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Après l’élan de sympathie qui s’est exprimé un peu partout dans le monde pour soutenir l’alternance démocratique apaisée survenue au Sénégal, au soir du 24 mars 2024, il est désormais question pour le président élu, Bassirou Diomaye Diakhar Faye, de s’atteler à la concrétude du « PROJET collectif défendu pour un Sénégal Uni, Souverain, Juste et Prospère» (Voir ci-contre Communiqué du Conseil des ministres).

Un impératif incontournable si tant est que l’objectif visé est qu’il n’apparaisse point comme un rêve dont l’horizon, à l’instar d’une chimère, ne cesse de s’éloigner lorsqu’on pense s’en approcher.

Même si les résultats ne seront pas immédiatement au rendez-vous puisque s’inscrivant dans les plis jusque-là indéfroissables, d’un temps plus ou moins long, force est de constater que les attentes sont si nombreuses, si brûlantes, l’avenir si obstrué, qu’il ne saurait y avoir de répit. Il importe alors, pour contenir et pacifier les impatiences, d’imprimer dans l’esprit des populations que loin des flonflons, le gouvernement est en ordre de bataille, déterminé à trouver des solutions aux problèmes de vie et de survie qui les taraudent. En lieu et place de ventres qui enflent, de joues qui s’arrondissent, il doit alors être prêt à voir perler de la sueur sur des visages soucieux, blanchir des cheveux du fait des lourdes charges qui pèsent sur les épaules et des énormes défis qui attendent à être relevés.

Il revient alors au chef de l’Etat et à son gouvernement de montrer qu’ils vont à contre-courant de la logique qui avait prévalu lors de la première alternance et qui s’était traduite en des termes nauséabonds qui résonnent encore dans la tête de nombre de Sénégalais. « Nos problèmes d’argent sont maintenant terminés » avait rapporté Idrissa Seck, qui disait l’avoir entendu de Wade, se donnant ainsi la liberté assumée de faire « main basse sur la caisse » alimentée par les taxes et les impôts payés par les contribuables. La voie était donc libre et ils pouvaient s’enrichir en toute impunité tout en se donnant bonne conscience à travers les « passes » offerts au petit peuple. Avec les conséquences qui en résultent et que le bon sens populaire retrouve dans la formule qui veut « que les grands bandits se disputent lors du partage du butin ». Comment s’étonner alors que le pays s’enlise du fait de ses ressources dilapidées, ses potentialités piétinées, par ces mêmes gens qui se targuent ensuite, autre ineptie scandaleuse, d’avoir suscité des milliardaires sans cause? Aussi l’actuel chef de l’Etat a-t-il été bien inspiré en conviant « les membres du Gouvernement à rester humbles et sobres, à cultiver l’écoute, l’efficacité, dans la collégialité et la solidarité ». En perspective de la mise en œuvre du «Projet de transformation systémique du Sénégal» et de « l’espoir immense » placé en lui, un cadre servant de «référentiel de politique économique et sociale» a été décliné autour de cinq orientations majeures : la jeunesse et les femmes ; le coût de la vie ; la justice sociale et économique ; la Souveraineté nationale ; la sécurité et la stabilité du pays.

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« FIN DE CYCLE »

Parce que l’Afrique est riche de ses ressources humaines, de son sous-sol, rien n’explique aujourd’hui la pauvreté qui balafre le visage du continent sinon la démission de ses dirigeants plutôt intéressés à piller les richesses du continent pour se doter d’un luxe insolent placé dans des pays occidentaux. Au même moment, leurs populations croupissent dans la misère et voient leurs jeunesses en quête de vie meilleure, dans une désespérance absolue, contraintes aux affres de l’émigration. Aussi, être décomplexé ne consiste-t-il donc pas aujourd’hui à s’en prendre à un pays, un continent, fussent-ils dotés d’un passé colonial et esclavagiste ? Tout le contraire d’oser se regarder en face, s’interpeller, en dehors de tout mépris de soi, mû par une confiance en soi qui s’octroie le droit d’être créatif et de résoudre les défis qui se dressent sur son chemin.

Héritiers des générations qui les ont précédés, le nouveau chef de l’ Etat et son équipe gouvernementale doivent s’en inspirer tout en étant soucieux d’opérer les ruptures salvatrices qui consolident et pérennisent les acquis. Et cela, dans la perspective critique sans laquelle aucune avancée n’est possible. Aussi, avec la fin du « cycle senghorien*» qui s’est manifestée lors de la dernière élection présidentielle par la mise sur la touche de l’ancienne génération de politiciens professionnels, il est attendu de cette nouvelle séquence qui s’ouvre qu’elle initie des ruptures paradigmatiques, bouscule le statu quo. Une pensée de l’initiative donc, qui refuse de s’épuiser dans la seule réaction, au risque de créer selon le sociologue Elgas, « les conditions d’une nécrose des idées » (in Les Bons Ressentiments. Essai sur le malaise post-colonial. Editions Rive neuve).

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Il est pourtant dans ce pays une énergie sourde repérable à travers moult initiatives individuelles et/ou collectives qu’il faut désormais expulser du confinement domestique et de la confidentialité pour la laisser s’exprimer et surtout l’accompagner dans la luminosité éclatante d’un soleil radieux qui ouvre des possibles. A travers cette élection inédite qui a consacré la victoire du président Bassirou Diomaye Diakhar Faye, s’est sans doute exprimée une volonté de rupture avec les « indépendances cha-cha », faites d’insouciance et de gabegie innommable. Le Sénégal, l’Afrique ont assurément besoin de modèles d’émancipation, d’égalité, de performance économique et sociale. C’est là aussi où se joue le modèle démocratique et où, confronté au réel, l’on attend d’être surpris voire éblouis par les lueurs du « Projet de transformation systémique » si cher au nouveau chef de l’Etat. Tels sont les véritables défis.

NB : *Pour Mamadou Diouf, historien, Professeur à Columbia University, le système politique créé par Léopold Sédar Senghor s’est longtemps caractérisé par sa stabilité. Reposant sur le « modèle islamo-wolof » et sur un contrat social entre la classe politique, les chefs religieux et les détenteurs de légitimités traditionnelles, un tel système dit-il a « permis d’éviter les coups d’État ». 64 ans plus tard, parce qu’il a désormais atteint ses limites, incapable de s’adapter aux nouvelles aspirations de la société, Mamadou Diouf décèle une première brèche dans l’ancien système avec la contestation du 3e mandat prêté à l’ancien président Macky Sall. Pour le Pr Mamadou Diouf, « le cycle Senghorien s’est clôturé » avec la mobilisation populaire inédite et la victoire surprise du candidat anti-système, Bassirou Dioum Faye. A ses yeux ,c’est « un véritable tournant historique que le Sénégal vient de négocier ».

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