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Le Senegal Vient D’entrer Dans L’une Des Periodes Les Plus Sombres De Son Histoire

Mes Chers compagnons,

Le report de l’élection présidentielle du 25 février 2024 est la conséquence d’hésitations à accepter une possible alternance, de dysfonctionnements constatés dans la sélection des candidats à l’élection, et d’accusations graves portées contre l’arbitre suprême de cette même élection.

Vous vous souviendrez que la naissance de notre parti, l’Alliance pour la Citoyenneté et le Travail (ACT), et parfois nos entrées en politique pour la première fois, étaient motivées par la nécessité de mettre cet engagement au service de la sauvegarde de notre Sénégal comme démocratie, comme république, comme pays stable et prospère au profit de tous ses enfants.

Nous nous sommes engagés à éveiller les consciences de nos concitoyens.

Par notre communication, l’organisation de rencontres citoyennes, articles, interviews publications dans les réseaux sociaux et conférences de presse, nous n’avons jamais cessé d’alerter sur un futur immédiat et à long terme d’un Sénégal meurtri par la politique politicienne ; cette politique qui se donne pour objectifs la satisfaction d’un désir de pouvoir et d’un enrichissement facile et personnel aux dépens de notre Peuple. Nous avons craint et prévu l’explosion. Elle a eu lieu en mars 2021 puis en juin 2023. Nous avons ensuite soutenu que la véritable explosion viendrait sous peu car nous ne percevions pas le réajustement de gouvernance qui pouvait nous en préserver. Nous sommes allés jusqu’à la prédire pour le dernier trimestre de l’année 2023.

Nous avons qualifié le régime Benno Bokk yakaar de « soft dictature » tant notre démocratie était malmenée et ramenée à la volonté d’un seul homme devenu un homme seul, en provoquant parfois des réactions outrées.

Je puis le dire, seul ou en compagnie d’autres leaders de l’opposition, nous avons alerté les chancelleries les plus influentes sur la déflagration à venir. Nous leur avons souligné que s’il était impossible de soulager immédiatement les populations des errements de la gouvernance économique de notre pays, il était nécessaire de leur laisser l’espoir d’un changement en mieux. Nous avons alors soutenu qu’il était absolument indispensable de ne pas laisser briguer un troisième mandat, non plus jouer à des prolongations de mandat en cours comme ce fut le cas en 2017 (quand bien même en rapport avec une promesse).

A ceux qui ont pu nous trouver alarmistes en nous rappelant que le Sénégal était une démocratie plus affirmée que celle d’un pays voisin, nous avons répondu que c’est le recul démocratique vécu aggravant un accroissement de la pauvreté qui serait source de troubles graves pour le Sénégal et non pas le niveau subjectivement apprécié de sa démocratie. Nous avons insisté sur les risques pour la stabilité de toute une sous-région déjà largement éprouvée d’un Sénégal ébranlé.

Ces postures ont été prises et assumées hors toute obsession d’accéder au pouvoir ; mais avec la forte préoccupation d’alerter et d’aider à l’inversion d’un trend vers une inéluctable catastrophe pour notre Nation et notre cher Sénégal.

Les premiers gongs de cette catastrophe s’entendent aujourd’hui parce que les responsables de la prochaine élection présidentielle n’ont pas été en mesure d’organiser une élection inclusive comme demandée plusieurs fois et avec insistance par la classe politique sénégalaise et la communauté internationale. Ils n’ont pas été capables de se départir de méthodes abjectes faites d’élimination de candidats jugés en mesure de gêner leur victoire par l’achat de conscience, la justice et un parrainage impossible à appliquer et donc à contrôler. J’ai été pour ma part victime de leur justice et de leur parrainage condamné par la Cour de Justice de la CEDEAO. Cela ne m’a pas empêché de poursuivre mon combat d’opposant et de refuser toute attitude susceptible d’être interprétée comme de la compromission. Dès lors que les appels aux dialogues ou à être reçu au Palais présidentiel pour parler crise covid-19 ne m’apparaissaient pas sincères.

C’est peut-être aussi le moment de rappeler qu’au nom du principe d’une nécessaire inclusivité de l’élection du 25 février, j’ai défendu le principe d’abroger les articles 29 et 30 du Code électoral et de laisser son éligibilité à une personne condamnée car ce que peut faire une grâce présidentielle, le suffrage universel dont il tient ses pouvoirs le peut aussi.

Et lorsque malgré toutes ces manigances dans la durée, le résultat obtenu comme liste de candidats n’est pas celui souhaité, le recours a été de décider du report de l’élection présidentielle du 25 février 2024.

Nous n’avons cessé de le dire et de l’écrire : sauver le Sénégal doit passer par une alternance démocratique car le régime BBY a échoué sur tous les plans. Tâchons cependant de préserver le Sénégal et son Peuple des conséquences de cet échec. Comment cela serait-il possible ?

L’idéal serait de respecter la date du 25 février. Mais refusant le risque d’aller vers des élections sabotées parce que réorganisées dans une précipitation dommageable, le débat doit devenir le suivant: comment ramener le plus rapidement possible l’élection reportée, sans la compromettre de nouveau par de la violence et du désordre qui seraient prétextes pour créer des situations d’exception avec ou sans ceux qui les auraient créées, et donc sans causer de nouveaux reports ?

La gestion de la grave crise qui s’est installée dans notre pays doit viser la sauvegarde à la fois de notre démocratie et de notre République. Le management de crise est de bord de précipice et exige toujours beaucoup de lucidité, y compris dans la recherche de compromis exigeants.

Seuls la vérité et le fort souci de privilégier l’intérêt général et celui du Sénégal d’aujourd’hui et de demain doivent continuer de guider notre engagement.

Témoignez que je ne me suis jamais écarté de cette norme politique. Sachez que je ne la trahirai pas. Et je l’espère avec vous. Sentiments attentifs et bon courage face à ce qui vient.

Abdoul MBAYE,

Ancien Premier ministre,

Président de l’Alliance pour la citoyenneté et le travail (ACT).







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