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Le Dangereux Mendiant De Mandat

« Nous ne sommes pas riches de ce que nous possédons, mais de ce dont nous pouvons nous passer » – Kant.

Admettre que son mandat ne peut être prolongé, sous quel que prétexte que cela puisse être, et devoir recourir à l’Assemblée nationale puis au Conseil constitutionnel, revient à reconnaître que Macky Sall quémande une prolongation qui ne dépendra pas de lui ou de sa boulimique volonté de continuer à nous diriger. Il y a, à point nommé, quelque chose, dans cette attitude inélégante de confiscation du pouvoir de représentativité, ce que volontiers nous appelons une mendicité politico-juridique. Qu’est-ce alors que la mendicité ?

En règle générale, un mendiant est une personne qui vit matériellement d’aumônes, d’argent ou de la nourriture donnée par charité. Il est habituellement un itinérant sans lieu de résidence fixe. Ainsi, il est à noter que l’on ne naît pas mendiant ; on le devient par le fruit ou le résultat d’un processus de décadence sociale voire d’une chute socioéconomique. Se rapprochant aux termes ptôchos (« mendiant »), ptôcheia (« mendicité ») et au verbe piptô, « chuter », il est plausible de définir le mendiant comme quelqu’un qui a chuté de la possession de quelque chose. Par ailleurs, il serait, en effet, important de ne pas confondre, de manière systématique, mendicité avec pauvreté. De manière générale, le pauvre travaille et gagne sa vie à la sueur de son front tandis que le mendiant, quant à lui, contrevient aux principes de base afférents à l’effort et la participation à l’économie et le développement sociocommunautaire.

Compte tenu de ce démantèlement sémantique, il nous est maintenant aisé de justifier en quoi Macky Sall est-il réduit à un statut de mendiant de mandat digne de ce nom ? Après la forte chute de sa légitimité, et s’accrochant, par tous les moyens possibles, à l’usage exagéré de la force répressive, il ne lui reste maintenant qu’à tendre la main pour une augmentation, ne serait-ce que pour quelques mois, de son mandat. Il ne comptait pas les jours pendant ses douze années calamiteuses de règne, mais pour l’heure, les instants sont précieux pour le parachèvement de la correction de ses innombrables frasques politico-économico-socio-juridiques. L’aumône parlementaire et constitutionnelle sont, par conséquent, deux éléments présents dans ce que souhaite Macky Sall, car il a beau vouloir bomber le torse et se prévaloir d’une notoriété hégémonique sur ses concurrents, il devient subitement un précaire politique dont l’avenir dépend de ce qu’il obtiendra des institutions censées garantir la Constitution au nom du peuple sénégalais. Nous assistons, en ce moment, à une chute vertigineuse d’un président anciennement plébiscité par son peuple – rappelons qu’il fut élu à 65 % au second tour en 2012 et à 58% en 2019, et ce dès le premier tour – et qui aujourd’hui se retrouve dans une posture descendante, humiliante et dévalorisante. Car avoir été l’espoir de tout un peuple (à l’issue du second tour de 2012, les chroniqueurs et analystes politiques nous vendaient l’idée qu’il ferait mieux que ses prédécesseurs pour être né après les indépendances comme si cela suffisait principiellement à développer un pays) et devenir le désespoir et le pire cauchemar de celui-ci est de l’ordre d’un déclin politique qui ne l’honore pas, mais qu’il a bien mérité en raison de sa méchanceté sanguinaire et de son cynisme mortifère. Jamais, un président de la République n’a causé autant de tort à notre vaillant peuple d’antan bien adulé, chéri et envié de tous les aspirants et amoureux de la démocratie. Nous voilà aujourd’hui réduits à la situation chaotique d’un peuple calfeutré dans sa triste marche vers un combat certes important, mais qui pouvait être évité si le mendiant de mandat ne s’était pas plongé dans les bras de l’aventure hasardeuse d’un désir dictatorial qu’il sait lui-même impossible sous les tropiques sénégalais. Comment alors Macky Sall a-t-il enregistré sa chute politique au point de devenir un piètre mendiant de prolongation de mandat ?

