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Encore Une Fuite Lors Des Compositions, Et Nos Eleves Toujours Les Victimes

Ce lundi 24 juin, les élèves de seconde S étaient convoqués de 8h à 11h pour composer en Physique-chimie dans le cadre des Phares au niveau de l’Académie de Thiès. Deux (2) heures après la distribution et le début des épreuves, alors que les élèves se penchaient, enthousiastes et concentrés, sur les exercices, on a subitement interrompu l’épreuve de composition pour raison de fuite des sujets. Apparemment, certains élèves étaient en possession des épreuves ou de l’un des exercices proposés. Généralement, on parle de fuite à l’examen ou en composition lorsque la confidentialité des sujets n’est pas assurée. Ces sujets sont censés être dans le secret aux yeux des élèves jusqu’au jour des examens. Mais, malheureusement, tel n’est pas le cas. Les fuites des sujets sont les résultats de la mauvaise organisation des examens et compositions d’une part et, d’autre part, de l’indélicatesse de certains responsables et surveillants. Evidemment, ce n’est pas une spécificité sénégalaise : un rapport du ministère français de l’Enseignement supérieur et de la recherche, daté de 2012, évoquait déjà «une préoccupation ancienne à laquelle des évolutions contemporaines, notamment les développements du numérique et les changements des modalités d’évaluation, donnent une acuité nouvelle. Ce phénomène, qui relève de la fraude, de manquements aux devoirs, de négligences avérées, nous inquiète en tant que parents d’élèves et enseignants, parce que nous tenons beaucoup à la confidentialité des sujets qui concourt à la transparence et à la crédibilité des évaluations, des décisions des conseils de classe, du profil de nos élèves dont nous nous plaignons souvent du niveau faible».

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Mais ce qui est surtout à déplorer cette fois-ci, c’est la gestion de ce cas de fuite lors de la composition de Pc dans les classes de seconde S. En tout cas, au niveau du lycée de Tivaouane, c’est 2h après le début des épreuves que la décision est prise. Je me demande encore qui a pris cette décision incongrue. J’assume et je pèse bien mes mots en parlant d’incongruités ou d’inconvenances : les élèves ont été lésés, surtout qu’on a décidé, illico presto, de distribuer d’autres sujets et de faire travailler les élèves et les surveillants au-delà de l’heure prévue. On devait terminer à 11h, mais avec l’interruption et le changement des sujets, les élèves sont restés jusqu’à 13h. On a joué avec leurs nerfs ; on a déconcentré et perturbé les élèves durant cette composition. J’imagine le bruit, l’inconfort, le tohu-bohu indescriptible dans les salles de classe lorsqu’on a annoncé aux élèves la reprise dare-dare de la composition. On aurait dû tout bonnement reprogrammer cette épreuve, surtout que d’autres épreuves les attendaient à 15h. C’est ce qui se fait habituellement en cas de fuite avérée. On n’a pas tenu compte des conditions minimales, des dispositions, pourtant définies par les textes pour assurer des conditions psychologiques adéquates lors des évaluations. On oublie souvent que c’est le rôle des enseignants et surveillants d’aider les élèves à se concentrer lors des évaluations, et de les aider à se remémorer les informations au cas où ils rencontrent un blocage ou un trou de mémoire, pour les rassurer et les aider à se détendre. Je pense honnêtement que les droits des élèves ont été bafoués ce matin : on n’a pas respecté leurs droits ; ils vont payer des pots qu’ils n’ont pas cassés pour avoir composé dans des conditions qu’ils n’ont pas créées.

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J’étais très gêné quand ma fille, encore adolescente, victime comme ses camarades de classe, à qui j’ai eu à parler de la centralité de l’élève, me dit sur un ton ferme, presque les larmes aux yeux : les élèves sont toujours sacrifiés et pourtant vous avez l’habitude de me dire depuis que je suis à l’élémentaire, que «l’élève est le prince d’un royaume qu’on appelle l’école» (Reboul, 1989). On a l’impression que la centralité de l’élève ne veut rien dire pour les adultes qui travaillent à l’école, ou du moins les réformes et décisions ne militent pas en faveur de l’épanouissement des enfants à l’école. Peutêtre, pour reprendre Pierre Teil, on est toujours dans une école qui ne tient pas compte de la réalité des enfants : «On ne s’occupe que de ce que les élèves doivent acquérir, en occultant le fait qu’un enfant n’apprend que s’il en a le désir. Or, celui-ci ne peut exister que si on aide l’enfant à prendre conscience de ses capacités d’apprentissage, que l’enseignement doit lui permettre de développer alors que souvent il les inhibe.» (Pierre Teil, 2006, p. 27).

Par ailleurs, mes collègues ne tiennent pas compte, en corrigeant les copies, des conditions dans lesquelles les élèves sont évalués. On oublie souvent le point de vue des élèves, à qui on impose n’importe quoi sans tenir compte de la psychologie des évalués, de leur rapport avec les notes. Pour nos élèves, les notes sont l’équivalent d’un salaire. Elles récompensent leur mérite et permettent le passage dans la classe supérieure et l’estime de leurs parents. Ces derniers, très exigeants et du fait que nous sommes entrés dans l’ère de la «famille sentimentale et éducative», pour reprendre François de Syngly (1993), refusent de voir leurs enfants malheureux et s’enfermer dans l’échec du fait d’acteurs irresponsables, auteurs par leur négligence des fuites, comme celles notées régulièrement dans les examens et compositions.

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Les professeurs, que nous sommes, ne le savent peut-être pas suffisamment : la notation est un levier psychologique pédagogique terriblement puissant. Un mauvais usage peut déboucher sur un désastre. Un bon usage pourrait favoriser un cercle vertueux : récompense apprentissage-récompense (Pierre Merle, A quoi servent les notes, 2016).

Peut-être, on gagnerait à rendre les évaluations scolaires plus constructives et moins démotivantes pour tendre vers une évaluation accompagnatrice des apprentissages.

Bira SALL

Professeur de Philosophie au Lycée Ababacar Sy de Tivaouane

Chercheur en Education et Formation

Email : sallbira@yahoo.fr







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