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Opinions, Idées et Débats des Sénégalais

Le Dernier Françafricain

La longue et chaotique présidence de Macky Sall s’achève par une violation flagrante de la Constitution ou lorsque celle-ci devient un instrument de lutte pour le pouvoir, ouvrant ainsi la voie à toutes sortes de dérives.

La violence politique, c’est la couardise assumée au sommet de l’Etat qui se réfugie derrière l’ordre républicain, par conséquent, les forces de l’ordre sur lesquelles repose une paix sociale artificielle au service d’une patrimonialisation de l’Etat sans précédent.

L’allocution du 3 février 2024 est l’aboutissement d’une caporalisation soutenue du pouvoir judiciaire à des fins politiciennes.

Cette défection prévisible au sommet de l’État a mis en danger des populations jusqu’ici malmenées par des politiques économiques en décalage avec les besoins réels du pays. Nous avons aussi assisté au cours de ces dernières années à une criminalisation systématique de l’espace politique, prélude à un détricotage savamment orchestré du tissu républicain.

Le but ultime de ces manœuvres, c’est la confiscation du pouvoir et le résultat est pour le moins catastrophique. L’utilisation de la chambre des députés par les tenants du pouvoir a permis de semer le doute sur la fiabilité du Conseil constitutionnel. Un « doute » utile servant de caution à la pirouette qui a permis l’arrêt du processus électoral à quelques heures de l’ouverture de la campagne, semant la confusion.

Une situation inédite dans l’histoire politique du Sénégal. Une longue tradition démocratique a été ainsi stoppée pour permettre une mise à jour du partage du « gâteau national », garantie d’un statu-quo permettant au système politique sénégalais, allié naturel du néocolonialisme, de résister à l’offensive populaire du désormais ticket Sonko mooy Diomaye.

Disons-le haut et fort, la démocratie est une affaire de culture, d’intuitions vives et de stature. C’est surtout une histoire d’amour, car il faut aimer son peuple. Il faut aussi aimer la démocratie. Le système politique sénégalais incarné par Macky Sall et ses affidés est caractérisé par une présidence hypertrophiée, qui ignore les règles du jeu démocratique et qui arbore un certain mépris du droit. Un droit élastique et malléable à souhait.

Les libertés fondamentales sont bafouées et les lois soigneusement contournées avec une suffisante désinvolture notamment pour éliminer l’opposant Ousmane Sonko et ses partisans. Les Sénégalais depuis plus de trois ans sont pris en étau entre un pouvoir extrêmement brutal et des conditions de vie désastreuses sous le regard passif de la communauté internationale. Des journalistes sont emprisonnés ainsi que des leaders d’opinion, des imams etc. Plus de quatre vingt morts, des centaines de blessés et des milliers de prisonniers politiques dont la plus part sont des jeunes.

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Que dire de cette jeunesse traquée, martyrisée et embastillée, cette si précieuse ressource naturelle, dans un monde évanescent. Le souvenir du jeune rappeur Baba Kana, torturé à mort sous nos yeux par des forces de l’ordre, est encore frais. Souvenons nous du martyr de Papito Kara emprisonné pour des publications sur les réseaux sociaux puis déclaré mort sur le chemin de l’exil, près des côtes espagnoles. L’horreur au pays de la « téranga ». Pas d’enquêtes judiciaires ou parlementaires donc pas de responsabilités établies. C’est dire que toutes les conditions pour mener à cette impasse étaient réunies. Depuis 2012, nous glissions sur une pente raide qui nous a mené à l’allocution présidentielle du 3 février 2024, un tournant historique qui marquera la fin d’un modèle démocratique sophistiqué, tant vanté. Une parade politique qui a survécu malgré les changements à la tête de l’État sans jamais montrer le chemin de la prospérité.

Les Sénégalais manifestent aujourd’hui pour le respect strict du calendrier électoral malgré l’exclusion de la course du principal opposant Ousmane Sonko. Les manifestations sur toute l’étendue du territoire national ont fait 3 morts et plusieurs blessés. Macky Sall « seul et contre tous » a décidé d’imposer son propre calendrier dont il est exclu malgré lui. Le monde grouille et gronde pour que l’élection se tienne dans les meilleurs délais.

Le chef désarmé

Au Sénégal, nous entrons dans la phase ultime de destruction de l’Etat pour assouvir les appétits d’un clan qui n’a qu’une seule religion : l’argent. À cela s’ajoute des « fantasmes » géostratégiques persistants qui troublent la paix sur l’étendue du continent africain. La sous-traitance du savoir qui permettait un mimétisme reléguant le patriotisme, la nation ou l’histoire au second plan n’est plus suffisante pour contenir la puissance des réseaux sociaux qui permettent aux populations, malgré certaines dérives, de s’informer en temps réel.

