide. Ce n’est pas la France qui serait capable d’un tel dépassement dont a fait montre la grande Amérique !

En dépit de toutes les critiques et propositions formulées, les autorités françaises campent sur leur position de maintenir une parité fixe du CFA vis-à-vis de l’euro.

La position de la France dans le débat actuel sur la transition climatique, est un autre sujet d’inquiétude. Au Sénégal les découvertes de gaz et de pétrole avaient suscité de l’espoir, et l’exploitation de ces hydrocarbures était attendue en 2023.

Sortie des énergies fossiles : le nouveau coup de poignard de Paris dans le dos du continent

Les nombreux différés de date et l’insistance des alertes sur le climat et la nécessité d’une transition énergétique viennent à nouveau doucher les espoirs des Sénégalais

La France a choisi de défendre la « sortie des énergies fossiles » dans le droit fil du nouveau pacte financier de Paris, conçu comme « un dispositif de protection de la planète ».

La priorité pour Emmanuel Macron est de sortir les pays riches des énergies fossiles. Il plaide pour la fin du charbon d’ici 2030, du pétrole d’ici 2045 et du gaz d’ici 2050, tout en demandant aux pays émergents de faire à leur tour des efforts. « En effet, s’il y avait une priorité absolue, c’est que les émergents sortent du charbon. On doit permettre aux émergents le rattrapage économique, c’est un élément de justice, mais ce rattrapage ne doit se faire sur la base d’énergies carbonées », a affirmé le président français.

Car le charbon est à ce jour la source d’énergie la plus émettrice de CO2. « Les pays du G7 doivent montrer l’exemple et s’engager à mettre fin au charbon chez eux avant les autres, c’est-à-dire avant 2023», poursuit-il

En nommant le Président Macky Sall Envoyé Spécial du Pacte de Paris pour les Peuples et la Planète, il met en avant l’Afrique pour défendre une problématique qui ne cadre pas forcément avec les intérêts de notre continent en matière d’énergies.

Macky Sall, préposé à la défense de la planète dans le cadre du nouveau pacte financier de Paris, aura fort à faire pour évoluer dans un cadre qui ressemble plus à un poker menteur et où les principaux acteurs misent toujours sur le pétrole et le gaz. Des énergies fossiles s’il en est !

D’où la nécessité pour les Africains de dénoncer avec la dernière énergie l’hypocrisie qui prévaut en la matière, carles principaux pays pollueurs de la planète ne subissent aucune contrainte en matière de transition énergétique.

D’ailleurs, à la COP28, qui se poursuit actuellement à Dubaï, le ministre saoudien de l’Énergie s’est dit «absolument» opposé à un accord portant sur la sortie des énergies fossiles. La Chine, la Russie, le Brésil et les pays producteurs du Golfe seraient également opposés à toute mention dans le texte final d’une éventuelle sortie de ces énergies.

La position du Sénégal, quant à elle, n’est pas clairement tranchée.

Après l’Afrique du Sud et l’Indonésie fortement dépendants du charbon, et le Vietnam, le Sénégal vient de signer un nouveau partenariat de transition énergétique pour « l’aider à se débarrasser du fioul lourd ». L’objectif qui lui est assigné est de 40 % d’énergies renouvelables dans son mix d’ici à 2030. En contrepartie, ses partenaires que sont l’Allemagne, la France, l’Union européenne, le Royaume-Uni et le Canada ainsi que les banques multilatérales de développement s’engagent à mobiliser dès 2023 2,5 milliards d’euros de financements nouveaux et additionnels pour l’aider à décarboner son énergie

Ainsi, ne devrait-on pas craindre que le Sénégal en arrive à surseoir à moyen terme à l’exploitation de son pétrole et de son gaz, d’autant que les bailleurs multilatéraux comme le FMI, la BAD, la BEI, s’engagent dans la voie de tripler les financements en faveur de l’action climatique (d’ici 2025 pour la BEI), ce qui bien entendu crée un effet d’éviction pour les crédits liés aux énergies fossiles ?

Ce nouvel engagement du Sénégal aurait-il un rapport avec la récente décision de BP de se retirer du gisement de gaz naturel de Yakaar-Teranga après de lourds investissements et à quelques mois seulement des premières productions ?

Dans un futur proche, nous serons édifiés sur les effets consécutifs à ce réajustement. Pour être complet dans l’information, après avoir signé le nouveau partenariat de transition énergétique, le Président Macky Sall n’en a pas moins déclaré : « Le Sénégal reste préoccupé par les mesures unilatérales visant à interdire le financement à l’étranger de sources d’énergies fossiles y compris le gaz pendant que les principaux pollueurs continuent de faire usage de sources d’énergies plus polluantes comme le charbon ».

Dans tout ce méli-mélo, serions-nous les dindons de la farce ? Notre réaction somme toute timorée serait-elle due à notre situation de faiblesse financière amenuisant notre pouvoir de négociation ?

Encore une fois, et sous la pression de la France, le Sénégal est parti pour se priver d’une exploitation optimale de ses ressources énergétiques fossiles dont le bouclage du financement a été onéreux.

Dans cette nouvelle phase de transition énergétique nous privant à terme de ressources qui ont fait la fortune des pays du Golfe et assuré le bonheur de leurs populations, voilà que l’on nous promet encore de développer le « renouvelable », sans engagement autre que celui de banquiers et de pays qui, eux-mêmes, restent encore dépendants du gaz et du pétrole pour le bon fonctionnement de leurs économies !

Les dirigeants africains doivent penser aux générations futures auxquelles il faudra léguer des pays industrialisés créant des emplois.

Pour garder ce qui reste encore de ses relations avec l’Afrique, la France devrait urgemment changer de logiciel en privilégiant le partenariat avec les peuples avec en perspective la bombe démographique africaine de 2050.

La variable non intégrée par les décideurs et spécialistes dans l’analyse de l’évolution de l’Afrique, aura été l’évolution rapide de la démographie et la prépondérance de la jeunesse dans la structure de la population. Autrement dit, le jeune âge de la population.

Les développements supra n’ont nullement vocation à dédouaner des chefs d’Etat à la vision limitée, jaloux de leurs prérogatives et de leurs pouvoirs et prompts à dire oui même lorsqu’on attend d’eux qu’ils disent non.

Assurément, et dans l’intérêt de tous, il faut absolument se convaincre que l’époque actuelle n’est plus à soutenir ce type de dirigeants qui mènent tout droit le monde et leurs peuples à la catastrophe.







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