Le séjour dans l’opposition est une traversée du désert. Prêcher dans le désert est un peu facile. On y mange son pain noir en même temps que l’on broie du noir en noircissant le tableau de l’adversaire. Il y a du virtuel là-dedans. C’est différent de l’exercice du pouvoir qui est du pain béni en apparence. Mais c’est du réel. Sous le magistère de tel ou tel, on prétend pouvoir faire bouger les lignes avant de se faire bouger soi-même. Être en première ligne ou en pôle position ne fait pas de vous un magicien. La prestidigitation et les tours de magie n’opèrent pas. Promettre que tout allait recommencer à aller bien ou que même les vils prix seraient de retour est une simple démagogie. Il en faut plus. Une valeur ajoutée, un surcroît de pédagogie qui n’est pas de chercher à gagner du temps mais de prendre le temps de bien faire les choses. Éloigné des dossiers de la République, il est loisible à tout un chacun d’expliquer à qui veut l’entendre que l’Etat-providence peut resurgir comme par enchantement. Ça fait des décennies déjà que les socialistes ont théorisé le moins d’État, mieux d’État. Ça a le mérite d’être clair. Les temps difficiles sont devant nous. Rigueur et austérité devancent programmes et projets. Une fois au contact des dossiers politiques, géopolitiques et économiques et leurs dessous de cartes, on comprend vite qu’on n’a pas toutes les cartes en main ni assez de capacité d’action. L’héritage est à chaque fois plus lourd à porter. Les prédécesseurs n’ont pas fait le boulot. Ils ont laissé derrière eux colis piégé, cadeau empoisonné et champ de ruines. De plus, comme on est extravertis, tout ce qui provient d’ailleurs est à prendre ou à laisser. Le capitalisme dominant fait des affaires. Il a autre chose à faire que le sentimentalisme. Ceux qui avaient insinué qu’on peut raser gratis finissent par raser les murs.
Les efforts budgétaires qu’impliquent ces promesses mirifiques sont au-dessus des forces. Y croire ou s’en ouvrir est crédulité et optimisme béat. Tous n’ont quand même pas mordu la poussière. Avec son détachement émotionnel sur les choses quand tout se dissipe, l’observateur préférable au chroniqueur donne rarement crédit aux éléphants blancs. De son côté, la critique acerbe casse du sucre sur le dos de celui qui promet monts et merveilles sans être prudent sur la faisabilité. La prudence est l’amie de la bienveillance. Le partisan demande dans ce cas à prendre son mal en patience que l’on soit pour ou contre. Trop de grains de sable ont grippé la machine. Les outils se mettront en place un à un. Tout baignera dans l’huile. L’espérance ne déçoit jamais. L’espoir ne prend fin qu’en enfer. La conjoncture est infernale. Tout le monde se perd en conjectures. Du malheur des autres, la mondialisation se nourrit. Pauvres de sentiments, les prophètes du malheur spéculent, font de la rétention et du dumping. La consommation est non seulement onéreuse mais elle est bourrée d’Ogm. Tout est question de quantité, de volumes. La qualité est disqualifiée. Double peine pour le consommateur qui creuse sa tombe avec ses propres dents. La forte demande dope les prix et pousse à des pratiques extravagantes en termes de profit. À quelle sauce ce pauvre consommateur sans défense sera-t-il mangé ? Sur le fil du rasoir, quelque âme compatissante lui file de bon gré la métaphore des bouches à nourrir de plus en plus nombreuses et la pièce montée qui a été démontée en pièces. Les convives autour de la table jouent des coudes et se bagarrent pour attraper un gâteau qui se rapetisse comme peau de chagrin.
Les ressources s’épuisent ici et ailleurs. L’abondance est aux abonnés absents. Les tarifs ont des griffes acérées. Qui a griffonné cette chose sordide ? «Qui ne travaille pas, ne mange pas». Avant nous, des humains sans humanité en étaient à ces considérations moyenâgeuses. Trouver les moyens car les carottes ne sont pas toutes cuites. C’est tout ce qui compte. Comment arrêter la dégradation des conditions de vie pour la majorité de nos concitoyens ? On n’a pas réponse à tout mais il y a quelque chose à tenter. Agir d’abord sur le train de vie de l’État. Lutter contre la gabegie. Distribuer du pouvoir d’achat. Réveiller la solidarité qui dort et faire autant que possible des économies, chacun en ce qui le concerne sans oublier de revenir aux choses simples, la sobriété heureuse. Il faut essayer tout ce qui est raisonnable pour alléger le fardeau et ne pas avoir peur de se tromper. Le sel de la vie est de se tromper. Revoir ses jugements d’hier n’est pas une faiblesse. C’est précisément une noblesse. Penda Mbaye qui inventa le riz au poisson n’avait pas cette intention au départ. Elle voulait servir la paella mais s’était trompée dans la préparation. Le résultat final fut si brillant et délicieux qu’on a fini par en faire le plat national, même si le goût n’est plus le même et qu’il est rempli d’arêtes par la crise. Goûter aux délices du pouvoir, ce n’est plus que de la gestion de crises. La magie n’opère plus nulle part. Ni fast-food ni le fast-track. Qui ralentira la cadence du coût de la vie ?