De nouveaux visages arrivent aux responsabilités. Ventilés à divers postes d’un gouvernement qui a mis du temps à se dessiner, les ministres prennent possession de leurs départements respectifs sous la férule de leur chef, Ousmane Sonko déjà aux commandes du navire !
Il a pris fonction hier dans une sobriété qui en dit long sur la nouvelle ère qui s’ouvre… Le Premier ministre Sonko a surtout décliné son programme de gouvernement puisé dans son fameux « Projet » qui sert de boussole aux nouvelles autorités.
Aussitôt sa nomination entérinée, il s’attelait, en accord avec le président de la République, à fixer la mission qu’il s’est assigné dans un contexte d’urgences et de contraintes qui ne laissent point place au répit. L’emploi, la sécurité, la jeunesse, la mobilisation citoyenne, la lutte contre la corruption et le coût de la vie constituent les axes pivots de la politique qu’il entend conduire.
A ces priorités, des budgets prioritaires ! Nanties d’un suffrage universel synonyme de plébiscite, les deux têtes de l’exécutif ne perdent pas de temps pour former une équipe qu’elles veulent homogène, complémentaire et soudée afin de traduire en actes les premières intentions présidentielles.
Pour beaucoup, les titulaires de portefeuilles ont le physique de l’emploi et surtout le profil adéquat. Certains CV sont… balèze ! D’autres intéressants. De ce fait, la diversité des horizons et des parcours demeure une richesse susceptible de forger un mental et un état d’esprit en quête de puissance. Ces technocrates manquent-ils de sens politique ?
Sous l’effet des contraintes, ils présentent des qualités distinctives pour enrayer les difficultés à l’origine du choix porté sur eux. D’ailleurs, nombre d’entre eux sont des technocrates à l’expertise avérée issus pour la plupart des milieux d’affaires, des banques, des institutions financières internationales, de la coopération ou des universités.
Tous, moins politiques que leur patron, vont apprendre le métier en s’éprouvant. La troisième alternance est donc en marche ! A cet égard, le terrain est la seule vérité qui compte. En clair, le savoir-faire et le vécu seront plus requis que l’épaisseur des diplômes empilés. N’empêche, la trajectoire académique reste un gage de sérieux, de présomption de compétence et pourquoi pas de talents qui prédisposent ceux qui s’en prévalent d’être à la hauteur.
Dans leurs relations de travail au quotidien, naîtront des liens personnels, base affective de solidarité gouvernementale propice à surmonter les écueils et les égos des uns et des autres. D’autres combats sont en ligne de mire pour ces ministres, de surcroît des novices dans leurs attributions : améliorer les conditions de vie des Sénégalais (sans distinction) une fois le chapitre de l’élection présidentielle clos, enchaîner les visites pour cerner les décalages en rencontrant les gens dans leur simplicité.
Au-delà du style, dont l’importance sera relative voire anecdotique, le ministre est attendu sur sa créativité et son impulsion pour entraîner son monde dans la dynamique voulue sans fausse note. Si les tâches prioritaires sont identifiées, leur mise en œuvre opérationnelle va s’avérer complexe en raison justement de la conjoncture politique qui prévaut en ce moment.
D’abord le budget 2024 est voté par une assemblée en osmose avec la majorité sortante. Il repose sur une loi de programmation et sert de référence à plusieurs exercices cumulés si bien que la modification ne surviendrait que dans le cadre d’une loi de finance rectificative nécessitant toutefois une réévaluation de la qualité des dépenses.
En d’autres termes, la même assemblée sera tenue de réapprécier la situation à l’aune du changement survenu depuis le 24 mars dernier. Une remise en ordre en perspective. La tâche s’avère délicate. Elle va induire des tractations pour arrêter une stratégie efficace au sein d’un Parlement souvent agité.
Mieux, il faudra aller vite (sans se hâter) et surtout donner un signal qui rassure. Le changement à la tête de l’exécutif postule une configuration nouvelle, voire inédite avec d’un côté un gouvernement qui reflète le choix voulu par les Sénégalais et une Assemblée nationale reposant sur un précaire équilibre des forces politiques.
Que nous réserve ce bouleversement du paysage politique ? Le PDS et le PS reculent, électoralement. Ils deviennent des partis de soutien et perdent ainsi l’initiative en se rangeant par nécessité derrière des forces qui montent. L’APR va-t-elle se saborder ou imploser ? N’ayant pas pu se structurer alors qu’elle était au pouvoir, va-t-elle pouvoir le faire maintenant qu’elle se retrouve sans préparation dans l’opposition ? Aucun cadeau ne lui sera fait ?
Et le Pastef ? Sa ligne politique a certes triomphé. Mais comment compte-t-il s’imposer dans une recomposition politique qui se profile en prélude aux prochaines élections législatives et municipales ?
De nouveaux combats se dessinent tant au pouvoir que dans l’opposition qui va nécessairement se chercher une figure d’incarnation. Le Président Diomaye Faye a fixé un cap avec en toile de fond une réorganisation de l’échiquier politique en vue de diminuer le nombre de partis, surtout ceux sans consistance ni épaisseur.
La récente consultation a révélé le poids électoral de beaucoup de prétendants sans réelle envergure ni emprise notable. Nul doute que certains dirigeants vont tomber en disgrâce.
En revanche, c’est la divine surprise et une onction de grâce pour ces jeunes ministres prêts à se durcir le cuir au contact du réel. Redoutables défis qui peuvent s’inscrire dans un temps long alors que les urgences exigent des réponses immédiates. Ils ont besoin d’un succès d’estime pour franchir les barrières psychologiques qui vont naturellement se dresser sur leur chemin.
Cependant, il est heureux de voir qu’un consensus se dégage sur le gisement d’emplois que recèle l’agriculture si jamais elle est mise sur les rails de la souveraineté alimentaire et surtout de la sécurité alimentaire. Pour y arriver, le choix porté sur le banquier Mabouba Diagne s’avère judicieux.
Il a fait montre d’une rare pugnacité dans ses fonctions antérieures pour réorienter les financements vers une économie verte en progression avec un succès retentissant. Par un subtile montage financier, il a créé un complexe agricole de transformation dans son terroir d’origine avec à la clé des emplois et des revenus accrus qui lui valent une immersion sociale très profonde.
Il en est de même du ministre de l’industrie, Sérigne Guèye, également maire de Sandiara qui, avec opiniâtreté, est parvenu à ériger une active zone industrielle dans son fief grâce à son carnet d’adresses et à son ingéniosité.
On le voit, il est possible d’accentuer la perspective en faisant de l’emploi le leitmotiv tous azimuts au grand bénéfice des jeunes de plus en plus nombreux sur le marché du travail, sans formation professionnelle, dépourvus de qualification. Ils constituent une chance (à saisir) et une non bombe ou une menace (à brandir) sur le chemin de la croissance inclusive qui les éloigne des affres de la misère et des tentations aventurières.