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À Qui Profiterait Le DÉsordre ?

« Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. »

 Montesquieu.

« Nous étions au bord de l’abime ? Eh bien nous venons de faire un gros pas en avant ». Tel est, hélas, le sentiment le mieux partagé au Sénégal depuis l’annonce inattendue, donc surprenante, de l’annulation d’une élection présidentielle, le jour même prévu pour le démarrage de la campagne électorale… Surréaliste !

Depuis des années et, de plus en plus précisément ces derniers mois, la crise politique majeure que nous traversons était prévisible, voire attendue par les plus lucides d’entre nous. Les signes avant-coureurs d’une fuite en avant des tenants du pouvoir se manifestaient de partout. Des indices évidents de nervosité, face au calme olympien des sénégalais malgré toutes sortes de provocations, étaient visibles. De guerre lasse, il ne restait plus qu’à abattre, brutalement, les dernières cartes et à dire l’indicible. Car, assumer la responsabilité historique de faire le deuil d’une démocratie grâce à laquelle le Président sortant, Macky Sall, est parvenu au Pouvoir, frise l’inconscience du temps qui passe, la vanité des illusions de puissance…

Alors ne feignons surtout pas la surprise !

Disons-le sans ambages : un coup d’état, constitutionnel ou institutionnel selon, vient d’être opéré dans notre pays sous le couvert d’un juridisme tropical indigent. Il n’y a pas à se lancer dans des contorsions verbales, prétendument savantes, pour qualifier un fait qui nous fait mourir de honte : Un président à qui il ne reste, constitutionnellement, moralement et véridiquement, que quelques jours pour organiser des élections présidentielles et remettre le pouvoir au peuple, vient d’abattre une dernière carte, de désespoir ( ?), pour se maintenir en fonction au-delà du délai légal imparti. C’est le seul effet, la seule conséquence de tout ce raffut actuel. Il n’y a pas un autre enjeu qu’individuel, personnel et clanique, même si la manœuvre assassine est enrobée dans un narratif cousu de fil blanc.

En vérité, le Sénégal vient de toucher le fond de la détresse morale qui, depuis des années, se manifeste à tous les niveaux de la société.  La transhumance politique en était un des symptômes les plus purulents.  Les retournements de vestes inattendus, les discours convenus et intéressés des laudateurs impénitents, nous ont donné plusieurs fois, le tournis et établi que la « politique », au sens sénégalais du terme, était sous l’emprise d’entrepreneurs sans foi ni loi. Et que l’imagerie populaire a bien raison de n’en retenir que la dimension fallacieuse et les raccourcis amoraux de l’enrichissement rapide, donc bien des fois illicite !

Retour en 2012.  Le président Macky Sall accède au pouvoir en prenant pied sur les décombres du PDS son parti d’origine, par l’achèvement, sans états d’âme, de son président fondateur Abdoulaye Wade. Celui qui lui aura tout donné.  Plusieurs lignes de son CV portent l’empreinte de celui dont il fut l’un des plus proches collaborateurs. Il est celui qui aura bénéficié le plus, en termes de postes occupés,  des deux  mandats du président Wade à  la tête du Sénégal ! Indubitablement !

On aurait dû prendre, déjà, la pleine mesure de l’homme et de sa nature profonde. Car, au-delà de toute attente, le président Macky Sall s’était acharné, à l’entame de son mandat, sur la famille politique à laquelle il doit toute son ascension sociale et politique.  Au point de faire condamner pour 5 ans de prison, le fils unique de son mentor, par un tribunal d’exception ressuscité pour l’occasion et retombé dans l’oubli depuis… Au bout de trois ans de détention, et par on ne sait encore quel tour de passe-passe, Karim Wade sera élargi et exilé, ou plus exactement déporté, au Qatar… Une séquence qui devra livrer tous ses secrets, car incompréhensible pour le commun des mortels parmi lesquels je me compte.

