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Les Voies De Developpement Tracees Dans Le Desert

Un débat malsain a commencé à pointer le nez au Sénégal à la suite d’un banal incident à l’aéroport, mettant aux prises une sorte de célébrité musicale étrangère avec des membres de la police des frontières. Certains ont commencé même à agiter des termes proches de la théorie du Grand remplacement, si chère aux racistes occidentaux dont Eric Zemmour est l’un des plus ardents porte-voix. Au moment où les pays d’Afrique ont tellement des problèmes existentiels, certains trouvent toujours le moyen de leur en ajouter. Ils oublient que les pays et les peuples qui ont confiance en eux-mêmes n’ont pas peur de l’étranger. Il suffit pour s’en rendre compte, de prendre l’exemple des Emirats arabes unis (Eau).

Une fédération de 7 (sept) émirats désertiques, dans les années 1970, à la fin du protectorat britannique, décident de se fédérer, à l’initiative de l’Emir d’Abu Dhabi, pour, entre autres, résister aux ambitions du royaume d’Arabie Saoudite. Il s’agit des émirats d’Abu Dhabi, de Dubaï, d’Ajman, de Sharjah, de Fujaïrah, de Ras Al Qayman et d’Oum Al Qaywan. La capitale politique est à Abu Dhabi, bien que Dubaï soit le centre du rayonnement économique. Pour une population totale d’environ 11 millions d’habitants répartis sur 83 600 km², on compte plus de 8 millions d’étrangers, soit plus de 80% de la population. Et pourtant, on n’y entend pas se développer des discours racistes et xénophobes. Les résidents indiquent que toute manifestation de xénophobie ou tout délit ou toute expression de ségrégation due à la race ou à la religion sont punis avec toute la rigueur de la loi. Et cette rigueur n’est pas juste une figure de style. Une grosse réussite quand on sait que près de 200 nationalités se côtoient et cohabitent depuis des années. Mais surtout, la réussite d’une politique dynamique tournée vers le développement du pays grâce à l’ouverture et aux échanges avec le monde entier.

Quand les émirs ont décidé de faire de leur pays une zone de tourisme de luxe et d’échanges économiques, ils ont compris qu’ils avaient besoin, pour réussir cette ambition, de s’ouvrir au monde entier, afin de récolter les capitaux nécessaires à leurs ambitions, mais aussi et surtout, rassembler les capacités de toutes les personnes susceptibles de servir leurs intérêts. Ils ont ainsi accueilli toutes sortes d’expertises, allant de banquiers à des femmes de ménages ou des gardiens de maison, en passant par des architectes, des enseignants, des pilotes d’avion, et même des commerçants, des négociants, ainsi que de nombreux métiers dont on puisse avoir besoin. Ce conglomérat d’aspirations diverses se fait dans des conditions les plus strictes. Un étranger ne réside aux Emirats que dans des conditions très strictes. On ne va pas chercher du travail dans ce pays ; on n’y va qu’après avoir obtenu un travail, qui conditionne d’ailleurs l’obtention d’un permis de séjour. Il est quasiment impossible pour un étranger d’obtenir la nationalité émirienne, à moins de pouvoir démontrer des services exceptionnels ou des capacités hors du commun. Une fois son travail perdu, et sans possibilité de retrouver un poste après un certain délai, il est fortement conseillé à tout étranger de quitter le territoire au plus vite. Ces conditions permettent aux autochtones de vivre dans une certaine aisance et avec la certitude d’une protection sociale les plus étendues au monde. D’ailleurs, vu que les étrangers occupent presque tous les emplois du pays, seules des fonctions dans les domaines de la sécurité nationale, la surveillance du territoire, la grande administration publique… sont réservées aux nationaux. Et cela ne pose de problèmes à personne.

Bien sûr, les étrangers, surtout les migrants pauvres, ne chantent pas toujours avec entrain le refrain de la prospérité aux Emirats, pays d’inégalités sociales les plus prononcées, surtout face aux étrangers les plus pauvres. Il n’empêche qu’il en arrive tous les jours et de presque partout. Et comme au Moyen-Orient, les potentats aiment se mesurer par rapport à la munificence de leurs palais, à la beauté de leurs villes et à l’opulence de leurs pays, le modèle économique des Emirats a tendance à s’imposer tout autour du Golfe Persique et dans les autres capitales arabes.

