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RÉponse, Rappels Et Questions À Hamidou Anne

J’ai lu avec intérêt, et je l’avoue un certain amusement, un article de M. Hamidou Anne, chroniqueur à la plume facile, agréable à lire et dont ma foi, les idées sont généralement bien ordonnées et les convictions clairement assumées.

Cela dit, sa dernière livraison, parue dans le journal dénommé «le Quotidien» et intitulée “La Gauche la plus bête du monde, appelle de ma part quelques observations.

Parce qu’Hamidou Anne s’adresse en fait, et nommément, à un homme que je connais bien, le Docteur Dialo Blondin Diop. Un homme dont je sais les énormes sacrifices que lui et toute sa famille ont consentis, au prix de la vie de leur frère ainé Omar Blondin Diop, mort en détention politique le 11 mai 1973 à la prison de l’ile de Gorée, dans des conditions non encore élucidées. Sans parler du décès de son autre frère Pape Ndiaye Blondin Diop, des suites, on peut le croire, des conditions carcérales dramatiques subies aux côtés de son frère Omar. Il en parle, d’ailleurs douloureusement, dans  un documentaire que le grand public gagnerait à visionner.

Est-il besoin de rappeler que la famille Blondin Diop, leurs amis et tous les patriotes sincères, restent en attente de la réouverture de ce dossier suite à des éléments nouveaux portés à la connaissance des autorités ?

Sans parler des emprisonnements dont Dialo, ses frères et leurs camarades ont fait les frais plusieurs fois, sur le chemin ardu des conquêtes démocratiques acquises dans notre pays. Il faut quand-même se souvenir, qu’au fil du temps et de la ronde des générations, des hommes et des femmes ont payé un lourd tribut à la construction du Sénégal de 2023 où l’accès à la parole est devenu bien plus facile que du temps du Parti unique … Du temps où, ce que Monsieur Anne appelle «la gauche », était confinée dans la clandestinité. Si … si !

Au titre des rappels concernant le Docteur Dialo Diop, il faut se souvenir qu’il a purgé plusieurs années de peine de prison pour les accusations “d’atteinte à la sûreté de l’Etat.” Au motif que lui et certains de ses camarades, avaient voulu lancer des «cocktails Molotov»  sur le véhicule du Président de la République Française d’alors, Georges Pompidou en visite officielle au Sénégal… C’était en 1974 ( !) Souvenirs, souvenirs… Il faut aussi rappeler que c’est après avoir purgé plusieurs années de prison qu’il a repris et terminé ses études de médecine, interrompues violemment par son incarcération. Le traiter de manière si cavalière au détour d’une tentative de règlement de comptes politiciens avec la dynamique de Pastef est, pour le moins, irrespectueux pour sa trajectoire qui force le … respect !

Cela dit, pour mettre en contexte sa critique du Docteur Dialo Dop Blondin, les souvenirs de Hamidou Anne remontent à … 2008 au moment où, écrit-il, celui-ci “reprochait à Madior Diouf une allégeance au chef d’un autre parti en l’occurrence Moustapha Niasse”. En fait ce “souvenir” sert à légitimer l’affirmation de Monsieur Anne selon laquelle “depuis 2017, Dialo Diop et ses amis se sont mis à la disposition d’un autre chef de parti, validant tous ses choix trempés dans l’encre de l’intégrisme et du populisme”. Passons sur les qualifications “intégrisme et populisme” souvent collés au Parti Pastef-les-patriotes par un narratif courant dans les dîners mondains où l’on jase ! Entre la poire et le fromage … Ces concepts, à usage exclusif de … terrorisme intellectuel et moral (!) sont commodes pour justifier l’injustifiable. Ils servent, sous d’autres tropiques, à restreindre des libertés et à réprimer dans le sang avec bonne conscience.  Mais c’est là un autre débat !

Revenons à nos rappels !