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Avant les évènements de mars 2021, l’actuel mendiant de mandat se croyait tout puissant et pensait que rien ni personne ne pouvait l’arrêter. D’ailleurs, il se permit de dire, à l’occasion de sa rencontre avec la presse sénégalaise du 31 décembre 2020, que pour ce qui a trait à son troisième mandat, il ne répondra ni oui ni non. Pensant avoir neutralisé son opposition et imbu de sa pauvre personne, il considéra que rien ne pouvait l’arrêter et que le moment venu, annoncer sa candidature à un troisième mandat ne serait qu’une simple formalité administrative de cela même qu’aucune résistance ne saurait lui être opposée par le peuple sénégalais qu’il crut, à l’époque, avoir suffisamment domestiqué par le règne de la terreur répressive voire oppressive, la propagande médiatique et la corruption de la presque totalité des voix dissidentes. Le chemin vers un troisième mandat presque acquis sembla balisé et dépourvu de toute impasse oppositionnelle et de tout soulèvement populaire citoyen. Après les évènements de mars, tous les analystes politiques, bien au fait de la marche d’un peuple dans ses multiples variations et métamorphoses, savaient que le troisième mandat était hypothéqué. D’ailleurs, dans une entrevue accordée à SenePlus en date du 10 mars 2021, Boubacar Boris Diop, brillant intellectuel engagé, affirmait à juste titre que la question du troisième mandat était définitivement réglée.  L’histoire semble lui avoir donné raison.

Comme si l’histoire ne pouvait faire l’économie de se répéter, en juin 2023, soit deux années après, d’autres évènements de confirmation de la détermination des Sénégalais à ne pas se laisser faire, avaient fini par confirmer l’impossible troisième candidature, pour ne pas dire un troisième mandat. Sur le plan politique, c’est tout un renversement situationnel. La montée de la colère et d’une nouvelle conscience de devoir de résistance semblent avoir pris le dessus sur les velléités de briguer un troisième mandat. À partir de ce moment, les Sénégalais ont commencé à intégrer dans leurs schèmes de pensée que le président sortant n’avait aucune raison de déclarer sa candidature à un troisième mandat, car l’espoir et le désir de changement étaient si forts qu’un seul et unique choix s’offrait à lui : renoncer à la passion du mandat de trop. Dans une déclaration publique diffusée en direct le 3 juillet 2023, l’actuel mendiant de mois de plus déclara qu’il ne briguera pas un troisième mandat même si la Constitution le lui permit (ce qui est absolument faux, car cette dernière est bien claire là-dessus « nul ne peut exercer plus de deux mandats successifs »). Ce fut à contrecœur qu’il fit cette déclaration. Les signes qui affleuraient au travers de son visage et ses gestes, lors de ses sorties officielles, laissaient voir un malaise, un désarroi et un dépit qui ne pouvaient que déboucher ultérieurement sur une mendicité éhontée de mandat sous le prétexte d’un report des élections du 25 février 2024. Le deuil de l’exercice du pouvoir présidentiel semble inopérant et difficile pour Macky Sall. Voilà un homme qui n’a aucune estime de lui-même contrairement à ce qu’il laisse penser au travers de ses sorties et déclarations pompeuses au sujet de son avenir. Il est un pur accident de l’histoire politique du Sénégal. Macky Sall est un homme de pouvoir qui ne se voit pas hors de la station présidentielle dont il pense être le summum de sa carrière. Il n’envisage pas de carrière autre que politique, car après tout c’est ce dans quoi il a toujours navigué, y gravissant tous les échelons au fil des ans. De plus, avec toutes les erreurs politiques et génocides économiques qu’il a commises, il n’ose même pas s’imaginer être hissé au panthéon des hautes personnalités qui, après la présidence de la République, occuperont des postes dans les plus grandes institutions ou organisations internationales. Il ne rêve même pas d’une vie après le pouvoir présidentiel. Ce deuil difficile et amer serait, entre autres, à l’origine de sa chute tragique l’ayant conduit droit au mur de la mendicité de prolongation de mandat.

