L’espoir est ce qui fait vivre et jeunesse rime avec espoir. A n’en point douter, sur le plan purement politique, Ousmane Sonko a su cristalliser les espérances de la jeunesse sénégalaise, notamment celle qui n’a pas d’espoir ou d’acquis à préserver. Pour cette frange de la population, la peur de l’inconnu ne prendra pas le dessus sur l’espoir de lendemains meilleurs par une alternance par l’alternative. Les Sénégalais qui ont des acquis à préserver, cette frange de la population pour laquelle le statu quo est source de stabilité, seront sensibles à un message d’apeurement qui peut ne pas avoir sa raison d’être. Non seulement la peur obstrue la raison, elle démotive, décourage, et empêche l’être d’atteindre son potentiel. Nous ne pourrons donc pas avoir le courage du développement par la peur.
Nous avons observé la campagne présidentielle qui est sans surprise bipolarisée entre Ousmane Sonko à travers Bassirou Diomaye Faye et Amadou Bâ. Les premiers sont porteurs d’un message d’espoir, le deuxième a misé sur la peur de l’autre et de l’inconnu pour convaincre. De ce point de vue, Bassirou Diomaye Faye ne sera que le représentant, par les urnes, d’un leadership collectif porteur de progrès et d’espérance à travers un projet. Entre l’espoir et la peur, il faut choisir l’espoir à moins qu’il y ait des raisons objectives de craindre pour se prémunir d’un danger réel. Nous avons foi en la capacité de la jeunesse sénégalaise accompagnée de réaliser le développement du pays avec courage et responsabilité en prenant son destin en main. Prendre son destin en main, c’est avoir le mandat du peuple d’utiliser tous les instruments qui devraient permettre de réaliser les espérances de vie meilleure des sénégalais de demain, donc de la jeunesse.
La majorité silencieuse a la responsabilité d’arbitrer les deux forces partisanes qui se font face par la raison. Nous disions commentant la politique générale du Premier ministre Amadou Bâ déclarée au FMI que « la ligne du Plan Sénégal Emergent (PSE) comptait sur la co-construction de notre développement avec le financement extérieur en devises du privé comme du public sans autonomie monétaire pour ensuite redistribuer les fruits d’une croissance éventuelle » (Présidentielle 2024 : DPG au FMI à reformuler). Cette vision ne libère pas les énergies du peuple lui-même, ce qui en fait un paradigme collectiviste socialisant à l’échelle centrale, et fera de l’Afrique la locomotive de l’agenda du monde. Cette vision socialisante, nous disions, ne nous a jamais réussi et a été réaffirmée dans notre programme 2023-2026 avec le FMI et dans celui du candidat Amadou Bâ baptisée « Prospérité partagée ». Le FMI a confirmé démarrant le programme en cours, que le PSE n’a pas réussi sa promesse de transformation structurelle de l’économie et que notre endettement a financé des infrastructures qui, quoique utiles, n’ont pas contribué à une croissance durable tirée par le secteur privé et génératrice d’emplois et de progrès social (voir Rapports FMI 2023). Après nous avoir dit que notre taux de change était surévalué et que nous devions nous financer en monnaie nationale ou en dette extérieure concessionnelle en devises, le FMI n’en a pas tiré de conclusions autres que l’austérité et les réformes structurelles car il n’a pas ce mandat politique. Le Premier ministre Amadou Bâ, après avoir, à travers son ministre des Finances, pris acte du bilan dressé sur le PSE, et reconnu que les ressources pétrolières et gazières en perspective sont limitées et n’auront pas d’impact sur notre cadre économique, n’a pas proposé un programme présidentiel alternatif. La réorientation annoncée du PSE lors de la déclaration de politique générale présentée aux députés suite à la nomination du Premier ministre Amadou Bâ n’a donc pas eu lieu (Amadou Bâ : DPG Reportée, Candidat de la Continuité).
Alors que notre programme avec le FMI prévoit une réduction de notre déficit budgétaire à 3% du PIB à l’horizon 2025 pour maîtriser notre rythme d’endettement dans ce paradigme, le candidat Amadou se donne 2029 comme horizon pour ce même niveau de déficit. Il a donc l’intention d’endetter le pays davantage pour dérouler la même vision qu’il a mise en œuvre quand il était ministre de l’Économie, des Finances et du Plan. Il avait réalisé une croissance non soutenable par l’endettement et donc politicienne pour la réélection du président Macky Sall en 2019. Notre pays ne peut pas réaliser son développement dans le paradigme actuel qui est basé sur la dette extérieure en devises, concessionnelle ou pas aux vues des contraintes de notre banque centrale. Changer cette option nécessite une autonomie monétaire à l’échelle nationale ou de l’UEMOA si cette dernière a les mêmes options économiques.