L’une des clés importantes de sa réussite, c’est la discipline et l’autorité dont font montre les dirigeants du pays. Une fois qu’ils se sont donné des objectifs et ont tracé leurs plans de développement, ils ont tout mis en œuvre pour que rien ne fasse dérailleur leur grande ambition. En accueillant autant d’étrangers dans leur pays, ils savaient qu’ils devaient s’ouvrir aux autres sans perdre leur âme pour autant. Ainsi, si le grand nombre de mosquées rappelle aux étrangers que l’on est dans un pays à très grande majorité musulmane, la pratique des autres religions n’est pas restreinte, même s’il n’est encouragé de faire du prosélytisme dans des lieux publics. La religion n’est pas interdite, mais il n’est pas non plus recommandé d’afficher publiquement sa pratique religieuse. Une chose importante dans un pays où plus de 33% des Hindous, la majorité de la population, ne sont pas des musulmans ou s’ils le sont, ne pratiquent pas le même islam que celui des gens du Golfe. Et l’on ne parle pas des Népalais bouddhistes, des Philippins et Coréens chrétiens, ou des Africains de l’Est, qui ont leur forme de christianisme.

Cela suppose une police omniprésente, dans une région où les tensions politiques ne manquent pas. L’efficacité des services de renseignements est redoutable et n’est pas prise à la légère. La moindre pensée dissidente est réprimée sans pitié, mais très souvent dans la discrétion. Des journalistes assurent que ce n’est pas en suivant les médias locaux que l’on saura exactement ce qui se passe à Dubaï ou à Abu Dhabi. La grande chaîne qatarie, Al Jazeera, sait filtrer ses émissions destinées à être diffusées dans les grandes villes émiraties. C’est la condition pour elle de continuer à être captée chez ses voisins.

Tout cela permet aux touristes de circuler à toute heure du jour et de la nuit en toute quiétude, de se rendre presque partout sur le territoire sans avoir à se faire du souci pour sa vie ou ses biens. Ce qui fait que les gens qui vont à Dubaï, même sans voir des policiers dans les rues, ne songent jamais à être agressés car les délits sont sanctionnés le plus durement possible. Le seul motif d’inquiétude des étrangers, de passage ou en résidence, est souvent de savoir s’ils ont assez de moyens pour se permettre la vie de luxe qui est exposée devant leur nez.

Or, beaucoup, surtout les Africains, oublient que dans les années 1970, et même bien après, le niveau de vie des habitants de Dubaï, Abu Dhabi et autres, n’était pas plus élevé que celui de chez eux. La différence est que quand les chefs bédouins se sont rassemblés pour décider d’ouvrir leur pays aux étrangers sous certaines conditions, les nôtres préféraient aller quémander de l’argent aux Occidentaux, en promettant pour certains, à ces dirigeants occidentaux, de leur en refiler une bonne partie sous formes de rétro-commissions. La conséquence est qu’au moment où un pays comme le Sénégal perd son littoral à la suite d’une pression foncière inconsidérée et d’une érosion côtière non maîtrisée, les villes de Dubaï et d’Abu Dhabi gagnent du terrain sur la mer en construisant des villes sur polder, verdissent leurs anciennes terres arides grâce au dessalement de l’eau de mer et en pratiquant de l’arrosage au goutte à goutte à grande échelle. Au point de créer plus de 50 km de forêt sur les 120 km de distance qui séparent les deux plus grandes villes de la fédération, et d’y implanter de la faune sauvage…

Cela fait qu’au moment où certains pays veulent se gargariser du terme «émergence» pour les décennies à venir -si tout va bien-, des pays dits développés et industriels vont à Dubaï pour chercher à s’inspirer et tenter de copier le modèle de développement admirablement tracé à partir des sables du désert.







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