Le juge n’a pas de compte à rendre au public ou de satisfaction à donner à un pouvoir politique. Le juge ne condamne pas, le juge ne libère pas ; c’est la loi qui condamne ou libère. Il est utile de bien comprendre la justice avant de l’apprécier, connaitre ses composantes et son fonctionnement avant de l’évaluer ou la soumettre au public. Au Sénégal, la justice est par essence indépendante et impartiale. La justice créée tous les jours des mécontents et des heureux et est l’objet de critiques acerbes parce qu’elle est tout simplement imprévisible, ce qui explique souvent la perception variable qu’ont les justiciables sur le système judiciaire. J’explique avec la plus grande modestie, loin de donner un cours de droit pour enseigner des fondamentaux. La justice est un pouvoir, un des piliers de l’Etat de droit.
Au Sénégal comme ailleurs c’est le pouvoir judiciaire qui garantit l’Etat de droit et surtout la défense et la protection des populations. Le système judiciaire est constitué de nombreux acteurs (cours, avocats, juges, tribunaux, notaires, huissiers, greffiers, personnel de justice, universitaires etc. régis chacun en ce qui le concerne par des législations très précieuses. Chaque composante de ce système agit conformément aux lois et règlements. En plus il y a les infrastructures, le dispositif juridique et les ressources financières qui sont des composantes essentielles de la justice.
Le conseil supérieur de la magistrature, le statut des magistrats, la cour suprême, la cour des comptes, le conseil constitutionnel sont régis par des lois organiques. C’est une loi qui fixe clairement l’organisation judiciaire du Sénégal. Les rôles sont déterminés et les règles du jeu judiciaire sont fixées par des textes légaux. Toutes ces dispositions et moyens garantissent l’indépendance et l’impartialité de la justice sénégalaise. L’indépendance de la justice veut dire tout simplement la possibilité et la capacité qu’a le juge de rendre sa décision en toute responsabilité conformément aux textes en vigueur. Une justice pour tous signifie un accès gratuit à la justice sans distinction, un procès équitable et une justice spatiale. Elle est impartiale car toute personne en conflit avec la loi qu’elle soit riche ou pauvre est susceptible de se voir appliquer des peines.
Pour faciliter l’accès à la justice, les maisons de justices sont créées par décret 2007/1253 du 23.10.2007 relatif à la médiation et à la conciliation. Chaque jour, plusieurs affaires sont traitées et les juges rendent des décisions sans tambour ni trompette. Cependant, comme dans tous les pays du monde, certaines personnes en conflit avec la loi passent tout leur temps à critiquer la justice, créent la désinformation, menacent les magistrats et polluent tout l’environnement judicaire.
Être démocrate et républicain, c’est d’abord le respect et l’acceptation des décisions de justice, ensuite de ne pas accuser de corruption les magistrats. Je n’ai pas assez de temps pour développer la thèse de Gaston Bachelard sur le « mensonge et la puissance » pour vous montrer la gravité du mensonge grandeur nature.
Pourquoi certaines personnes critiquent la justice plus précieusement les décisions rendues par les juges ? Peut-on par l’opinion publique apprécier objectivement le fonctionnement de la justice ?
On critique souvent la justice par ignorance : celui qui critique ou conteste la décision du juge ignore qu’il existe une voie de recours qui permet de juger une seconde fois un litige, il suffit tout simplement de former l’appel dans les délais indiqués. Il existe en plus le principe de la contradiction qui est la possibilité donnée aux parties de discuter l’énoncé des faits et les moyens juridiques que ses adversaires lui ont opposés.
Enfin le respect des droits de la défense est un principe fondamental en droit, il est même amélioré dans les pays de l’UEMOA. L’opinion publique n’est pas suffisante pour apprécier le fonctionnement d’une justice. Il faut une approche systémique fondée sur des études et analyses faites par les acteurs eux-mêmes ou à travers les universités, instituts de recherche et les parlementaires. Voila à mon avis ceux qui ont la compétence de soumettre au Président de la République un projet d’amélioration du système judicaire. Nul n’ignore que le système judicaire doit s’adapter au contexte actuel du monde. Partout dans le monde les peuples aspirent à de nouveaux droits donc les législations doivent évoluer pour prendre en charge ces préoccupations nouvelles.
Par conséquent, il faut remodeler le système et redéfinir les moyens d’actions. Michel Crozier, fondateur du centre de sociologie des organisations a développé avec Erhard Freiberg dans « l’acteur et le système » comment concevoir une analyse stratégique pour une organisation. L’exécutif peut à tout moment proposer des réformes pour améliorer le fonctionnement de la justice, mais cela suppose de l’innovation et expertise à la dimension de Robert Badinter au temps du Président Mitterrand.
A mon avis, pour améliorer un système judicaire, il faut utiliser quatre leviers principaux qui sont :
Levier 1 : les ressources humaines : comment améliorer la formation et la motivation des acteurs de la justice ?
Levier 2 : le dispositif judicaire : comment améliorer et adapter les textes ?
Levier 3 : les infrastructures: comment créer des infrastructures nouvelles pour une bonne décentralisation judicaire ?
Levier 4 : les ressources financières : comment augmenter le budget de la justice pour prendre en compte les nouveaux besoins ?
Alpha YOUM
Spécialiste de Gestion publique et Droit social