L’offensive économique, politique et culturelle contre l’Afrique mobilisent des moyens aussi importants que ceux qui sont utilisés pour lutter contre la pauvreté et les grandes pandémies. C’est une évidence. Cette ingénierie de la domination par procuration, une sorte d’esclavage des temps modernes est rejetée par les populations de plus en plus conscientes de leurs droits. C’est cela la mutation ultime d’un État post-colonial bridé, une vitrine de la démocratie. Cette descente aux enfers est le parcours obligé d’un pays qui a vu ses « élites », malgré les changements successifs à la tête de l’Etat, trahir encore et toujours avec de fausses ambitions, de faux desseins politique et de vraies compromissions. On ne vient pas en politique pour transformer la vie de ses concitoyens mais pour faire fortune ou pour parader en rasant les murs. L’alternance en 2000 est passée par là.

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Le Sénégal ne peut échapper à son destin, il ne peut survivre artificiellement en feignant d’ignorer les mutations fulgurantes en cours dans son environnement immédiat. C’est un pays doté d’une riche histoire et d’une grande tradition démocratique et qui a été ravalé au rang de démocrature au cours de ces dernières années. D’illustres hommes ont traversé la vie politique de ce pays sans jamais quitter le sentier républicain au prix de mille sacrifices. Deux hommes qui ont marqué l’histoire politique du Sénégal et de l’Afrique me viennent à l’esprit, il s’agit de Mamadou Dia et de Cheikh Anta Diop. Tous deux avaient très tôt perçu les contours d’une Afrique unie et solidaire dans un monde où les rapports de force sont motivés par des logiques économiques impitoyables. L’historien américain Frédéric Cooper décrit la genèse de ce type de relation :

« Les difficultés économiques de l’Afrique s’explique moins par les caractéristiques intrinsèques du continent que par les relations asymétriques que ce dernier entretient avec l’Europe depuis le 15e siècle. »

La françafrique, émanation du néocolonialisme, a toujours préféré avoir à faire à une « élite » servile et zélée qui a toujours montré sa capacité à organiser le pays en fonction de ses intérêts particuliers. Une sorte de Sénégal sans les sénégalais.

Ceci dans le mépris total de notre histoire commune et parfois dans une sorte de réécriture de notre récit national. Ce qui est déroutant, c’est cette reproduction soigneusement codifiée au sommet de l’État autour d’une politique antinationale quelque soit le résident du palais et qui, méticuleusement « rationalise » la pauvreté tout en redistribuant des prébendes. La rupture avec le peuple ne peut plus être contenue dans des conciliabules diurnes et nocturnes car les Sénégalais sont désireux de voir une autre façon de faire de la politique. C’était déjà le cas en 2019, au lieu de cela, nous avons eu droit à la privatisation intégrale de l’espace public par un pouvoir arrogant et vindicatif qui semblait mener une guerre contre son propre peuple.

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Le théoricien militaire prussien auteur du livre « De la guerre », Carl Von Clausewitz dit ceci :

« Ce que les hommes ont de fâcheux, c’est une agitation intérieure les poussant à une activité impressionnante qui dépasse la capacité de leur intelligence. Ils entendent y entraîner d’autres et s’ils ne réussissent pas, voire s’ils finissent par échouer du fait des défauts de leur intelligence; ils deviennent méchants; ils n’ont plus de coeur et (…), sans s’en rendre compte ils manquent à la vérité, à la loyauté et à la bonne foi. »

Nous le voyons bien dans un contexte mondial très volatile où les nationalismes, partout prennent le dessus, il est évident que le Sénégal n’est pas sur sa trajectoire naturelle pour affronter les enjeux économiques sous-régionaux proprement africains. Après douze années d’une gestion monarchique du pouvoir, acceptée et vécue dignement par le peuple sénégalais, le pays n’avait pas besoin de cet acte séditieux contre la règle la plus élevée de l’ordre juridique de notre pays.

Ce que les Sénégalais souhaitent aujourd’hui, c’est une réelle indépendance. Autrement dit, une souveraineté effective qui profite aux Sénégalais. Ce que les Sénégalais veulent, c’est enfin profiter de la terre de leurs ancêtres, en y vivant décemment. Ce que les Sénégalais veulent, c’est une justice impartiale prompte à contrecarrer toute dérive solitaire du pouvoir. Ce que les Sénégalais veulent, c’est vivre dans la communion des esprits et dans la paix. Ce que les Sénégalais veulent, c’est un pays capable de mettre en oeuvre ses propres stratégies politiques, économiques et sociales voire militaires. Nous avons un choix à faire entre la servilité et le courage !

Le pouvoir en Afrique a toujours été une sinécure, une sorte de labyrinthe baroque où la fête est permanente avec ses courtisans, ses griots et ses journalistes corrompus, etc. Il vaut mieux avoir de véritables alliés pour espérer retrouver la porte de sortie…







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