Arrêtons-nous un peu sur la consistance, pour nos pays africains, pauvres et dit-on très endettés, de la réminiscence dans les éléments de langage de notre action politique de concepts comme «la gauche » ou la «droite ». Ce détour, juste pour prendre la pleine mesure de la “bêtise” annoncée dans le titre de Hamidou Anne et dont il va falloir sonder les profondeurs pour en sortir enfin ! Se réclamer de “Gauche” dans des pays où personne, quasiment, ne se réclame de la “Droite” est, pour le moins, un abus de langage, caractéristique de la paresse intellectuelle de nos élites… francisées. Il est temps de crever l’abcès.

La droite et la gauche sont des concepts strictement, et exclusivement, rattachés à l’Histoire de France lorsqu’en 1789 un “coup d’état … constitutionnel” (déjà ?) a dépossédé le Roi Louis XVI des attributs de la royauté au profit d’une Assemblée constituante, embryon de ce qui deviendra l’Assemblée Nationale Française. Pour faciliter la visibilité des forces politiques en présence, ceux qui partageaient les mêmes valeurs s’asseyaient à la droite ou à la gauche du président de l’Assemblée nationale… Cet arrangement spatial finira par codifier, en France, une nomenclature du rapport entre les forces dites de progrès, à gauche, et les forces dites conservatrices, à droite. En quoi cette nomenclature concerne-t-elle encore des pays réputés indépendants et sensés écrire leur propre Histoire ? Cette digression, interroge le titre de Hamidou Anne et le tréfonds idéologique de la pensée qui le sous-tend. On en reparlera. Je l’espère !

Ayant dit cela, que reste-t-il de la diatribe de Monsieur Anne contre toutes les formes de gauche qu’il énumère «Totalitaire, liberticide, hémiplégique … »? Que de gros mots pour apeurer,  stigmatiser et pour ne rien dire quant au fond ! Le mal de la gauche n’est pas dans ces jugements à l’emporte-pièce qui passent par pertes et profits le bilan devenu incontournable des trahisons à … gauche !

Quelques questions :

Dans notre pays que reste-t-il de la «gauche» héritière du Parti Africain pour l’Indépendance (PAI) ? Que sont devenus les fondateurs des courants … révolutionnaires de notre pays ? Que reste-t-il des combats pour la Révolution Nationale Démocratique et Populaire ? Que reste-t-il de nos rêves et aspirations à l’avènement d’un socialisme, première étape vers une société sans classes, égalitaire, démocratique  tendant vers le communisme ? Ces questions sont au cœur de la nécessaire revue des troupes à «gauche»…

 En attendant, force est de constater, pour le regretter, que le cœur ne bat plus à «gauche» en matière de prise en charge des revendications populaires dans plusieurs pays du monde. En Europe, notamment, l’extrême droite recrute au sein du … prolétariat ses soutiens les plus déterminés. Les forces les plus rétrogrades prospèrent au sein du prolétariat et mobilisent, au cœur des couches populaires, les ennemis de l’immigration et les racistes les plus virulents.

La «gauche» a pourtant accédé au pouvoir en France en 1981, quel est son bilan africain ?

Le temps de réfléchir sérieusement à des paradigmes refondateurs de l’engagement politique et citoyen dans notre pays doit revenir au cœur du débat public. Non pas sous la forme de fatwas, relativement simplistes, mais au prix d’une remise à plat des courants de pensées prétendument universels mais qui charrient des éléments de mépris culturel dont il va falloir se débarrasser.

Au fond, la sortie de Hamidou Anne sur un patriote remarquable de constance dans son engagement,  le Docteur Dialo Diop Blondin,  souligne l’impérieuse nécessité d’un débat de fond sur le véritable sens de notre histoire. Quelles sont aujourd’hui les forces politiques de progrès qui sont dans le bon sens pour reconquérir notre indépendance largement hypothéquée ? Quels sont les aspirations de la jeunesse sénégalaise et quelles forces sociales les prennent-elles en charge ? Sur les enjeux cruciaux du monde, quelles sont les voix qui portent les intérêts supérieurs du Continent africain … Et tant d’autres questions à soulever pour aller dans le sens de l’Histoire avec un grand H …

Ni à « gauche », ni à « droite », mais… tout droit !

Tout le reste nous distrait !







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