Le président Macky Sall avait initié la traque des biens mal acquis dès son accession au pouvoir en 2012. Mais sous son magistère, la Cour des comptes, l’Inspection générale d’Etat (IGE) et l’Office national de lutte contre la Fraude et la Corruption (OFNAC) ont produit beaucoup de rapports sans suite. Il a même déclaré avoir mis sous le coude certains dossiers. Les auteurs croyaient donc avoir des acquis bien cachés jusqu’au jour où le président Bassirou Diomaye Faye a ordonné la publication des rapports des 5 dernières années (2019, 2020, 2021, 2022 et 2023). La démarche du nouveau régime est à saluer mais son succès est assujetti à la prise en compte de deux éléments : la capacité d’absorption de l’administration d’informations et l’arbitrage entre ajustement et relance de l’économie.
De la capacité d’absorption de l’administration
Le concept de «capacité d’absorption» est utilisé en macroéconomie pour désigner l’efficacité avec laquelle une économie utilise un apport extérieur de capitaux, étant entendu qu’il peut être incapable de dépenser tous les montants qui lui sont destinés sur une période donnée. Sur le plan microéconomique, c’est l’aptitude d’une entreprise à reconnaître la valeur d’une nouvelle information, à l’assimiler et à l’appliquer à des fins commerciales (pour accroître ses ventes). La capacité d’absorption, ici, fait référence à l’aptitude du pouvoir actuel à identifier les dysfonctionnements, à les punir et surtout à prendre des mesures correctives pouvant éviter que les nouveaux responsables nommés ne fassent la même chose que leurs prédécesseurs en termes de prévarication. Non seulement l’exploitation de tous ces rapports et leur traitement judiciaire requièrent du temps et des moyens matériels et humains considérables, mais la transformation de ces informations en leçons apprises pour verrouiller davantage et réduire les possibilités de détournement est un défi majeur à relever.
De l’ajustement à la relance
On le sait, certaines difficultés de relance de notre économie sont liées à des problèmes de gouvernance (corruption, détournements, concussion). Le nouveau régime est attendu sur l’amélioration du quotidien des Sénégalais (court terme) et sur le changement structurel dans le mode de gouvernance (moyen et long terme). Puisqu’il a fait des promesses sur les deux tableaux, il sera jugé sur sa capacité à trouver le juste équilibre entre «regarder dans le rétroviseur» et «se concentrer sur la route» pour être sûr de prendre la bonne direction, celle du PROJET. Le régime du président Bassirou Diomaye Faye se trouve actuellement à un carrefour qui mène à 3 chemins : la rupture, la continuité et la création. La continuité est impossible sauf si le régime veut percuter le panneau «route barrée» déjà déposé par les électeurs. La rupture prend en compte des éléments existants en intégrant de nouveaux mécanismes et procédés plus efficaces. La création reviendrait à jeter le bébé avec l’eau du bain, en ignorant les bons points de l’administration sénégalaise ; ce qui est risqué.
En définitive, la rupture semble être une meilleure option mais la difficulté réside dans la politisation à outrance de l’administration ces 10 dernières années, et dans la difficulté à user d’une approche chirurgicale pour dénicher les prévaricateurs tout en épargnant les fonctionnaires intègres. Heureusement la contagion ne se fait pas par contact physique et la cohabitation avec des individus moins vertueux ne change pas les valeurs sûres.