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MakyavÉlique

Nous le savions déjà après cette interview spectacle du 7 Février : le président Macky Sall n’avait aucune intention d’obéir à l’injonction du Conseil constitutionnel d’organiser l’élection présidentielle dans les « meilleurs délais ».

Dès le premier jour du « dialogue » de Diamniadio, son intention de ne pas organiser l’élection avant le terme de son mandat le 2 avril 2024, puis d’assurer lui-même son intérim après s’être amnistié ainsi que ses alliés est apparue très clairement.

Un plan makyavélique prémédité et annoncé

Le « dialogue » de Diamniadio procède en fait d’un plan prémédité :  il suffit pour s’en convaincre de se référer à un article de Jeune Afrique, cette plateforme de communication et d’influence de la France Afrique dont les directeurs, de père en fils, murmurent à l’oreille des chefs d’État françafricains et enregistrent leurs confidences.

L’article publié le 20 février dernier et intitulé : « au Sénégal, le dernier choix de Macky Sall », annonçait que le président de la République entend « mener des concertations politiques ….organiser l’élection la plus inclusive possible en conservant les vingt candidats validés par le Conseil mais en y ajoutant d’autres… revoir le système de parrainages …promulguer une loi d’amnistie…ce qui revient à libérer Ousmane Sonko et Bassirou Diomaye Faye…dépasser de quelques semaines cette limite (du mandat présidentiel établi par la Constitution) afin d’organiser l’élection courant mai ou juin…Une alliance pour le second tour serait scellé entre le PDS de Wade, Rewmi d’Idrissa Seck, voire Taxawu Sénégal de Khalifa Sall dans une sorte de front Républicain face à Pastef ».

C’est exactement ce que M. Macky Sall vient de nous annoncer sans fard dès le premier jour de son « dialogue » boycotté par 16 des 19 candidats validés par le Conseil constitutionnel ainsi que par toutes les organisations significatives de la société civile.

C’est ce qui vient d’être confirmé en conclusion du « dialogue » : l’élection aura lieu le 2 juin, nous dit-on. Le président restera en exercice pendant trois mois après le terme de son mandat et une loi d’amnistie générale portant « amnistie générale sur des faits se rapportant aux manifestations politiques survenues entre 2021 et 2024 » aura au préalable été adoptée par l’Assemblée nationale.

Un plan makyavélique

Le « dialogue » a donc pleinement livré la commande de M. Macky Sall.

En outre, on lui passe la reprise complète du processus électoral pour y inclure M. Karim Wade.

Il assurera lui-même son intérim pour reprendre complétement le processus électoral en y incluant bien entendu M. Karim Wade, le candidat de l’indispensable allié qu’est devenu le PDS pour lui, tout faisant croire pour le discréditer et provoquer la scission du Pastef entre pro-Sonko et pro-Diomaye Faye qu’Ousmane Sonko souscrit à la manouvre.

Le calcul électoral non-dit est en tout cas que le Pastef ne pourra pas gagner dès le premier tour et serait battu au deuxième tour par les voix coalisées d’Amadou Ba + Karim Wade + Boun Abdallah + Idrissa Seck + Aly Ngouille Ndiaye + Mame Boye Diao et autres).

Ainsi le « système » serait sauvé.

L’autre partie du plan « makyavélique » annoncé à Diamniadio concerne la loi « d’amnistie générale » dont le président de la République a ordonné l’examen à l’Assemblée nationale dès ce jour mercredi 28 février.

Il s’agit bien entendu, sous le couvert de réhabiliter Ousmane Sonko et les militants de Pastef qui n’ont du reste jamais été jugés et condamnés pour « crimes », de blanchir ceux qui ont organisé les « nervis » et milices et armé les forces de défense et de sécurité d’armes létales et qui sont responsables de la mort d’une soixantaine de jeunes gens, de la torture et de la mutilation de plusieurs autres ainsi que de plusieurs disparitions.

Il s’agit d’une assurance-vie pour Macky Sall et pour certains de ses proches qui pourraient faire l’objet de poursuites pour crimes contre la personne du fait de leur responsabilité voire leur implication personnelle dans ces crimes perpétrés contre des Sénégalais, hommes, femmes et enfants même, au cours de ces dernières années.