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S’il est vrai qu’au Sénégal nous savons élire des présidents, il est également vrai que n’avons jamais eu l’occasion de les accompagner dans leur deuil de règne présidentiel. Senghor quitta le pouvoir pour se retrouver en Normandie dans les bras de la poésie et des lettres, oubliant complètement le Sénégal. Abdou Diouf, pour avoir permis la première alternance démocratique au Sénégal, avait la chance d’occuper le poste de secrétaire général de la francophonie de 20023 à 2015. Quant à Abdoulaye Wade dont la renommée, du temps où il était opposant, était incontestable, il brille par son absence sur la scène internationale pour avoir eu une fin de règne déshonorante en 2012. Macky Sall se sachant destiné à un futur pathétique s’accroche au pouvoir quitte à mendier 8 mois de plus à l’Assemblée nationale et au Conseil constitutionnel. Ce dernier a, pour sa part, fini par annuler la loi portant prolongation du mandat présidentiel, mais rien n’est encore fait pour nous rassurer que Macky Sall partira le 2 avril. Car, si le gouvernement décide de ne pas organiser les élections avec la complicité de l’administration partisane et les forces de défense et de sécurité alors rien ne se fera avant la date de fin de son mandat. Avec son communiqué de presse affirmant qu’il accepte la décision du Conseil constitutionnel, il se joue allègrement de nous pour gagner du temps. Soyons alors prudents et moins emballés par cette décision du Conseil constitutionnel, car le chemin vers l’organisation de l’élection est encore loin d’être totalement parcouru. Que Macky Sall ne nous surprenne plus une énième fois.

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Laissé à l’abandon par ses premiers compagnons de parti et entouré de ses anciens adversaires devenus ses thuriféraires, il n’est pas bien loti dans le deuil du pouvoir et subit, du même coup, un traumatisme qu’il n’est pas capable d’affronter. Pour répondre à ses peurs et angoisses, il est prêt à trouver les moyens les plus farfelus pour conserver le pouvoir y compris libérer massivement des prisonniers qui ne devaient passer, dans un État normal, une seule minute en prison. Qui alors pour arrêter le mendiant de mandat ?

Le peuple sénégalais qui seul est souverain est le maître actuel du jeu. N’attendons rien de quelle qu’institution que ce soit, pour autant même qu’aucune d’entre elles n’est foncièrement libre de ses décisions y compris le Conseil constitutionnel qui durant les douze ans de règne de Macky Sall n’a brillé que par des décisions généralement partisanes au lot desquelles nous mettons volontiers celle qui annule le décret de Macky Sall de report des élections de 2024 (c’est la seule décision qui arrange Macky Sall en ce moment pour désamorcer la crise et espérer encore endormir le peuple sénégalais). Qui pouvait imaginer que le Conseil constitutionnel oserait dire non à la prolongation de mandat du mendiant Macky Sall ? Ce Conseil constitutionnel longtemps dyslexique, dyscalculique et dysorthographique dès qu’il s’agissait de trouver des subterfuges à Macky Sall ne peut pas devenir subitement attaché aux règles de droit. Il y a indubitablement anguille sous roche. Restons vigilants si nous ne voulons pas que le mendiant obtienne la prolongation tant voulue de son mandat. Ne nous laissons pas manipuler par des hommes politiques aux ambitions douteuses et sachons que notre seul credo doit être de dire non à Macky Sall avec qui dialoguer n’est pas possible sans se faire avoir. Nul besoin de s’asseoir avec lui : il n’a qu’à choisir une date dans les plus brefs délais, mettre en branle l’administration et mobiliser les forces de sécurité pour assurer la sincérité du scrutin. Aucune occasion ne doit lui être donnée pour obtenir un seul jour de plus après le 2 avril. Le dialogue fait partie de l’aumône qu’il demande pour rester encore un peu plus au pouvoir.  Comme le stipule un proverbe lituanien « chaque mendiant loue sa béquille ». Macky Sall est et restera toujours manipulateur, égotique, malicieux, sadique, cynique, narcissique, perfide, vaniteux, faux, orgueilleux et lâche même si aujourd’hui il se ramasse les pieds dans le tapis pour mendier des jours ou mois de plus. Gare à ceux qui lui feront confiance au point de s’asseoir avec lui autour d’une table de dialogue-discussion-concertation-conversation ! Jean de la Fontaine avait bien raison de conclure, dans Les loups et les brebis, « Qu’il faut faire aux méchants guerre continuelle. La paix est fort bonne en soi : J’en conviens ; mais de quoi sert-elle avec des ennemis sans foi ». Il urge de libérer le peuple sénégalais de cette association de malfaiteurs à la tête de notre pays : ICI ET MAINTENANT.

Serigne Touba Mbacké Gueye, professeur agrégé, UQAT-Canada.







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