Ceci dit, juste pour marquer mon étonnement, que dis-je ma stupéfaction, face au rôle que joue, dans la séquence actuelle de notre Histoire, le groupe parlementaire PDS. Allié de la majorité dite présidentielle, au détriment de l’opposition parlementaire, à qui il doit la dynamique victorieuse qui, pour la première fois de l’histoire de notre parlement, faisait jeu égal avec une majorité étriquée, obtenue au forceps. Le PDS rame à contre-courant de l’Histoire ! Il faut en effet être de bien mauvaise foi pour ne pas reconnaitre le rôle de locomotive joué par Ousmane Sonko et le Pastef dans l’ascension de l’opposition à l’Assemblée Nationale du Sénégal. Contribuer à une tentative de mise à mort de la dynamique du Pastef et de ses sympathisants, mais aussi s’associer à  une tentative ultime de « réduction de l’opposition à sa plus simple expression » est incompréhensible ! Au regard des douze années de sacrifices subis.  Une « sénégalaiserie » de plus…

Disons-le clairement : les motifs pour lesquels le PDS contribue, activement à mettre la démocratie sénégalaise en berne, ne tiennent pas la route. A tout le moins ils ne tiennent pas compte des intérêts supérieurs de la Nation sénégalaise. Ils mettent en avant, exclusivement, la candidature de Karim Wade, absent du territoire national depuis des années, au détriment de candidats maintenus dans les liens de la détention au Sénégal et de tous les candidats ayant satisfait à toutes les conditions d’éligibilité ! Si la politique se réduit à l’art de comploter, il va falloir restaurer l’Honneur de la politique dans ce  pays ! Au demeurant, ce qui est véritablement en jeu, c’est l’Avenir du Sénégal ! Le devenir de 18 millions de citoyens qui veulent vivre en paix et dans le bien-être. Dans les moments cruciaux que traverse le pays, aucun repli sur soi ne doit être toléré. Aucun égoïsme partisan étriqué ne doit empiéter sur l’impérieuse nécessité de sauver notre Nation de la montée des périls. Toutes les forces vives de la nation doivent converger vers la construction d’une digue pour protéger notre pays des risques de basculement tragique vers l’inconnu.

Encore plus étrange, la manière expéditive par laquelle le Conseil Constitutionnel a été installé au cœur d’une polémique, suite à des allégations jusqu’ici non fondées ! Aucune preuve, aucune procédure : Que des allégations que n’importe qui peut proférer sans suite… Combien de propos peu amènes sont déversés au quotidien sur des personnalités et des Institutions sans suite ? Dans un contexte de surchauffe électorale, bloquer le pays sous le prétexte de l’honneur entaché de deux juges, et mettre conséquemment tout un pays en danger, mérite réflexion, retenue et discernement !

 Ne jouons pas avec le feu !

En un mot comme en mille, le Sénégal n’appartient pas aux politiciens. Leurs jeux et leurs joutes ne valent pas la mise en péril de siècles de construction d’un sentiment national fort. Un sentiment fortement agressé par des esprits chagrins qui, jonglant avec des mots destructeurs, donnent des coups de canifs, méthodiquement, à notre légendaire Teranga… Qui n’a pas vu dans les réseaux sociaux, sous la plume de courageux anonymes, le venin ethniciste ou régionaliste, distillé en doses sournoises, pour poser les détonateurs d’une déflagration sociale irréversible ?

Face à ces sujets cruciaux, les ambitions personnelles des uns ou des autres devraient passer au second plan.

L’urgence est à la réparation de notre pays si abîmé ! Et que personne ne vienne convoquer des infrastructures que les supporters rentrés de la Côte d’ivoire voisine regardent avec beaucoup de détachement tant les réalisations, de ce point de vue, dans le même temps (12 ans) sont exponentiellement incomparables au pays des éléphants !

Revenons sur terre ! Il nous reste tant de choses à accomplir pour frapper aux portes de l’émergence !

En attendant, et pour commencer, il nous faut organiser une élection présidentielle. Un défi collectif à relever. Une élection qui doit être ouverte, inclusive, transparente et régulière.  Ce défi doit être relevé par une administration républicaine, consciente d’incarner les missions régaliennes de l’État. Avec une haute conscience des missions de service public, dans la perspective de servir et non de se servir.

Vider les prisons de tous les détenus politiques serait un pas nécessaire pour amorcer le dialogue et aussi la réconciliation.

Prendre conscience que la politique ce n’est pas un jeu de massacre mais juste la capacité de produire des idées, de les mettre en pratique pour réaliser le mieux-être des populations sans discrimination  ni parti pris.

Enfin, méditons et méritons le troisième couplet de notre hymne national, et que beaucoup de nos compatriotes ignorent :

« Sénégal, nous faisons nôtre ton grand dessein :

Rassembler les poussins à l’abri des milans

Pour en faire, de l’est à l’ouest, du nord au sud,

Dressé, un même peuple, un peuple sans couture

Mais un peuple tourné vers tous les vents du monde. »

Ce faisant, demandons-nous constamment : à qui profiterait le désordre ?

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