La politique imprègne tous les aspects de vie au Sénégal. Elles inspire et aspire à la fois. Sa trop forte propension à envahir les espaces dépouille la société de sa diversité et de ses attributs de solidité. Celle-ci se fragilise par le jeu des ambitions mal définies et surtout des égoïsmes pernicieux.
La conjoncture qui sévit en ce moment traduit une profonde crise politique à ramifications multiples. Pour preuve : l’économie est reléguée aux calendes sénégalaises alors qu’elle devrait, en bonne logique, être la locomotive du progrès que tous appellent de leurs vœux. Que nenni !
Dans ce Sénégal qui se banalise à force de recul et de renonciations à l’effort, la destruction l’emporte sur l’édification, le défi s’estompe au profit de la bravade, l’individu s’affiche à mesure que s’effiloche le collectif.
Face aux situations complexes, chacun tente de se sauver à l’image d’un loup dominant, forcément solitaire. Seul le bal des célébrités intéresse nos hommes politiques. Ils devant une certaine presse gagnée par la paresse et faussement conquise ou complice de ce rituel peu valorisant.
Sans jouer les Cassandre ou passer pour un oiseau de mauvais, notre économie sombre dans l’abîme. Elle n’est pas robuste. A ce rythme, le sera-t-elle un jour ? A tous, il doit être évident que la nécessité de maintenir l’économie à flot reste la consigne pour remonter la pente raide sur laquelle elle glisse.
Tout se passe comme si le poids des travers et des avatars dicte sa loi à une assemblée de gens dépourvus d’ancrage mais en quête de voie de salut. D’obscurs hommes occupent la scène politique à côté d’autres qui n’en sont pas moins des esprits distingués. Ce voisinage est flatteur pour les premiers et certainement ruineux pour les seconds.
La semaine précédente, le Premier ministre Amadou Ba a reçu en audience une imposante délégation de chefs d’entreprise et d’opérateurs venus partager avec lui de vives préoccupations relatives à l’état catastrophique de notre économie. Le vacarme politique a noyé cette rencontre pourtant significative des enjeux du moment.
Il ne sert à rien de plastronner sous les lambris dorés pour cueillir la mansuétude des politiques. Les dirigeants d’entreprises cultivent certes la discrétion. Cela peut être apprécié comme une qualité. Néanmoins, la défense et l’illustration de l’outil de travail requièrent opiniâtreté, endurance, une certaine résilience et une grande flexibilité opérationnelle pour slalomer entre les difficultés qui se dressent sur leur chemin.
Notre économie doit-elle être assujettie aux humeurs et aux facéties d’une classe politique indifférente à son sort ? Elle est atone. Une année électorale ralentit souvent l’économie à fortiori quand les signaux de violence s’accumulent. Selon des observateurs avertis, une élection majeure dans un pays donné vit un gel des investissements sur une longue période.
Les lendemains qui chantent se raréfient. Le retour au calme après des troubles s’opère lentement. Les stigmates de la violence s’effacent tout aussi lentement avec son lot de malheurs : magasins éventrés, stations d’essence mises à sac, des succursales défigurées, des boutiques et des surfaces commerciales saccagées. Pire, il y a mort d’homme. Inacceptable quand on connaît la sacralité de toute vie sur terre.
L’usage excessif de la force, en débordant dans la rue comme lieu d’exaltation, traduit l’esprit passionnel dont la politique est le vicieux terreau. Vu sous cet angle, notre pays a fini de s’installer dans des cycles de violence qui perturbent sa trajectoire de projection.
Déjà notre croissance bat de l’aile. Certes il n‘est pas ridicule comparé à la moyenne pondéré dans la sous région. En revanche la dette s’alourdit même si le Ministère des Finances rassure sur la conformité aux critères de convergence de l’UEMOA. Nous n’en sommes pas loin.
Pour sa part, l’industrie stagne, faute de carnets de commande bien remplis. Cas aggravant, la vétusté du parc représente un désavantage compétitif devant une invasion de produits importés. A terme, une réelle menace pèse sur la production nationale aléatoire et peu soutenue par les pouvoirs publics pour imposer des « lignes Maginot » infranchissables en guise de protection de nos filières de transformation.
En d’autres termes la manufacture accomplit de timides progrès qui ne sont guère de nature à inverser la courbe de la décroissance. Or les pistes ne manquent pas. A elles seules, l’agriculture et l’horticulture constituent de potentiels secteurs de relance avec d’indéniables atouts pour amorcer le décollage.
Les politiques, pour se faire bonne conscience, ânonnent des refrains de reprise. Ils mettent toutefois plus de hargne à conquérir des parcelles de pouvoir qu’à doter notre économie de puissants outils d’expansion et de souveraineté. En clair, ils ne soutiennent pas l’entreprise. Autant le dire d’emblée.
Et pourtant, la dignité républicaine devrait les inciter à défendre autant les droits de l’homme et le respect de la loi fondamentale que l’entreprise, à la fois creuset de liens et facteur de création d’emplois. Non seulement un emploi créé entretient une famille mais il lui procure une relative stabilité dans un environnement pollué par des surenchères sociales.
Comparaison n’étant pas raison, le Maroc, dont l’abondance en eau faiblit selon les saisons, met en place d’habiles stratégies pour pérenniser sa vocation agricole ; de l’atlas à l’oued en passant par ses zones oasiennes. Son agriculture, disent les spécialistes, traverse une phase critique avec une baisse drastique de l’ordre de 67 % de précipitation et une sécheresse encore plus sévère.
Les phénomènes climatiques ne découragent les volontés au Maroc qui anticipe tout à travers des études rondement menées pour placer le royaume à l’abri des crises alimentaires, des ruptures d’approvisionnement et des pénuries. Sans ambages, Rabat s’arc-boute à ce conducteur de volontés.
Chez nous par contre, une telle absence de lisibilité est imputable à des naufrageurs restés impunis en dépit de retentissantes faillites de politiques publiques. Ceux qui n’ont pas d’éthique de conviction ne peuvent se prévaloir d’une éthique de responsabilité. A fortiori si cette dernière engendre une conséquence négative. Plus proche de nous encore, la Côte d’Ivoire aligne d’impressionnants acquis. A commencer son titre de Champion d’Afrique à l’issue de la récente Coupe d’Afrique des Nations (CAN) qu’elle a vaillamment remportée.
Une organisation réussie, des infrastructures de qualité, un époustouflant timing qui a séduit les hauts dirigeants du football africain et mondial. Les Ivoiriens célèbrent enfin des victoires sous la bannière de leur propre drapeau et de leur hymne national, formidable trait d’union.
N’évoque-t-on pas la possibilité pour le pays des éléphants d’organiser une édition de la Coupe du monde, tant Infantino, son patron, a été séduit par le charme du pays et l’hospitalité des Ivoiriens. Le pays capte des investissements et se destine à intégrer le club très fermé des économies émergentes. Le réconfort après l’effort…