La coalition Diomaye Président est la seule à avoir annoncé cette perspective nécessaire comme le disait le président Macky Sall lui-même en Conseil des ministres décentralisé et perspective qu’il faudra réaliser avec les mesures d’accompagnement. Une des conditions, pour le Sénégal et la Côte d’Ivoire locomotives de l’UEMOA, est bien évidemment la réduction de leurs dettes publiques notamment en devises de même que leurs déficits budgétaires dans un proche horizon, 2025 au plus tard. Il faudra ensuite mettre un marché des changes en place, marché à approfondir et accompagner progressivement avec la libéralisation des flux de capitaux extérieurs dans la zone. Il faudra dans ce cadre s’assurer de l’inclusion financière de nos populations, de nos entreprises, et de nos collectivités locales, l’accès au crédit étant actuellement difficile sinon impossible pour la plupart. Cette inclusion financière devra se faire avec une banque centrale transparente ayant une autonomie d’objectifs et d’instruments pour assurer la stabilité des prix qui est essentielle.
De notre lecture, Ousmane Sonko et la coalition Diomaye Président ont présenté un projet souverainiste qui veut, dans l’autonomie monétaire, s’affranchir de la domination de l’étranger, mais dans le collectivisme de plans de développement à l’échelle locale. Ceci en fera un paradigme libéral puisque les pôles aux plans et processus de développement autonomes seront nécessairement en compétition. Ce projet collectivise ainsi, en partie, avec un état développementaliste à l’échelle décentralisée de pôles régionaux, la direction du pays. S’il doit co-construire avec l’étranger, ce sera à ces échelles tout en accompagnant la libération des énergies des populations là où elles vivent dans la diversité culturelle, cultuelle, et sociale renforçant la libre solidarité locale qui accompagne la justice sociale à l’échelle centrale. Cette vision se rapproche de notre préférence, c’est-à-dire la souveraineté, mais dans le libéralisme et l’autonomie monétaire nationale ou sous-régionale dans l’UEMOA seulement, mais aussi dans le progressisme social et culturel. Nous disions que cette vision responsabiliserait les Sénégalais et le secteur privé national ou sous-régional dans leur propre développement et choix culturels de même que ceux de leurs communautés de base autonomisées avec une Côte d’Ivoire acquiesçant. A défaut, ce sera Senexit pour ces objectifs. Nous avons baptisée cette vision Souverainiste Libérale et Progressiste. Nous nous sommes donc retrouvés dans la formule du candidat Bassirou Diomaye Faye : « Un Sénégal souverain, juste, prospère, dans une Afrique en progrès ». La co-construction du développement et de l’industrialisation avec l’investissement étranger en complément à l’échelle de pôles régionaux peut rencontrer la vision du maire de Sandiara qui a rejoint la coalition Diomaye Président. Cette vision est aussi compatible avec celles de Boubacar Camara, de Boun Dionne, et de Mamadou Lamine Diallo sur l’industrialisation et les moyens de son financement à cette échelle.
Nous concluons cette contribution de soutien à la coalition Diomaye Président en disant que dans les programmes des autres candidats que nous avons lus, il y a des mesures de réformes sur lesquelles les Sénégalais peuvent avoir un consensus. Ces réformes qui peuvent être utiles et pertinentes relèvent dans bien des cas du management et non du leadership ou d’une vision alternative au statu quo et ne sont donc pas déterminantes de notre point de vue. Bien sûr, nous pouvons toujours renforcer nos institutions et notre démocratie qui dans un passé récent nous ont démontré leur solidité. Nous pouvons également améliorer les performances de beaucoup de secteurs notamment la santé, l’éducation, les infrastructures et les biens et services publics horizontaux. Le préalable, cependant, c’est la création de richesses pour leur financement durable dans la souveraineté sans intervention étatique inutile au-delà de la correction des défaillances et des sous-provisions de biens publics et dans les limites des capacités objectives de l’État.
Créer de la richesse, c’est accompagner l’entreprenariat et la liberté économique dans tous les secteurs productifs même dans l’agriculture, l’élevage et la pêche et savoir distinguer ce qui est simplement de la redistribution ou de l’idéologie collectiviste socialisante interventionniste et ce qui est de l’économie pure. Même dans la fourniture de services publics de base, l’État peut privilégier de financer et subventionner mais n’est pas obligé de produire afin d’encourager l’efficacité et l’efficience, la compétition, tout en promouvant l’égalité des chances. La décentralisation et la territorialisation de la définition même des politiques publiques et la comparaison des performances d’unités territoriales autonomes en concurrence peuvent permettre l’émulation vers le haut et la sanction localisée des échecs. De ce dernier point de vue, le Sénégal gagnerait à écouter le candidat Serigne Mboup. Karim Wade quant à lui a la responsabilité d’accompagner la vision souverainiste libérale et progressiste qui parachèvera le SOPI et qui relève le défi qu’avait lancé son père à la jeunesse africaine de trouver la voie du développement dans le libéralisme (voir Eco et Libéralisme : Relever le défi d’Abdoulaye Wade).
Librement.
Dr. Abdourahmane Sarr est président CEFDEL/MRLD
Moom Sa Bopp Menël Sa Bopp