Autre volet du plan « makyavélique » qui n’a cependant bien entendu pas été annoncé lors du « dialogue », c’est la « neutralisation » voire la destruction du Conseil constitutionnel s’il lui résistait.

La nouvelle loi sur l’OFNAC (Office National de lutte contre la Fraude et la Corruption) dont le président dispose désormais de pouvoirs de procureur pourrait servir dans ce sens.

Les deux membres du Conseil constitutionnel qui font l’objet d’accusations de corruption (sans aucune preuve à ce jour), qui ne peuvent pas être destitués, pourraient ainsi par contre du jour au lendemain faire l’objet de harcèlements et acculés à la démission ce qui servirait de prétexte à la liquidation de l’organe juge et régulateur des élections.

Un plan qui met le Sénégal en danger

Le plan de M. Macky Sall a déjà provoqué de graves divisions au sein des institutions de la République, des partis politiques et de l’opinion publique.

L’Assemblée nationale est désormais divisée non pas strictement sur des lignes partisanes et idéologiques, mais entre partisans et adversaires de M. Macky Sall, M. Amadou Ba et de M. Karim Wade qui font face au groupe parlementaire Yewwi Wa Askan Yi qui constitue seul l’opposition.

Quant au Conseil constitutionnel, on sait comment l’accusation sans preuve de corruption de deux des sept Sages, a amené l’un des deux à porter plainte et à se mettre à l’écart de la décision d’abrogation de décret du président de la République annulant la convocation du corps électoral.

Ce qui fait que le Conseil constitutionnel est de fait relativement affaibli. D’autant que la menace de l’OFNAC plane maintenant sur lui.

Pour ce qui est du gouvernement de la République, il est de notoriété publique que la confiance n’est plus au beau fixe entre le président et son Premier ministre-candidat dont l’échine particulièrement souple a permis d’éviter jusqu’à présent un esclandre.

Des ministres du gouvernement et des proches du président de la République s’en prennent ouvertement et en public au Premier ministre dont ils raillent « le manque de charisme » et qu’on accuse même de corruption des magistrats du Conseil constitutionnel.

Les pouvoirs législatifs, judiciaires et exécutifs ont sciemment été affaiblis au moment où la défiance des populations à l’endroit du président de la République est extrême, ainsi que le montre les mobilisations populaires quasi quotidienne à travers le territoire national.

Sortir de la crise par le haut

Au sortir du « dialogue », le coup d’État de Macky Sall étant consommé, le Sénégal se retrouve dans une situation qui n’est pas sans rappeler celle prévalant en Algérie à la suite du coup d’État militaire de janvier 1992 visant à empêcher la poursuite de l’élection législative et la victoire annoncée du Front Islamique de Salut (FIS).

On pense également à la Côte d’Ivoire après le ravalement du Code électoral par le président Henri Konan Bédie pour y introduire l’ivoirité et ouvrir ainsi la porte aux démons qui vont ravager la Côte d’Ivoire pendant plus de dix ans : coup d’État militaire, crise « politico-militaire » et intervention militaire étrangère.

Notre pays doit et peut éviter les tragédies que l’Algérie et la Côte d’Ivoire ont connu tour à tour. Le Sénégal en a les moyens. Il possède une société civile structurée avec plusieurs plateformes d’information et d’initiatives politiques, des syndicats de travailleurs et des structures organisées d’intellectuels qui canalisent l’ensemble des forces vives du pays.

Cette société civile doit continuer à mobiliser les forces vives de la nation et engager avec elle des luttes pacifiques et non violentes afin d’imposer la tenue de l’élection avant le 2 avril, de s’opposer à la reprise du processus électoral et à l’inclusion de candidats déjà exclus et contraindre M. Macky Sall à quitter le pouvoir dès le 2 avril au terme de son mandat.

Elle saura s’opposer aussi à la loi d’amnistie annoncée.

Le Conseil constitutionnel qui a invalidé le décret du président de la République annulant la convocation du corps électoral pour le scrutin présidentiel du 25 février 2024 a démontré sa sagacité et son indépendance.

Nul doute qu’il dira et imposera encore une fois le droit.







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